Ce soir, la campagne électorale pourrait connaître un tournant. Ce sera le débat des chefs. Dans notre vie politique, c’est le moment où un parti peut rebondir, et un autre s’effondrer. Voyons les enjeux pour chacun.
Allons-y d’abord avec Philippe Couillard. Le chef libéral, tous en conviennent, est un homme intelligent, cultivé, avec une belle prestance. Il a l’air d’un premier ministre. Ce n’est pas un détail.
Débat
Mais il arrive avec un handicap. En ce moment, la campagne tourne autour des enjeux identitaires, qui hérissent Philippe Couillard et qui le font vite basculer dans le fanatisme multiculturaliste. Il devient alors arrogant, mauvais, et ne peut s’empêcher d’assimiler au racisme ce que le commun des mortels assimile au simple bon sens.
Il devra se contrôler, porter un masque et ne pas rappeler aux Québécois à quel point il leur prête une forme d’intolérance irrépressible.
François Legault, maintenant. C’est celui qui a le plus à perdre. En ce moment, il domine les intentions de vote. Il se dirige vers un gouvernement majoritaire. Et il est porté par une tendance lourde. Mais sa coalition est bancale. On y trouve à la fois des fédéralistes purs et durs et des souverainistes découragés, mais pas nécessairement repentis. Et ses électeurs ne sont pas tous de la même farine. À Québec, c’est la droite fédéraliste qui vote pour lui. Dans le 450, ce sont les nationalistes.
François Legault n’a pas la parole facile : il n’est pas doué d’une grande aisance verbale. Il devra s’en tenir à son message : si les Québécois veulent se débarrasser des libéraux, ce qui est le cas d’une majorité d’entre eux, ils doivent se tourner vers lui, même s’ils le font sans enthousiasme.
Jean-François Lisée, inversement, est celui qui a le plus à gagner au débat. Mais pour cela, il doit le dominer. Il ne peut le faire qu’en brillant sur la question de l’immigration, et plus largement, de l’identité. Sera-t-il capable d’incarner l’exaspération des Québécois devant l’idéologie qui pousse à l’immigration massive, au multiculturalisme, à la censure des pièces de théâtre et à la régression de la liberté d’expression ? S’il le veut, il le peut. Son incroyable habileté rhétorique le servira. Mais le veut-il ou succombera-t-il à la tentation de faire le malin ?
Électeurs
On gardera en tête qu’il se bat moins en ce moment pour le pouvoir que pour assurer la survie du Parti québécois et lui assurer une représentation parlementaire décente.
Reste Manon Massé. On le sait dès maintenant, les médias, comme toujours complaisants envers QS et sa cochef, la décréteront gagnante. On nous parlera de son humanisme, de son authenticité. Ce sera le festival de la guimauve. On dira aussi qu’elle représente un vent d’air frais dans la campagne. Mais bon, nous commençons à être habitués à ce grand récit émouvant qui laisse de côté l’examen rigoureux du programme.
Chose certaine, espérons un vrai débat musclé, plutôt qu’un débat aseptisé.