Ce qui était officieux est devenu officiel: l'armée des États-Unis est désormais partie prenante du conflit sans fin qui oppose le gouvernement fédéral de transition de Somalie (GFT) et son allié éthiopien aux Tribunaux islamiques. En bombardant les bases de repli de ces derniers, les États-Unis affichent leur intention de maintenir à tout le moins les islamistes hors de la capitale, Mogadiscio.
Cela posé, il est difficile d'envisager une solution de ce problème à moyen terme. En effet, l'origine de cette guerre est à la fois lointaine et très complexe. Prenons la province d'Ogaden, située en Éthiopie et surtout peuplée de gens appartenant à une communauté ethnique ayant pour nom... Somali! Et alors? Cette province est devenue territoire éthiopien à la suite d'une bataille en 1870.
Depuis lors, la plupart des dirigeants somaliens se sont employés à favoriser l'émergence de milices en caressant l'espoir que cette enclave se greffe de nouveau à la Somalie. Dans les années 80 et au début de la décennie suivante, alors que le dictateur marxisant Siad Barre régnait à Mogadiscio, 90 % de l'Ogaden était contrôlé par les Somaliens.
Prenons maintenant le Somaliland et le Puntland, situés au nord du pays. Le premier a déclaré son indépendance en 1991. Le deuxième? À l'instar de ce qui avait été constaté dans le Kurdistan irakien dans les années 90, il bénéficie d'une autonomie plus que relative. Cela étant, ces deux régions ont lié leur destin, pour ainsi dire, en encourageant le déploiement et surtout la montée en puissance des islamistes en les laissant parcourir en toute liberté leurs territoires avec le concours d'un pays proche: l'Érythrée.
Ce n'est pas qu'on veuille sombrer dans le «compliqué complexe», mais il se trouve que l'Érythrée poursuit avec l'Éthiopie un bras de fer sur fond... religieux. En Éthiopie, près de 50 % des citoyens sont catholiques orthodoxes et 40 % musulmans sunnites. On passe sur les 10 % restants pour mieux retenir que 99 % des Somaliens et des Érythréens sont sunnites. Ce n'est pas terminé: il faut maintenant évoquer certaines appartenances ethniques.
En effet, on ne doit pas oublier que le clan des Hawiyés forme l'essentiel des Tribunaux islamiques alors que celui des Darods compose le gros du gouvernement fédéral de transition du premier ministre Ali Mohamed Gedi. C'est ce dernier et ses proches qui ont prié les autorités éthiopiennes d'intervenir en territoire somalien afin de repousser les islamistes hors de Mogadiscio.
Lorsqu'on regarde les facteurs ou les variables qui caractérisent ce conflit, on ne peut que reprendre l'image chère aux experts en géopolitique: le millefeuille. On a une couche de religions, une autre de groupes ethniques, une troisième qui comprend plus d'un pays, etc. En 1991, il avait suffi qu'un acteur de la première couche morde dans l'univers de la deuxième pour que le tout implose. La guerre s'étant propagée à tous azimuts, il est fort probable qu'on assistera à une irakisation du conflit au cours de l'année en cours.
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