La (Loi du livre) interdit au gouvernement du Québec de soutenir le développement du nouveau monde du livre. En fait, cette loi place notre gouvernement au centre de l’industrie traditionnelle du livre, ce qui est en soi une aberration car, dans tous les autres secteurs économiques, c’est l’industrie elle-même qui occupe la place centrale. Le gouvernement s’offre alors en soutien à l’industrie.
Dans le cas de l’industrie du livre, le gouvernement décide qui sera ou non un éditeur, un distributeur/diffuseur ou un libraire, et ce, par force de loi. Ainsi pour recevoir l’aide de l’État, un éditeur doit obtenir un agrément du ministère de la Culture et des Communications (MCCQ). Et ce n’est qu’une fois cet agrément obtenu qu’il pourra demander de l’aide financière de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Il en va de même des distributeurs et des libraires. La loi oblige aussi les bibliothèques à acheter leurs livres dans les librairies agrées de leur secteur géographique.
La Loi du livre définit la libraire suivant différents critères dont celui d’avoir pignon sur rue. Le distributeur ne pourra obtenir son agrément que s’il offre les livres que confiés par les éditeurs aux librairies agréées avec pignons sur rue. Aussi, l’éditeur sera agréé par le ministère que si sa production de livres est offerte en librairies avec pignon sur rue.
Tout allait pour le mieux jusqu’à la naissance d’un nouveau monde du livre engendré par les nouvelles technologies, notamment l’édition numérique, l’internet, le web et l’impression à la demande. Véritable révolution, ce nouveau monde du livre est dématérialisé. Il n’existe que sur le plan virtuel ou, si vous préférez, que sur le web et n’a donc pas pignon sur rue. L’éditeur est en ligne, le distributeur aussi et le libraire également. Et c’est pour cette raison que cette nouvelle chaîne du livre ne peut pas recevoir l’aide de l’État québécois qui mise, par force de loi, que sur la brique et le mortier.
Au Québec, le nouveau monde du livre se retrouve tout fin seul, avec peu de moyens, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde où les gouvernements l’encouragent et le soutiennent financièrement au même titre que toutes les entreprises associées à l’économie numérique.
Lorsque le Québec parle du nouveau monde du livre, il fait référence à l’évolution numérique de l’industrie traditionnelle du livre. Par exemple, le gouvernement du Québec a mis en place un programme de subvention pour aider les éditeurs traditionnels à produire la version numérique de leurs titres en version papier. Cette approche implique que l’éditeur traditionnel ne recevra une aide à l’édition numérique qui la version papier existe. On ne peut donc pas parler d’une révolution mais d’une simple évolution.
L’éditeur dit «pure player», c’est-à-dire qui ne produit ses livres qu’en version numérique n’est pas reconnu au sens de la Loi du livre comme un «vrai» éditeur.
L’éditeur qui ajoute à son offre numérique des exemplaires papier imprimés à la demande, un exemplaire à la fois à la demande expresse de chaque lecteur – chaque exemplaire imprimé est un exemplaire vendu d’avance, ne jouit pas non plus du statut d’éditeur au Québec. D’une part, il n’offre pas son livre en librairies avec pignons sur rue mais dans des librairies en ligne et, d’autre part, le recours à l’impression à la demande ne permet pas une telle distribution en librairies physiques. Il n’apparaît donc pas sur les radars du gouvernement et il se débouille sans aide de l’État, ce qui le confine à un minimum d’activités… au Québec.
Car il faut bien le rappeler, l’internet n’a (presque) pas de frontières. Un éditeur ou un libraire québécois exclusivement ligne peut connaître le succès en France et ailleurs dans la francophonie.
Le nouveau monde du livre ne connaît pas plus de frontières que l’internet. Ainsi, les médias québécois traitent régulièrement de ce qui se passe ailleurs, par exemple, d’Amazon, de Google Livres ou Google Play Store, du iBoook Store d’Appel et d’une pléiade d’autres initiatives étrangères à succès accessibles aux lecteurs et aux écrivains québécois. Mais nos médias ne connaissent pas ce qui se fait au Québec dans le nouveau monde du livre et, par conséquent, il n’en parle pas ou très peu. En réalité, nos grands médias priorisent l’industrie traditionnelle du livre, à l’instar de nos gouvernements, et ce, au détriment du nouveau monde québécois du livre. Les initiatives d’ici demeurent dans l’ombre.
Heureusement, les Québécois ne sont pas à la remorque de leur gouvernement et des grands médias dans le domaine du livre. Ce que les nouveaux auteurs, les auteurs, les écrivains professionnels et les lecteurs ne trouvent pas ici, ils le trouvent ailleurs. Nos propres initiatives ne disposent pas des moyens pour se faire connaître en nos frontières. Et le silence des médias y est pour beaucoup. Et ce dernier s’explique en grande partie par le silence des gouvernements.
Je cite l’exemple rapporté par l’hebdomadaire régionale La Frontière qui titrait en janvier dernier «Incapable de publier au Québec, elle distribue son livre en France». L’auteure Lucie Verret, lauréate du Prix littéraire de l’Abitibi-Témiscamingue en 2013, a publié son livre chez l’éditeur en ligne français Édilivre après des recherches infructueuses au Québec. Pourtant, ce genre d’éditeurs en ligne existe au Québec. L’auteure s’est retrouvée coincée parce que, a-t-elle confié au journaliste, «J’ai voulu en faire venir trois copies, ça revenait à 125 $ canadien». Comment se fait-il que cette auteure n’était pas informée du nouveau monde du livre au Québec ?
Permettez-moi de vous expliquer comment le nouveau monde du livre est devenu partie prenante de l’économie numérique en Europe. 1. Des expériences d’édition en ligne ont vue le jour au cours des années 90. 2. Les gouvernements européens et le Conseil de l’Europe a cru bon d’étudier le phénomène pour conclure qu’une part de l’avenir du livre et de la lecture revenait à ce nouveau monde du livre. 3. Les phares braqués sur ce nouveau monde du livre par les gouvernements (études, rapports, colloques, séminaires, subventions…) ont attiré l’attention des médias qui ont décidé de suivre assidument le sujet et ils ont ainsi attiré et soutenue l’attention des lecteurs et des auteurs sur les différentes entreprises impliquées dans l’émergence de ce nouveau monde du livre. Autrement dit, les fournisseurs et les clients potentiels de ces entreprises furent mis en contact à la fois par les gouvernements et les médias. Les bases étaient jetées pour une nouvelle économie du livre.
Au Québec, rien de tout cela ne s’est réalisé. Dès le départ, le gouvernement était enchaîné par la Loi du livre lui interdisant de s’intéresser à toute autre chose que la chaîne traditionnelle du livre. Et les médias l’ont suivi.
C’est pour palier au manque d’information que je viens de publier un guide pratique et critique sous le titre «Le monde du livre et ses coulisses», le premier du genre au Québec. Et c’est donner une pause aux nouveaux auteurs, auteurs et écrivains professionnels d’ici que j’offre à tous les lecteurs de Vigile un exemplaire numérique gratuit de ce livre en format PDF. Si vous désirez télécharger librement, c’est-à-dire sans devoir vous identifier, sans aucune donnée personnelle, sans frais et sans aucune obligation, allez à cette adresse web :
http://manuscritdepot.com/n.serge-andre-guay.5_vigile.pdf
Téléchargez le document et ouvrez-le avec le mot de passe : info-vigile-auteur.
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3 commentaires
Gaston Carmichael Répondre
15 février 2016Merci M. Guay,
Ma question portait à savoir si Patrimoine Canada exigeait également un lieu physique avec livres en format papier, ou si un éditeur purement numérique était éligible.
De votre réponse, j'en conclu qu'un éditeur purement numérique serait éligible. En tout cas, je ne vois pas de contre-indication.
Archives de Vigile Répondre
15 février 2016Bonjour,
Voilà ce que dit le programme canadien :
«Pour être admissible au volet « Soutien à l'édition », un éditeur doit :
- mener ses activités depuis au moins 12 mois au moment de la demande;
- être détenu et contrôlé par des intérêts canadiens dans une proportion d'au moins 75 p. 100;
- avoir son siège social et au moins 75 p. 100 de ses employés au Canada;
- appartenir à des intérêts privés ou être une presse universitaire;
- être financièrement viable;
- avoir rempli l'ensemble de ses obligations contractuelles à l'égard du paiement des - droits d'auteur, ou autre méthode de paiement des auteurs, du début de l'exercice de référence jusqu'à la fin de tout accord de contribution.
Les autres critères d'admissibilité comprennent entre autres : la publication d'un minimum d'ouvrages, un seuil de ventes minimum ainsi que des restrictions sur les revenus et la production.
Les divisions non incorporées de plus grandes sociétés, à l'exception des presses universitaires, et les éditeurs dont les ventes nettes de leurs propres ouvrages ont atteint ou dépassé 50 millions de dollars au cours de l'exercice de référence ne sont pas admissibles au soutien du FLC.»
Et voici le guide de demande :
http://canada.pch.gc.ca/DAMAssetPub/DAM-PCH2-Arts-Books/STAGING/texte-text/fLC-CBF_SoutienEdition-PubSupport-Guide2016-17_QC_1453129143311_fra.pdf?WT.contentAuthority=4.4.10
La Loi du livre s'applique au Québec uniquement. Mais si je reçois à la fois des aides financières du Québec et du Canada et que je suis au Québec, je dois tout de même me soumettre à la Loi du livre.
Gaston Carmichael Répondre
14 février 2016Patrimoine Canada offre aussi un fonds d'appui à l'édition du livre.
Est-ce que les conditions d'accès sont similaires à celles du Québec?