J'ai toujours prétendu et je prétends toujours que nous avons mal lu les résultats de la dernière élection. Aujourd'hui, l'un des boucs émissaires lourdement chargé de l'échec quitte la politique active probablement pour la politique engagée.
Face aux révélations fracassantes des vérificatrices du MTQ et au silence assourdissant des syndicats de la construction, je reproduis, ici, deux textes que j'ai publiés sur le blog de Jean-François Lisée, au lendemain de la défaite. Je n'avais reçu aucun commentaire. J'espère que j'en aurai, cette fois.
16 avril 2014
J'ai écrit, il y a quelques jours, que nous devions cesser de nous déchirer sur la Charte et le référendum ou même PKP. Ils ont été utilisés comme des épouvantails à moineaux par les stratèges du PLQ.La victoire, elle a été l'affaire de l'industrie de la construction et ça, les stratèges du PLQ le savaient.
Toute l'industrie est dans la tourmente depuis deux ans et elle ne nous pardonnera pas avant longtemps notre volonté d'assainir les moeurs au prix de son effondrement et sa paralysie. Je ne parle pas des syndicats, je parle de l'industrie, le patronat, celui qui crée les emplois.
Les patrons sont dans la dèche financière et les travailleurs sans emploi.
Il fallait faire ce qu'on a fait, c'était urgent et essentiel mais il fallait en même temps remettre le milieu au travail. Il s'agit de notre plus importante industrie, la seule qui occupe tout le territoire. On n'a pas su parce qu'on ne comprend pas encore très bien comment on est arrivé là. Comment sur une période de près de 40 ans, le privé s'est approprié, mandat après mandat, le processus décisionnel de nos grands et petits travaux et des budgets qui les accompagnent sans aucune obligation de rendre compte à la population, en lieu et place de l'État. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient réglé les conflits d'intérêts et la compétitivité des fournisseurs à leur façon.
D'autre part, il faut cesser de s'illusionner sur nos qualités morales collectives. Qui a dit "Il est facile d'être honnête et solidaire quand on est pauvre". Nous ne sommes plus la société pauvre que nous étions jusqu'à la Révolution tranquille. La volonté viscérale de nous émanciper de la domination dans laquelle nous étions tenus demeure l'apanage des plus anciens et les jeunes ne la comprennent pas.
Nous voulions pour eux, la liberté et la sécurité, et, ma foi, nous avons assez bien réussi. Ils sont étrangers à cette domination historique et, sans cours d'histoire, ils ignorent son importance dans les luttes acharnées que nous avons menées, génération après génération, pour notre survie. Ça leur paraît du folklore en ceintures fléchées et ça les fait sourire, parfois condescendants pour ces aînés qu'ils aiment bien quand même. Nous vivons maintenant dans une société d'intérêts.
Le printemps érable en est une illustration significative. L'avenir financier de la jeunesse étudiante était en jeu, beaucoup plus que l'avenir de la nation. Nous avons confondu leurs émotions avec les nôtres 50 ans plus tôt. Nous devions prendre notre place comme nation, eux doivent la prendre comme individus.
Nous les voyons comme le chêne que nous avons planté. Ils se voient comme les branches et les feuilles, Ils ne se sentent liés au tronc que lorsqu'ils manquent de sève.
Les syndiqués de la construction, de même, exigent le respect de leurs intérêts dans le respect de leurs conventions de travail mais si le respect des règles et la raison d'État signifient l'arrêt de travail, l'effondrement financier des donneurs d'ordre, la désorganisation de l'industrie, alors l'honnêteté, la probité, la bonne gouvernance deviennent trop dur à supporter.
Bien sûr, personne n'aurait osé dire pendant la campagne, préférer remettre au pouvoir ceux-là qui semblaient capables de vivre avec la situation alors qu'il était évident qu'un gouvernement PQ prendrait le temps de renouveler les règles de fonctionnement de l'industrie.
Les coffres sont vides et les réfrigérateurs aussi. Ils ont choisi. Voyons maintenant comment le gouvernement s'y prendra pour contenir une meute qui lui rappellera ses accointances, voudra non seulement se remettre au travail mais aussi se refaire financièrement le plus tôt possible. Beau travail de surveillance en perspective.
9 avril 2014
Je voudrais commenter ce que vous avez dit plus tôt cette semaine, au sujet de l’éléphant dans la pièce, et conclure sur le propos d’aujourd’hui. Il me semble que ce qui importe en ce moment, c'est que l'éléphant soit dans la pièce, oui, mais encore davantage que nous ne l'ayons pas vu venir. Le rêve du pays, il est ancré dans une partie importante de la population soit à titre d’indépendance ou à titre de souveraineté. Ce qui l'est moins, c'est la faisabilité économique et financière du pays québécois.
Monsieur Parizeau en 1995 a reçu plus d'appui que René Lévesque en 1982 parce qu'il présentait de meilleures garanties de la rationalité économique du projet.
Il faut arrêter, je crois, de se déchirer sur les causes de la défaite. À mon avis, ce n'est ni la Charte ni le référendum ni PKP. Ceux-ci n'ont servi que d'épouvantails à moineaux.
Cette victoire, c'est la victoire de l'industrie de la construction apeurée, désespérée. Pourquoi? Depuis presque deux ans, maintenant, la plus importante industrie au Québec, celle qui occupe tout le territoire, est paralysée. D'abord par la mise à l'écart juridique et pénale des entreprises impliquées dans les activités de corruption et collusion et, d'autre part par la faiblesse financière des entreprises qui tentent d'occuper le terrain à leur place.
L'envergure de nos chantiers demande aux entrepreneurs et aux firmes de professionnels une surface financière de grande envergure. Par exemple, les chantiers des deux hôpitaux universitaires, le CHUM et le CUSM, d'une valeur contractuelle d'un milliard de dollars chacun, exigeaient un dépôt de garantie de 100 millions de dollars chacun. Ce dépôt n'est remboursé qu'à la fin des travaux.
Seule SNC-Lavalin pouvait rencontrer ces conditions. Comme ces chantiers ne sont pas leurs seuls contrats, imaginez les fonds nécessaires juste pour assumer les garanties. Vous me direz que ces dépôts sont effectués par voie d'assurances? Oui, mais la compagnie ne vous émettra vos certificats de garantie qu'en autant que vous puissiez les garantir.
Il en est de même pour tous nos travaux. Les entreprises qui tentent de reprendre les contrats n'ont pas cette surface financière. Depuis plus d'un an, les chantiers ouvrent et ferment au gré des liquidités dont les entrepreneurs disposent. Les ouvriers n'ont plus de paies assurées. À l'automne dernier, les journaux ont rapporté qu'ils se plaignaient de la situation et disaient clairement, qu'au moins, du temps des Accurso et compagnie, leur paies entraient à toutes les semaines et qu'ils n'avaient jamais manqué de travail.
Est-ce à dire qu'il ne fallait pas intervenir et légiférer? Non, il le fallait et de toute urgence. Mais il fallait aussi comprendre que la restructuration du milieu était plus urgente encore. Il fallait prendre les moyens de remettre le monde au travail, éviter l'effondrement de nos fleurons économiques et, parallèlement, élaborer le cadre juridique qui éviterait le retour, tout au moins rapide, de la situation. À mon avis, les deux devaient être menés de front.
Nous avons travaillé ardemment pendant 18 mois à mettre en place de balises juridiques et procédurières pendant que des milliers d'ouvriers attendaient, sans salaire, que leur milieu de travail se réorganise. Cette désorganisation, ils l'attribuent à notre inflexible volonté d'assainissement du milieu et nous en rendent coupables. La corruption et la collusion, l'abus de fonds publics n'avaient pas le même goût pour eux que pour nous.
La sanction est tombée aux quatre coins de la province. Le risque, maintenant, c'est que, dans l'urgence, le gouvernement PLQ réactive les mécanismes toujours en place, comme nous l'a dit le maire Vaillancourt, et que nous assistions à une course effrénée du milieu non seulement pour retrouver son rythme mais pour se refaire financièrement.
En l'absence de pain sur la table, l'éthique, la morale, l'honnêteté, la bonne gouvernance ou le pays rêvé sont des luxes de biens nantis.Comme dit l'adage, "ventre affamé n'a pas d'oreilles". Aucune démarche de vote référendaire n'échappera à la même logique. Leçon à tirer de cette défaite.
Donc, d’abord rétablir le contact avec les moteurs psychologiques et émotionnels de la population, proposer un environnement respectueux des besoins élémentaires des citoyens, élaborer un programme qui dynamise la nation et identifier un chef en phase avec cette nation. Le jour du retour viendra.
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