OTTAWA | Le hasard fait souvent bien les choses, sauf hier, lorsque Justin Trudeau a donné le feu vert au projet d’expansion du pipeline Trans Mountain quelques heures après avoir déclaré l’urgence climatique.
Les libéraux se sont en quelque sorte fait prendre à leur propre petit jeu parlementaire.
Le mois dernier, le gouvernement Trudeau a proposé que le Canada se déclare officiellement « en situation d’urgence climatique nationale ».
La ruse visait à embêter le Parti conservateur, qui tarde à faire connaître son plan pour l’environnement (il sera présenté aujourd’hui).
Sauf que le hasard du calendrier a fait en sorte que le Parlement a adopté le texte symbolique seulement ce lundi... à l’aube de l’annonce sur Trans Mountain.
De nombreux groupes écologistes et les oppositions néo-démocrates et bloquistes n’ont pas mis de temps à crier à l’hypocrisie.
Pendant ce temps, les conservateurs d’Andrew Scheer, pour qui la construction de pipelines ne va jamais assez vite, se cherchaient une raison de s’indigner. Pourtant, sous leur gouverne de dix ans, le pétrole albertain n’a pas trouvé de nouveaux marchés à l’étranger.
La perspective d’agrandissement du projet de pipeline Trans Mountain vise à tripler sa capacité, pour la porter à 890 000 barils de pétrole par jour.
Les experts comparent son impact environnemental à l’ajout de 3 à 4 millions de voitures sur nos routes.
Ce projet énergétique a suscité une vive opposition de groupes environnementaux et de communautés autochtones en Colombie-Britannique.
Les sondages indiquent toutefois qu’une majorité (60 %) de Britanno-Colombiens sont en faveur.
Pour dorer la pilule, M. Trudeau a annoncé que les revenus supplémentaires tirés du nouveau pipeline vont financer des projets d’énergie verte à hauteur de 500 millions.
La perche tendue ne risque pas d’apaiser la colère des écolos les plus convaincus. Mais elle réussira peut-être à en rassurer certains.
Accord de Paris
Le chef libéral a affirmé sans rire que le projet d’oléoduc ne vise pas à « augmenter la production de pétrole » du Canada, mais plutôt à diversifier nos clients.
Il est vrai que le pétrole albertain se vend au rabais aux États-Unis, faute de débouchés à l’international.
Mais il est aussi acquis que l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain entraînera une hausse de la production dans les champs de sables bitumineux.
Ottawa souhaite plafonner les émissions de l’exploitation du pétrole albertain à 100 mégatonnes par année. Un plafond que rejette le nouveau premier ministre de la province de l’Ouest, Jason Kenney.
Une fois le pipeline construit, l’Alberta voudra sans doute relancer des projets d’exploitation abandonnés dans les dernières années, faute de rentabilité.
Justin Trudeau jure que l’agrandissement de Trans Mountain ne met pas en péril l’atteinte des cibles de l’Accord de Paris.
Il s’agit des mêmes cibles que promet d’atteindre le Parti conservateur de M. Scheer.
Les plus cyniques diront que ces cibles valent autant que le papier sur lequel elles sont écrites.
De Kyoto à Copenhague, le Canada a toujours raté ses engagements internationaux en matière d’environnement.
Trans Mountain, un pipeline controversé
- En exploitation depuis 1953
- Capacité de 300 000 barils par jour
- Le projet d’agrandissement porterait ce nombre à 890 000 barils par jour
- En 2016, le projet d’agrandissement est approuvé par le régulateur fédéral, l’Office national de l’énergie
- Mai 2018, le gouvernement Trudeau nationalise le pipeline au coût de 4,5 G
- Août 2018, la Cour fédérale d'appel bloque le projet, statuant qu’Ottawa n’a pas consulté adéquatement les Premières Nations ni évalué les risques environnementaux
- L’ONÉ enclenche de nouvelles consultations.
- Février 2019, l’ONÉ donne à nouveau son feu vert au projet, plaidant l’intérêt national.
- Juin 2019, le gouvernement Trudeau donne son feu vert