Le commissaire fédéral aux conflits d'intérêts a ouvert une enquête pour déterminer le rôle joué par le ministre des Pêches et des Océans, Dominic LeBlanc, dans l'attribution d'un permis de pêche dans les provinces de l'Atlantique.
Le Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique s'est refusé à tout commentaire, invoquant la confidentialité des renseignements. On sait seulement qu'une enquête a été ouverte vendredi dernier.
Le député conservateur Todd Doherty, critique de l'opposition en matière de pêcheries, talonne le gouvernement libéral depuis des semaines afin de savoir comment l'entreprise Five Nations Clam avait obtenu un permis de pêche pour une variété de palourdes, la mactre de Stimpson, dans les eaux de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.
Cette coentreprise, qui regroupe des Autochtones des quatre provinces de l'Atlantique et du Québec, a des liens avec le Parti libéral du Canada et plusieurs députés libéraux, dont le ministre Dominic LeBlanc.
En attribuant ce permis de pêche, le gouvernement fédéral mettait un terme à un monopole détenu depuis des années par le géant de l'industrie Clearwater Seafoods et accordait à Five Nations Clam le quart des quotas de pêche autorisés de mactres de Stimpson.
Des liens avec le Parti libéral
Un partenaire de Five Nations, Premium Seafoods, est une compagnie dirigée par Edgar Samson, le frère de Darrell Samson, député libéral fédéral de Sackville—Preston—Chezzetcook en Nouvelle-Écosse.
Dans une série de questions écrites soumises aux Communes par les conservateurs, l'opposition a demandé si le ministre LeBlanc était au courant avant l'octroi du permis de pêche qu'Edgar Samson était le frère d'un député actuel, et à quel moment M. LeBlanc a su qu'il avait des intérêts dans l'aventure. La réponse laconique du ministère a été « Oui, et ne sait pas. »
Une des cinq Nations membres du consortium, NunatuKavut, est dirigée par l’ancien député libéral de Labrador, Todd Russell.
Plus tôt ce mois-ci, le député conservateur de Cariboo—Prince George en Colombie-Britannique, Todd Doherty, y allait d’une nouvelle affirmation durant la période de questions à la Chambre des communes. « Five Nations est dirigé par Gilles Thériault », disait-il, « nul autre qu'un cousin de l'épouse du ministre ».
Un porte-parole de Dominic LeBlanc a ensuite confirmé les liens familiaux entre M. Thériault et Jolène Richard, la conjointe du ministre.
Le chef Aaron Sock, président de Five Nations Clam, s'est porté à la défense de Gilles Thériault, qui dirigeait initialement le consortium.
« Gilles Thériault n'a pas d'intérêt financier dans cette entreprise et ne fait qu'accomplir des tâches que je lui ai assignées en sa qualité de directeur général de McGraw Seafood, une compagnie qui appartient à la Première Nation Elsipogtog », affirme M. Sock.
M. Sock soutient que d'insinuer que sa communauté, ou toute communauté autochtone, a obtenu un permis de pêches pour d'autres raisons que la valeur de la candidature de ses entreprises, est « insultant et paternaliste, mais pas surprenant ».
Revirement de situation au Bureau du commissaire
En lançant cette enquête, le commissaire fédéral à l’éthique, Mario Dion, revient sur une décision prise plus tôt ce mois-ci.
Le député Doherty avait déjà demandé une enquête sur le ministre LeBlanc. Sa requête avait été rejetée par Mario Dion, qui lui avait répondu qu’elle était formulée de manière imprécise.
M. Dion appuyait sa réponse sur le fait que M. Doherty faisait mention d’une possible entorse au Code régissant les conflits d'intérêts des députés, plutôt qu’à la Loi sur les conflits d'intérêts. Le Code ne s'applique pas à une décision prise par un élu en sa qualité de ministre.
« Notre gouvernement est toujours heureux de travailler avec le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique », a déclaré un porte-parole du ministre LeBlanc vendredi. « Notre décision d'introduire une participation autochtone est conforme à l'engagement du gouvernement à renouveler la relation entre le Canada et les peuples autochtones. »
« Pour les conservateurs, le salissage est juste une façon de faire de la politique », affirmait plus tôt ce mois-ci le premier ministre Justin Trudeau devant l'insistance de l'opposition. « Ce sont des attaques personnelles, car il est vraiment difficile de nous attaquer sur la meilleure croissance économique du G7 et la création de 600 000 nouveaux emplois. »
La viande rouge de la mactre de Stimpson est un produit populaire dans les sashimis. Photo : Getty Images/ArtKoArtKo
Enjeux économiques importants
Le permis de pêche détenu par Five Nations Clam vaut potentiellement des dizaines de millions de dollars. Son quota est de 8924 tonnes de fruits de mer. Les ventes de mactre de Stimpson au deuxième trimestre de 2017 s'élevaient à 25 millions $. Les prises sont souvent exportées en Asie où elles sont utilisées dans des sushis et des sashimis.