Le français, langue du commerce

Avant de recourir à la « police de la langue » qui a parfois mauvaise presse, il serait sage que la ministre mette fin à l'immobilisme face à la loi 101 et demande qu'on ne joue plus sur les mots à sa place.

Le français — la dynamique du déclin


Infatigable militant pour le français, Jean-Paul Perreault a fait sentir sa présence de façon utile en rappelant à Québec son engagement à sensibiliser les marchands de l'Outaouais à l'importance de faire commerce dans la langue de Molière.
Certains s'offusquent parfois de ses manières cavalières, mais M. Perreault a raison de secouer l'inertie à la fois des commerçants insensibles à l'importance de la Charte de la langue française et du gouvernement québécois, qui se traîne les pieds pour faire respecter sa propre loi 101, adoptée en 1977 puis révisée en 1988.
L'Outaouais est une région sensible aux questions linguistiques en raison de son emplacement géographique, à la frontière de l'univers anglophone du reste de l'Amérique du Nord. Les régions de Montréal et de l'Estrie sont aussi ciblées.
Reconnaissant l'importance de la sensibilisation, le gouvernement québécois s'était « engagé » à lancer une campagne auprès de quelque 900 établissements en Outaouais. C'était en novembre 2007, de la bouche même de Christine Saint-Pierre, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, et responsable de l'Office québécois de la langue française.
Depuis, rien, décrie M. Perreault. Et pourtant, les besoins sont là. De l'avis du président du lobby Impératif français, « il y a recul et recul il y a encore aujourd'hui », a-t-il confié à notre collègue du Droit, Catherine Lamontagne.
Une bien pauvre parade
L'Office québécois de la langue française a défendu l'inertie dans le dossier avec une pauvre parade. « La ministre avait annoncé un projet mais il n'y a pas eu de promesse de sa part »... Comme s'il y avait une différence si marquée de sens entre « engagement » et « promesse ». Pour le commun des mortels, les deux mots sont de virtuels synonymes.
LeDroit a dans le passé suggéré des assouplissements à l'application de la loi dans quelques villages très majoritairement anglophones du Pontiac, par exemple.
D'un côté comme de l'autre, une poignée de commerçants récalcitrants avaient maille à partir avec un Office québécois de la langue française obstiné à faire respecter une réglementation mur à mur.
Au nom d'une souhaitable paix sociale, il valait mieux passer l'éponge ou, à tout le moins, détourner le regard.
Mais dans la région urbaine de Gatineau, cet « accommodement raisonnable » est moins compréhensible. Le premier outil de sensibilisation repose entre les mains des clients. C'est le moyen le plus fort, le plus direct et le plus persuasif.
Mais il ne faut pas sous-estimer les bénéfices de la sensibilisation pour faire respecter la loi 101 et éviter les affrontements qui accompagnent trop souvent les méthodes coercitives.
Le défi de la langue
Faire respecter la langue de travail chez les marchands n'est pas chose facile. C'est d'autant plus difficile dans certains secteurs - comme la vente au détail - et dans certaines zones géographiques telles que l'ancienne ville d'Aylmer.
Prenons le cas des dépanneurs, ces magasins de proximité de qui l'on s'attend à d'interminables heures d'ouverture. Plusieurs Canadiens de souche n'ont pas voulu prendre la relève. Plusieurs dépanneurs sont passés aux mains de nouveaux immigrants au français parcellaire qui ne comprennent peut-être pas les enjeux linguistiques au Canada. Il est vrai que vu d'Europe de l'Est, d'Asie ou d'ailleurs, les querelles pour limiter la place de l'anglais peuvent paraître bien étranges...
Étrange peut-être, mais bien utile. La Charte de la langue française fait l'objet d'un très large consensus au Québec. Avoir des lois sans les faire respecter est carrément inutile.
Québec a créé l'Office de la langue française pour faire respecter la Charte de la langue française.
Avant de recourir à la « police de la langue » qui a parfois mauvaise presse, il serait sage que la ministre mette fin à l'immobilisme face à la loi 101 et demande qu'on ne joue plus sur les mots à sa place.


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