(Lévis – Québec – 16 février 2016) Lors du lancement des travaux en vue du renouvellement de la Politique culturelle du Québec hier, la ministre de la Culture et des Communications, madame Hélène David, a souligné que «La politique culturelle confirmera la place du livre comme maître médium par lequel nos concitoyens enrichissent leur imaginaire et au moyen duquel nos créateurs forgent notre identité culturelle.» Malheureusement, le gouvernement du Québec ne pourra pas aller très loin dans cette direction parce qu’il est pris au piège de la Loi du livre (Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre).
Le livre dont parle la ministre concerne uniquement et exclusivement la publication par un éditeur agréé par le gouvernement. Autrement dit, au Québec, un livre est un livre que s’il a été publié par un éditeur agréé. Et ce dernier obtiendra son agrément que si ses publications sont offertes sur support papier, confiées à un distributeur agréé et vendues par des libraires agréés, chacun devant avoir pignon sur rue. Bref, la Loi du livre dicte au gouvernement qui fait partie de la chaîne du livre et comment elle fonctionne.
Ainsi, le gouvernement du Québec ne peut pas agréer un éditeur uniquement numérique vendant les titres numériques à son catalogue uniquement dans une librairie virtuelle en ligne. Cet éditeur ne distribue pas ses titres en librairies physiques; il n’est donc pas un éditeur au sens de la Loi du livre. On parle ici non seulement de la dématérialisation du livre vers le numérique, mais aussi d’une nouvelle chaîne du livre entièrement virtuelle. Ailleurs dans le monde, il est question de la «nouvelle économie du livre» soutenue au même titre que l’industrie traditionnelle du livre par les gouvernements. Au Québec, la Loi du livre interdit au gouvernement de soutenir et de subventionner cette nouvelle économie du livre.
Plus encore, le gouvernement du Québec perçoit cette nouvelle économie du livre comme une menace pour l’économie traditionnelle du livre. Lors du lancement des travaux en vue du renouvellement de la Politique culturelle, la ministre de la Culture et des Communications a déclaré : «Par ailleurs, la question du numérique est liée de près à nos préoccupations quant à l’industrie québécoise du livre, qui doit composer avec le recul de l’imprimé de même qu’avec la concurrence des magasins à grande surface et des géants de la distribution en ligne.» La concurrence de la distribution en ligne dont la ministre parle est internationale (Amazon, Google Book (Google Play), iBook Store d’Apple, Kobo et plusieurs autres en Europe, notamment en France) plutôt que nationale. Le gouvernement du Québec ne pouvant pas soutenir en ses propres frontières de tels projets totalement indépendants de l’industrie traditionnelle du livre en raison des limitations de la Loi du livre, il perd son marché aux mains d’entreprises étrangères. Aujourd’hui, bon nombre de Québécois trouvent auprès de ces entreprises étrangères réponse à leurs besoins à défaut de les trouver au Québec.
Une part de cette nouvelle économie du livre relève de l’impression à la demande d’exemplaires papier (un à la fois à la demande expresse de chaque lecteur). Chaque exemplaire imprimé à la demande est donc un exemplaire vendu d’avance. Ce processus génère à la fois des économies de stockage pour l’éditeur et le libraire en ligne et de nouvelles activités dans le secteur de l’imprimé. En l’absence des acteurs de la nouvelle économie du livre, le Québec ne dispose d’aucun service d’impression à la demande tel que conçu au départ : production d’un exemplaire en flux continu de l’impression au façonnage nécessitant un seul opérateur. Si des services d’impression à la demande existent au Québec, c’est uniquement avec un mode de production quasi artisanale impliquant plusieurs appareils et plusieurs membres du personnel. Bref, sans les économies de la véritable impression à la demande. Dans les pays où ce type d’impression connaît le succès, les gouvernements ont encouragé l’émergence d’une nouvelle économie du livre avec ses éditeurs et ses libraires en ligne. La Loi du livre ne permet pas à notre gouvernement d’agir ainsi et de tirer profit du potentiel des nouvelles technologies dans le domaine du livre.
La révision de la Loi du livre confiée à l’instigateur même de la loi, Denis Vaugeois, et les déclarations de la ministre au sujet de la nouvelle politique culturelle ne laissent pas présager l’ouverture utile à l’émergence d’une nouvelle économie du livre au Québec.
La Fondation littéraire Fleur de Lys fait le point sur cette révolution de la nouvelle économie du livre et l’évolution de l’industrie traditionnelle du livre dans un guide pratique et critique publié le mois dernier sous le titre «Le monde du livre et ses coulisses». L’ouvrage est signé par le président éditeur de l’organisme, Serge-André Guay, bien connu pour ses interventions en faveur de la nouvelle économie du livre.
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1 commentaire
Normand Paiement Répondre
17 février 2016Monsieur Guay,
Merci pour ces précieux renseignements!
Cordialement,
Normand Paiement