Le drapeau en berne

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{{Première présence de PKP dans La Presse à titre d'élu du PQ}}

Il y a 32 ans aujourd'hui, la reine Élisabeth II signait la Proclamation permettant l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette signature donnait suite à un accord entre Pierre Trudeau et les neuf autres premiers ministres de la fédération canadienne, à l'exclusion de René Lévesque.
Quelques mois auparavant, la Cour suprême, dans une décision historique, avait désarmé le Québec en lui faisait perdre son droit de veto. Ottawa pouvait dorénavant ignorer les fondements historiques mêmes de la fédération, antérieurement défendus à la fois par le Parti québécois et le Parti libéral du Québec. Contrairement à ce qu'on veut nous faire croire aujourd'hui, cet événement constitue la pierre angulaire de notre avenir collectif et nous impose de graves conséquences.
Ce qui était gravissime l'est devenu encore davantage depuis les révélations de l'historien Frédéric Bastien. Afin de favoriser l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui allait leur donner plus de pouvoir, au moins deux des neuf juges de ce nous pourrions dorénavant convenir d'appeler la Cour politique suprême ont partagé de l'information confidentielle avec Ottawa et Londres.
Outre le fait de violer le principe de séparation des pouvoirs, le plus haut tribunal était en flagrant conflit d'intérêts puisque la Charte allait lui octroyer d'énormes pouvoirs que d'aucuns ont qualifiés de gouvernement des juges. Les principes mêmes de la démocratie parlementaire en étaient ébranlés.
Résultats des courses: en vertu de ses dispositions sur le bilinguisme et le multiculturalisme, la Charte a ouvert la porte à des attaques systématiques contre deux acquis fondamentaux de la Révolution tranquille: l'affirmation du fait français et de la laïcité.
Nous avons d'abord perdu notre compétence exclusive en matière d'éducation, ce qui voulait dire que la loi 101 pouvait être déclarée invalide en vertu de la Charte des droits. Les magistrats fédéraux ont invalidé à trois reprises cette législation depuis 1982, autant de décisions qui fragilisent notre avenir.
La Charte et le gouvernement des juges fédéraux ont également servi à nous imposer le multiculturalisme canadien. Le principe consiste à banaliser et saper la culture québécoise sur le territoire même du Québec. Voilà comment les magistrats nommés par Ottawa ont permis chez nous les accommodements raisonnables, diminuant la propension des Néo-Québécois à s'intégrer à la majorité francophone et à nos valeurs de générosité et de solidarité.
Depuis le rapatriement constitutionnel, le Québec a donc perdu son statut de foyer national d'un des peuples fondateurs du Canada. Il a été rabaissé au rang d'une province comme les autres où divers groupes cohabitent en vertu de diverses valeurs, règles et cultures.
En ce funeste jour, n'est-il pas légitime de s'interroger de la suite qu'aura l'intention de donner Philippe Couillard à ces questions, puisqu'il les abordait durant la récente campagne? Utilisera-t-il la méthode Trudeau du coup de force, qui nie aux citoyens leurs droits d'être consultés, ou celle de la philosophie politique des fondateurs du Parti québécois, qui impose une consultation populaire par voie de référendum pour les questions constitutionnelles de si grandes considérations pour l'avenir d'une nation?
Tout comme pour l'ensemble des provinces canadiennes, le recul du Québec, eût égard à ses compétences, est continu et sans précédent. Cette situation est d'autant plus choquante qu'elle s'est opérée à la suite de promesses de renouveau faites par Pierre Trudeau lors du référendum de 1980, à quelques jours du vote. Cette hostilité des forces fédéralistes s'est poursuivie avec Jean Chrétien, qui avait lui aussi promis du changement lors du référendum de 1995.
On connaît la suite. S'appuyant sur un renvoi à la Cour suprême, M. Chrétien a fait voter la Loi sur la clarté référendaire, laquelle constitue ni plus ni moins qu'une négation du droit des Québécois à l'autodétermination. En ces deux occasions, le gouvernement fédéral a fait l'exact contraire de ce qu'il avait promis.
Encore aujourd'hui, certains tentent de minimiser l'impact de tels changements. Ottawa refuse même de rendre publiques les archives du rapatriement constitutionnel qui nous permettraient de faire toute la lumière. Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, ce dossier n'est pas clos. À cet égard, nous avons collectivement un devoir de mémoire, lequel pourrait s'illustrer par la mise en berne de notre fleurdelisé tous les 17 avril.
Pierre Karl Péladeau
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PKP, futur chef du PQ?
Et voici donc Pierre Karl Péladeau, le patron tout-puissant de Québecor, ravalé au rang de député d'arrière-banc dans un parti défait à plate couture... une hypothèse qu'il n'avait sans doute pas envisagée quand il s'est lancé en politique. Les sondages prédisaient alors une majorité pour le Parti québécois, il allait être à la tête d'un super-ministère économique...
À défaut de cela, n'aurait-il pas préféré être battu dans son comté pour retourner à ses affaires et planifier, en réserve de la République, la suite de sa carrière politique?
En revanche, la défaite du PQ facilite ce qui était son projet ultime, soit de devenir le prochain chef du PQ et idéalement le président fondateur d'une hypothétique République du Québec - un objectif qui aurait été reporté d'au moins quatre ans si Mme Marois avait été ramenée au pouvoir avec une majorité. Aujourd'hui, la place est libre, et ses hommes sont à lui paver la voie.
Comme le rapportait notre collègue Denis Lessard, le PQ est aujourd'hui aux mains de ses partisans. Stéphane Bédard, le nouveau chef intérimaire du parti, est le frère d'Éric, un avocat très proche de PKP. Un autre frère Bédard, Maxime, est vice-président aux affaires juridiques de TVA. Un autre proche du chef intérimaire est Maxime Tremblay, vice-président de Québecor...
Stéphane Bédard a d'ailleurs été l'artisan de la décision du PQ d'appuyer l'octroi de 200 M$ de fonds publics au projet d'amphithéâtre de M. Péladeau - une manoeuvre qui avait fait éclater le caucus péquiste.
Qui contrôle l'appareil du parti contrôle aussi, dans une bonne mesure, le processus d'élection d'un futur chef. La fratrie des Bédard (fils de l'ancien ministre Marc-André Bédard), signale Denis Lessard, n'en est pas à sa première expérience du genre, s'étant activée en 2005 à faire élire André Boisclair à la tête du PQ.
Les Lisée et les Drainville, qui ont pourtant la dent longue, risquent d'en arracher devant cette armada. Quant aux gentilles personnes que sont Véronique Hivon, Alexandre Cloutier ou Sylvain Gaudreault (que certains voient comme de possibles aspirants), elles se feront avaler tout rond par la machine qui roulera pour PKP. À moins évidemment qu'un sursaut de révolte se produise parmi les membres de ce parti réputé pour ses tendances rebelles et sa solide méfiance envers ses dirigeants.
Mais le PQ d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était, et le simple fait que des péquistes de gauche comme Louise Harel et Marc Laviolette - sans parler de l'arbitre suprême qu'est Jacques Parizeau - aient salué avec joie l'arrivée de PKP indique que le PQ est prêt à renier ses valeurs historiques pour se jeter dans les bras d'un homme qui incarne l'extrême droite du patronat québécois tout autant que le nationalisme ethnique d'antan (M. Péladeau a déjà déploré que le club des Canadiens n'appartienne pas à des Québécois... alors que la famille Molson est établie au Québec depuis 1782!).
C'est d'ailleurs sans états d'âme que le PQ, à son dernier conseil national, a laissé tomber son projet anti-briseurs de grève pour accommoder celui que l'on a surnommé, dans la foulée des violents conflits des quotidiens de Québecor, «le roi des lock-out». Pour bien des péquistes, PKP est la dernière carte à jouer dans la quête de la souveraineté...
Quel est l'avenir politique de celui que Le Nouvel Observateur décrit comme le «joker bronzé aux yeux bleus et au sourire Colgate» et que Pauline Marois avait «tiré de sa manche» ?
On sait qu'il est piètre orateur. Cet homme que ses proches décrivent comme impulsif et à l'occasion colérique, habitué à tout contrôler et à ne travailler qu'avec des gens qu'il a choisis, saura-t-il s'adapter à l'univers politique? Qui vivra verra.
Lysiane Gagnon


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