À voir comment les choses tournent en Afghanistan, on constate que la guerre lancée contre le « terrorisme » se transforme en « terrorisme d'état » et que les États (des Nations) n'ont d'autre choix que de s'en prendre à leur peuple respectif pour alimenter leur (ex)croissance.
L'Union soviétique l'a appris à ses dépends dans les années quatre-vingts. On ne fait pas la guerre sans but (« Les Soviétiques ne pourront jamais défaire ces combattants qui utilisent le terrain montagneux afghan pour mener une véritable guérilla financée et soutenue militairement par les États-Unis, le Pakistan, l'Arabie saoudite et diverses associations musulmanes à travers le monde ») ! Et les Afghans le savent.
Est-ce retour de l'Histoire ? Qui finance les insurgés afghans ? Le contre-pouvoir. Réponse facile dira-t-on. Mais derrière le masque du pouvoir, qui se dissimule ? « On » demande aux citoyens de se dénuder devant l'appareil d'état. Et « on » se cache derrière un virtuel rideau de fer (une clôture de fer ne possède pas les propriétés de pouvoir attaquer – à moins qu'elle ne soit électrifiée, et même à ce compte, il s'agirait d'une protection passive, sauf dans le cas du Taser – un citoyen. D'où la nécessité d'utiliser des clôtures mobiles, des policiers qui chargent l'« ennemi » immobile) pour parler démocratie, bonheur, sécurité. Moi, je n'entends de ces borborygmes (jadis, on disait qu'il y avait de la neige dans la télé) qu'un silence plus dangereux que celui de la nature.
Les Américains et leurs « alliés » (quand on a un fusil sur la tempe, on se rallie au plus fort. Mais le plus fort ne dormira jamais en paix tant que nous – et nos enfants, et les enfants de nos enfants… – vivrons) tentent par tous les moyens de ne pas perdre cette guerre qu'ils ont initiée, la perdant par le fait même.
L'insurrection afghane se transforme donc en patriotisme malgré la corruption systématique de son gouvernement. Nous croyons l'Afghanistan corrompue. Mais la Mondialisation, dont nous sommes les témoins, exporte cette corruption hors les frontières des états souverains. Tous ont intérêt à ce que fonctionne la corruption pour survivre. La corruption fait partie inhérente de notre culture. Elle nous traverse et nous décentre bien malgré nous de nos valeurs que l'on croyait universelles.
Chacun peut éprouver un furtif sentiment de gêne – même inconscient, ce sentiment éprouvé est rapidement enfoui sous une liasse de gaieté mortifère – en payant un bien comptant afin de ne pas acquitter les taxes d'usage, en dissimulant un revenu, en cherchant l'abri fiscal, en investissant dans des fonds mutuels permettant un accroissement du capital.
Certes, on ne peut blâmer quelqu'un de vouloir améliorer son sort. Mais que vaut l'argent que l'on accumule quand celui-ci n'a pas son étalon en labeur ? Où se trouve le sentiment (l'épuisement) qui conforte, endort, permet le repos ? Comment aimer sans épuisement ? Comment jouir sans faille ? Comme vivre sans mourir ?
Comme on a, depuis les années soixante-dix, supprimé l'étalon or comme poids relatif à l'avoir des états, on flotte dans les croyances (le crédit) de toutes sortes. Nous sommes en pleine crise de croyance. Et c'est le fondement même du capitalisme de créer des asymétries d'informations pour manipuler les masses. Prises individuellement, les personnes se sentent isolées, sans voix comme l'écrivait Gilles Deleuze, et s'empressent de rejoindre la masse aveugle et terrifiée des citoyens qui se serrent les uns contre les autres (inquiétante réminiscence des trains de la mort nazis) pour se réchauffer et survivre à l'horreur.
Le prochain train pour l'Auschwitz du vingt-et-unième siècle arrive en gare. Et ceux-là même qui furent assassinés auront légué en héritage à leurs enfants (René Char écrivait : « Notre héritage ne comporte aucun testament », rien qui ne soit écrit pour nous guider dans nos actions et nos « instructions » futures) une amnésie chargée de cruauté et de barbarie, leur assurant la possibilité de se transformer en sifflets de manœuvre. Le transfert opère très bien entre les générations et les vengeances ne perdent pas une ride au fil du temps.
En Afghanistan, non seulement la rébellion s'organise mais la conscience du peuple se rappelle, à même les blessures et les souffrances qu'il a subies lors de la longue guerre avec l'Union soviétique, sa propre existence (individuelle et collective. Quand l'individuel et le collectif se rencontrent, ça crée de l'Histoire).
On n'abat pas un peuple, même si on l'annihile. Il resurgira ailleurs. Tandis que les empires se suicident d'eux-mêmes lorsqu'ils ne sont entrainés que par leur propre soif de mort, de manque d'imagination. Certes, dans tout ce carnage, c'est la multitude qui souffre. Et c'est la terre nourricière qui accueille cette souffrance. N'oublions pas que cette terre qui nous nourrit est gorgée de sang. Et ce que nous buvons est constitué de ce sang.
Il faut demeurer vigilant et éveillé car ce moment de l'Histoire (malgré ce qu'en pensèrent Hegel et Fukuyama qui oublièrent, à partir de leur propre aveuglement narcissique, que la réalité objective qu'ils décrivaient ne pouvait l'être sans toujours être remise à plat dès l'énonciation et qui prédirent la fin de l'Histoire) est toujours déjà là, en puissance. Car les dates historiques ne sont toujours que des réminiscences a posteriori d'événements inénarrables envers lesquels on active notre propre désir.
Le capitalisme est une énorme faille intellectuelle et Charles Ponzi en est le Roi.
Auteur : André Meloche
Le nationalisme afghan
Quand l'individuel et le collectif se rencontrent, ça crée de l'Histoire
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