Dans un article publié le 14 mars dernier dans The Gazette, le ministre des Finances, Carlos Leitao, affirmait que le nationalisme prôné par la Coalition avenir Québec était un nationalisme « ethnique ». À travers cette déclaration, le ministre trahit la position fermement multiculturaliste du Parti libéral du Québec, qui abhorre désormais toute forme de nationalisme québécois et qui tente d'utiliser des termes dégradants et mal vus comme le « nationalisme ethnique » pour dénigrer ceux qui ne partagent pas sa position.
Plus le temps avance, plus on pourrait être porté à penser que le Parti libéral du Québec est aussi multiculturaliste et antinationaliste que son équivalent fédéral, mais simplement moins ostentatoire dans sa façon de l'être. Si pour le PLQ de vouloir assurer le futur de la langue française en sol québécois ou de vouloir séparer l'Église et l'État correctement est du vil « nationalisme ethnique », il est, non seulement profondément déconnecté de la réalité, mais aussi entièrement acquis à la doctrine canadienne du multiculturalisme, celle qui dissout les nations parce qu'elles ne sont pas suffisamment « inclusives » ou « diversifiées ».
S'il y a quelque chose à redire du nationalisme caquiste, c'est peut-être son manque d'ambition et non sa supposée teneur « ethnique ».
S'il y a quelque chose à redire du nationalisme caquiste, c'est peut-être son manque d'ambition et non sa supposée teneur « ethnique ». En effet, que dire d'un parti qui se dit nationaliste, mais qui affirme qu'une trop grande place est accordée au français dans les critères d'immigration. Dans l'intérêt de la nation, il vaudrait mieux concentrer nos efforts sur la francisation et accueillir une immigration 100% francophone, comme le propose le Parti Québécois. Dur dur de se prétendre réellement nationaliste après une affirmation de la sorte, qui tasse complètement la nation au profit d'une réflexion strictement économique.
Ceci étant dit, Carlos Leitao applique dans son entrevue la recette de base des politiciens multiculturalistes : tenter de criminaliser l'adversaire en l'associant à des termes peu flatteurs issus d'un vocabulaire strictement partisan. Si un intervenant quelconque n'est pas d'accord avec le dogme multiculturaliste, qui prévoit à terme l'effacement total de la nation au profit d'une poignée d'individus n'ayant rien en commun si ce n'est le fait qu'ils paient des taxes au même gouvernement, alors c'est un « fermé », un « replié sur lui-même » ou pire, un horrible « identitaire ».
Il faut reconnaître ce bon coup aux multiculturalistes, leur vocabulaire s'est formidablement bien incrusté dans l'espace public et ils sont désormais capables de polariser en un instant simplement en susurrant les mots « nationalisme ethnique ». Grâce à leurs amalgames douteux entre « intolérance » et nationalisme, ils parviennent à criminaliser les propos de leurs adversaires en un claquement de doigts. En cherchant à vider le nationalisme de toute sa substance, ils cherchent consciemment à le tuer pour que l'idéologie « postnationale » canadienne prenne le dessus et entraîne une uniformisation du Canada, Québec inclus, à vitesse grand V. Il n'est que normal que des gens s'y opposent.
Fondamentalement, pour qu'une nation soit considérée comme telle, ses habitants doivent partager des caractéristiques communes, dont une langue, une histoire et une culture. Le nationalisme québécois, justement articulé autour d'une langue commune, d'un parcours historique singulier et d'une culture tout à fait unique et vivante, en est un parfait exemple. Cela veut-il dire que la nation québécoise est forcément « repliée sur elle-même », « fermée », « exclusive » ou toutes les autres insultes farfelues qu'on pourra inventer? Bien sûr que non. Les multiculturalistes devront accepter que la nation choisisse de survivre plutôt que de se dissoudre dans le grand tout multiculturalisé et dénué d'identité propre, sensé être l'apothéose de l'idéal diversitaire.
Cette vision d'un État que plus rien ne définit, pas même sa culture, peut bien être l'ultime idéal du multiculturalisme, mais elle ne semble pas fort populaire au Québec, où les gens sont attachés à leurs racines, et avec raison. Quelle torture plus cruelle peut-on faire subir à un peuple que de lui arracher sa langue, son histoire et sa culture, même sous prétexte de le rendre « tolérant » et « ouvert sur le monde »?