Le premier ministre Couillard l’a déclaré sans détour : la « séparation » sera le grand thème de la prochaine élection. Puisque c’est également le voeu de Pierre Karl Péladeau, on voit mal comment il pourrait en être autrement, n’en déplaise à François Legault.
Le PQ serait cependant très mal avisé de se laisser imposer tout le fardeau de la preuve. Le proverbe « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » traduit très bien la difficulté de contrer la menace d’« instabilité » quebrandit déjà M. Couillard simplement en faisant miroiter les hypothétiques avantages de l’indépendance.
Dans une lettre ouverte publiée mercredi dans Le Devoir, l’ancienne députée libérale de La Pinière, Fatima Houda-Pepin, affirmait que le principal avantage du camp souverainiste dans ce nouvel affrontement est « le vide d’une option fédéraliste légitime qui romprait avec le statu quo et offrirait aux Québécois une alternative crédible à la souveraineté ». Selon elle, « il est donc urgent pour le PLQ de retrouver son âme et d’articuler une position claire sur la place du Québec dans le Canada du XXIe siècle ».
En toute justice pour M. Couillard, il faut reconnaître qu’à l’occasion de sa récente visite à Toronto, il a rappelé que « le caractère spécifique du Québec doit nécessairement être reconnu », mais il l’a dit seulement en français, comme s’il ne voulait pas choquer ses hôtes. Quand on veut poser une exigence, on s’arrange normalement pour être compris. Avec raison, les médias ontariens ont plutôt vu dans son discours un vibrant plaidoyer pour l’unité canadienne.
De toute manière, M. Couillard l’a répété à plusieurs reprises : il n’a aucune intention de prendre l’initiative d’une réouverture du dossier constitutionnel. Si jamais quelqu’un d‘autre voulait le faire, il profiterait simplement de l’occasion pour présenter les demandes du Québec. C’est comme si elles n’étaient plus qu’accessoires.
Au cours des dernières décennies, les chefs du PLQ ont tous senti le besoin d’expliciter leur projet constitutionnel dans un document auquel on peut encore se référer. Certains étaient sans doute utopiques (le livre beige de Claude Ryan) ou purement conjoncturels (le rapport Allaire), mais ils traduisaient néanmoins un réel désir de réaménager la fédération canadienne pour tenir compte des aspirations du Québec.
Même après la victoire du Non en 1995, Daniel Johnson avait jugé imprudent de se présenter devant l’électorat sans programme constitutionnel. L’actuel ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, avait été l’un des artisans du document intitulé Reconnaissance et interdépendance,qui reprenait pour l’essentiel les dispositions de l’accord du lac Meech. Il fallait « redéfinir l’union politique canadienne », avait-il expliqué à l’époque. On ne peut certainement pas lui reprocher un manque de patience.
Jean Chrétien a eu beau lui signifier brutalement que le fédéralisme n’était pas un « magasin général » où chacun pouvait choisir ce qui lui plaisait, Jean Charest n’en a pas moins mis sur pied un comité présidé par Benoît Pelletier, qui a accouché d’un rapport de 165 pages. Soit, pendant ses neuf ans au pouvoir, M. Charest n’a jamais cru le fruit suffisamment mûr pour tenter de mettre ses recommandations en oeuvre, mais le rapport Pelletier n’en présentait pas moins une vision québécoise cohérente du fédéralisme.
M. Couillard est le premier chef du PLQ à ne pas voir la nécessité d’aller au-delà des généralités évoquées ici et là dans un discours. Ceux qui, comme Mme Houda-Pepin, avaient mis leurs espoirs dans le grand congrès d’orientation qu’il avait promis durant la course à la chefferie en seront pour leurs frais. Il sera plutôt fondu dans ce qu’on appelle le « congrès des membres », qui aura lieu les 13 et 14 juin. Bien entendu, aucune discussion sur l’avenir du fédéralisme n’y est prévue.
En pariant sur le vide plutôt que de s’aventurer sur le terrain miné de la Constitution, M. Couillard fait le calcul que la population préférera encore un statu quo indolore au risque de l’instabilité. S’il avait la naïveté de croire que le statu quo peut réellement exister en matière de relations fédérales-provinciales, sa première année de pouvoir devrait pourtant l’avoir éclairé.
Il y a quinze ans, le PLQ proposait de remplacer le Transfert canadien en santé par un transfert de points d’impôt. Aujourd’hui, M. Couillard en est réduit à supplier Ottawa de ne pas le diminuer arbitrairement. Chaque budget fédéral amène son lot de mauvaises nouvelles qu’on tente tant bien que mal de minimiser pour ne pas faire le jeu des « séparatistes ».
Même dans un domaine qui relève aussi évidemment de la compétence des provinces que la lutte contre l’itinérance, le Québec a dû se plier au diktat fédéral pour grappiller quelques millions. Et voilà maintenant que Thomas Mulcair veut recréer un ministère des Affaires urbaines… Misère !
Si le PQ ne réussit pas à profiter du vide de la pensée constitutionnelle du PLQ, il y a des gens à Ottawa qui ne demandent pas mieux que de le faire.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé