Monsieur le Maire Régis Labeaume,
J’ai été surpris de vous voir inaugurer le 3 juillet, jour anniversaire de la fondation de Québec, dans les jardins de l’Hôtel de Ville, un monument commémorant la Conférence de Québec de 1864 menant à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.
J’ai été aussi très étonné d’apprendre que la sculpture retenue après concours s’intitulait Codex Populi. En fait, cette oeuvre d’art public bien en évidence au coeur de notre capitale nous a été offerte par le gouvernement Trudeau comme cadeau du fédéral pour souligner les 150 ans de ce que certains appellent la Confédération canadienne.
Ce souvenir a nécessité des investissements de 500 000 $ des Canadiens, dont nous-mêmes. Le descriptif du concours auquel la Ville de Québec a été partie prenante dès le départ demeure très explicite sur l’événement à souligner, sur le caractère symbolique attendu de la création originale et sur le site où logera le monument.
Terre sacrée
L’hôtel de ville de Québec occupe le terrain du collège des Jésuites, détruit en 1877 à coups d’explosifs parce qu’il était vétuste, disait-on. Ce monument d’un beau classicisme français remontant au XVIIe siècle servait de baraquement aux troupes d’occupation anglaises depuis la défaite de 1759, une terre sacrée hautement symbolique de l’éducation supérieure en Nouvelle-France par ceux qu’on désignait comme la cavalerie légère du pape. Étonnant choix de lieu pour rappeler un événement qui nous a bien mal servis à plusieurs égards.
Désigner cette oeuvre comme un codex populi tient d’un immense mensonge historique. Un « codex » est une compilation de règles administratives et d’un art de vivre collectif. Le mot « populi » en latin évoque une participation du peuple à son élaboration. Or jamais, dans la préparation et dans le document final de l’Acte de fondation du Canada moderne, le peuple québécois et le peuple canadien n’ont été consultés. Tout s’est fait derrière des portes closes où même la presse était exclue. Tout le monde a été mis devant un état de fait concocté à huis clos par la bourgeoisie d’occupation dans le souffle de la reine de l’Empire anglais.
Jamais le peuple souverain n’a donné son aval à cette Constitution imposée même si quelques Québécois dociles, crédules et mal éclairés sur les conséquences participaient à l’entreprise de lourde mainmise sur notre nation par des conquérants armés.
L’esprit de 1867
Aujourd’hui, la Ville de Québec n’a pas un mot à dire sur ses littoraux et sur ses eaux, tout comme Lévis en face. Le fleuve et les activités portuaires sont sous le seul pouvoir de la reine du Dominion. Tous les grands monuments du Régime français qui affirmaient de façon ostentatoire la mère patrie sont partis en fumée, toujours à l’avantage des Anglais, ou ont été consciemment démolis, sauf les institutions religieuses qui servaient bien le social et l’éducation des enfants.
Le Vieux-Québec avec sa citadelle, les portes des remparts, le manège militaire et la cathédrale anglicane, qui a remplacé dès 1804 le collège des Récollets, appartiennent à l’architecture britannique et à la vision éclectique théâtrale bien victorienne de lord Dufferin. Le style Château fin victorien a été retenu pour des hôtels, des gares et l’hôtel de ville.
Le néoclassicisme anglais triomphe dans le bureau de poste et la douane, deux bâtiments à coupoles dans la manière néoclassique anglaise, dominant le paysage dans le bassin de Québec. Exit la France.
La soi-disant Confédération fait également double emploi administratif dans plusieurs secteurs de l’économie et intervient de façon gênante dans le domaine des arts, de l’éducation et des communications, des secteurs exclusivement réservés au Québec dans l’esprit de l’Acte de 1867 et envahis cavalièrement par Ottawa.
Il est assez paradoxal que l’actuel maire de Québec ait démoli avec fracas il y a deux ans l’oeuvre intitulée Dialogue avec l’histoire à la place de Paris dans le quartier de place Royale, un cadeau de la Ville lumière, et qu’on glorifie aujourd’hui la Confédération imposée au coeur de la cité de Champlain.
Le maire aurait dû visiter les colonnes de Buren dans les jardins du Palais royal à Paris avant de mettre le bélier mécanique dans une oeuvre que les professionnels du Centre de conservation du Québec recommandaient de restaurer et qui triomphait dans le quartier historique en conversation avec le buste de Louis XlV.
Ce gommage de l’héritage français au Québec éclatait également au début des années 1980 dans le projet de construction du Musée de la civilisation. Le maire Jean Pelletier et le ministre Denis Vaugeois s’étaient entendus sur un site particulier au pied de la falaise qui s’ouvrait sur le vaste bassin de Québec, sur l’île d’Orléans et sur le lointain estuaire.
Trois mois avant sa mort, Pelletier livre une sorte de testament au journaliste Gilbert Lavoie. Pour le maire libéral, son plus grand regret de carrière a été de céder à Brian Mulroney et à Robert Bourassa en permettant la construction des terrasses du Vieux-Port, une barre de condominiums qui venait bloquer la vue à l’institution phare de notre histoire, le temple en hommage à notre âme de peuple. Pour gagner le concours, Moshe Safdie, l’auteur d’Habitat 67, avait prévu une oeuvre à clocher en forme de rampe et portant escalier, liant la basse ville besogneuse et commerciale à la ville haute institutionnelle, aboutissant à l’Université Laval sur le cap. Et dans une deuxième phase, le célèbre architecte créait un vaste escalier sortant du Saint-Laurent, menant à un large parvis s’ouvrant sur le portail du musée. Le port de Québec a tué le concept gagnant !
Le port, plénipotentiaire par la constitution de 1867, n’avait aucune permission à demander ni aucune obligation d’informer. Des amis en ont profité, et servi une vision réductrice.
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