L’annonce du ministre Leitao concernant le remboursement de la dette aurait dû donner lieu à de vives réactions de la part de l’opposition. Les commentateurs éclairés ont tout de suite remarqué qu’il n’y avait pas de réduction de la dette. Les agences de notation et les prêteurs soustraient les actifs du Fonds du calcul de la dette.
Au contraire, les partis d’opposition ont appuyé rapidement la décision sans le moindre bémol. Depuis que la dette du Québec a été définie par la classe politique comme une arnaque des vieilles générations au détriment des générations futures, il est risqué politiquement d’émettre la moindre critique à propos d’une réduction de la dette, qu’elle soit réelle ou inventée. Inutile de dire que la plus grande partie de la dette existante a servi à créer des infrastructures, surtout à l’usage des générations futures. Inutile aussi de démontrer que le ratio de la dette sur le PIB du Québec n’est pas élevé au point qu’une action précipitée ne soit nécessaire.
S’il n’était pas coincé par ses positions catégoriques en faveur de la création du Fonds des générations, les leaders de Québec solidaire pourraient affirmer que la réduction de la dette n’est qu’un stratagème visant à faire pression sur les finances publiques et couper dans les services, ou les faire payer par une tarification, pour finalement permettre la réduction des impôts sur le revenu exigé par le lobby des riches qui contrôle nos gouvernements.
Pour sa part, Jean-François Lisée pourrait profiter de ce cafouillage des libéraux pour montrer que les valeurs du PQ sont très différentes de celles du PLQ et de la CAQ. Il l’a fait avec un certain courage en annonçant qu’un gouvernement du PQ ne réduirait pas les impôts. Il pourrait maintenant annoncer que son gouvernement réaliserait une étude pour établir, d’une part, un objectif à moyen terme pour le ratio de la dette sur le PIB et, d’autre part, pour fixer un montant annuel à verser au Fonds des générations afin de profiter des taux de rendements plus élevés sur les placements que les taux d’intérêts payés par le gouvernement sur sa dette.
Du même coup, il pourrait garantir que les sommes versées au Fonds ne seraient plus comptabilisées comme des dépenses courantes, un artifice comptable qui a entraîné des coupes additionnelles de plusieurs milliards de dollars dans les dépenses publiques pendant la course effrénée au déficit zéro. Cette pression sur les dépenses publiques se poursuivrait sous un gouvernement libéral puisque le ministre des Finances a annoncé que chaque année où sa main droite retirera deux milliards du Fonds, sa main gauche y déposera quelques milliards de dollars.
Le chef du PQ devra expliquer, et d’abord s’en convaincre, que le Fonds des générations ne contribue pas à rembourser la dette. Toutes les sommes qui ont été, et qui seront, déposées au Fonds ont été au bout du compte empruntées sur les marchés. Même quand le Québec affiche un surplus budgétaire annuel au compte courant, il doit emprunter plusieurs milliards de dollars en raison de ses dépenses en immobilisations. Il n’y a jamais d’argent comptant à déposer au Fonds des générations. C’est trompeur de comparer, comme le fait le ministre, notre Fonds prétendument alimenté par les revenus d’Hydro-Québec, au Fonds de la Norvège gavé par les revenus pétroliers. Les redevances pétrolières sont tellement importantes que la Norvège, et jusqu’à récemment l’Alberta, n’avaient pas à emprunter annuellement sur les marchés. Ils avaient plutôt des surplus monétaires à investir.
Le gouvernement du Québec emprunte sur les marchés pour investir dans le Fonds, ce qui pourrait même être remis en question sur le plan de l’éthique. Si on décide de le faire, pour profiter des rendements, il n’y a aucune raison de retirer de l’argent du Fonds maintenant, ou en 2025 comme il avait été prévu initialement.
La création du Fonds des générations pour faciliter le remboursement de la dette partait de bonnes intentions, au moins pour certains de ceux qui l’ont appuyée. Malheureusement, le Fonds est devenu rapidement un instrument politique de manipulation des finances et de l’opinion publique.
Les élus du Parti Québécois avaient accepté au départ que l’argent versé au Fonds soit puisé discrètement dans le budget des dépenses courantes pour un montant annuel laissé à la discrétion du ministre des Finances. Ils avaient aussi renoncé à ce qu’une légère hausse de l’impôt sur le revenu contribue au financement du Fonds. On peut pourtant considérer que si la dette du Québec est un peu trop élevée c’est parce qu’on n’a pas toujours prélevé les impôts annuels nécessaires pour couvrir les dépenses courantes.
Il est temps que le Parti Québécois réévalue ces orientations. Les élections approchent, il faut que les partis montrent ce qu’ils ont dans le ventre. La vitesse sur les autoroutes?
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1 commentaire
Jean-Claude Pomerleau Répondre
18 mars 2018M Gouin, j'attire votre attention sur cet étude de Fraser Institut publiée dans le cadre du 150 e, l'historique de la fiscalité au Canada durant cette période. Ce que cette étude révèle c'est à partir du moment ou le fédéral s'empare des impôts directs, de juridiction probinciale.
Les impôts directs deviennent le premier poste de revenu du fédéral et l'invasion des juridictions des provinces devient le premier poste de dépenses (programme sociaux. :
Tracking the federal government’s finances since Confederation
La récupération de ces impôts directs par le Québec changerait favorablement les rapports de forces en présence.
L'oxccasion nous est donné de ramener ce dossier dans l'actualité avec la proposition du Parti conservateur de l'Alberta de faire un référendum pour éliminer la péréquation, créée pour compenser la perte des impôts directs par les provinces.
JCPomerleau