Stephen Harper semble prêt à toutes les flatteries pour amadouer les Québécois, même à concéder au Canadien une chance de gagner la coupe Stanley.
Jeudi, devant la Chambre de commerce, le premier ministre avait l'air d'un chanteur de pomme. Un peu plus et il aurait lancé, avec son bel accent de Calgary : «Ich bin ein Montrealer !»
Il est vrai que son auditoire ne demandait visiblement pas mieux que de se laisser séduire. Quel bonheur d'entendre M. Harper présenter la métropole -- et même le Palais des congrès, élevé pour la circonstance au rang de «lieu historique» -- comme le berceau d'un nouveau Canada, qui enterrera 40 ans de chicanes constitutionnelles pour se tourner résolument vers l'avenir !
Le ministre responsable des Relations intergouvernementales dans le gouvernement Charest, Benoît Pelletier, a bu ses paroles comme du petit lait. Pendant des années, il a passé pour un naïf avec son principe de «convivialité fédérale», fondé sur le respect des compétences des deux ordres de gouvernement.
Les libéraux fédéraux ne rataient aucune occasion de le faire tourner en bourrique. L'automne dernier, le pauvre s'était même fait traiter de «péquiste» par Jean Lapierre parce qu'il avait eu l'audace de rappeler à Paul Martin son engagement solennel de faire une place au Québec à l'UNESCO.
M. Harper devrait tout de même faire attention de ne pas en beurrer trop épais. On comprend que l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire exige de mettre fin à la polarisation qui a permis au Bloc québécois et au Parti libéral de monopoliser les précieux comtés du Québec pendant 12 ans, mais il y a des limites à la possibilité de concilier «un Québec confiant, autonome, solidaire et fier» avec «un Canada fort, uni, indépendant et libre».
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Remarquez qu'en politique, tout est affaire de perception et de climat. Au moment de faire sa déclaration de revenu, le contribuable se soucie assez peu de savoir si l'argent qu'on lui enlève est partagé équitablement entre Québec et Ottawa compte tenu de leurs responsabilités respectives. Pour peu que le ton baisse entre les deux capitales, il considérera l'affaire réglée.
Jeudi, le premier ministre a réitéré l'engagement qu'«aucune proposition ne sera présentée au cabinet fédéral si elle ne respecte pas la division des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux».
Qu'Ottawa renonce à utiliser son «pouvoir de dépenser» pour envahir les compétences provinciales, comme cela est devenu la règle depuis l'apparition de fabuleux surplus dans les coffres fédéraux, constituerait déjà un énorme progrès, mais cela ne donne pas plus d'argent aux provinces.
M. Harper a promis des propositions précises sur le déséquilibre fiscal au cours de la prochaine année. Sans même les connaître, cela semble être de bon augure dans la mesure où le précédent gouvernement niait même l'existence du problème.
Devant la Chambre de commerce, il a cependant déclaré que «le déséquilibre le plus important dans ce pays est celui qui existe entre tous les niveaux de gouvernement et les citoyens, de même que les entreprises, qui sont tous surtaxés».
Tous ces milliards de dollars de «surplus inattendus» gaspillés par les libéraux auraient se retrouver «entre les mains des Canadiens», comme ces 1200 $ que son gouvernement versera chaque année aux parents d'enfants en âge de fréquenter une garderie. En fin de compte, combien en restera-t-il pour les provinces ?
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M. Harper n'a pas voulu confirmer que le premier budget conservateur contiendra une baisse de l'impôt sur le revenu des particuliers en plus de la diminution annoncée de la TPS, mais on peut penser que ce sera le cas. Théoriquement, les provinces pourraient en profiter pour occuper le terrain, comme François Legault l'a proposé dans le cas de la TPS.
Pourtant, aucun gouvernement canadien ne livrera des points d'impôt aux provinces sur un plateau d'argent. Si le gouvernement Charest voulait assurer une véritable autonomie de fonctionnement au Québec dans le Canada fort et uni de M. Harper, il lui faudrait en payer le prix politique, mais il a déjà exclu d'augmenter la TVQ pour récupérer la baisse de la TPS.
En mettant Yves Séguin à la porte, M. Charest s'était du même coup débarrassé de son encombrant rapport. Bien avant que le PQ ne découvre les avantages pédagogiques du déséquilibre fiscal, il avait réclamé un transfert de points d'impôt, mais il est maintenant disposé à se contenter d'une hausse des transferts fédéraux et de la péréquation, qui renforceront d'autant l'intégration politique du Québec dans l'ensemble canadien.
Comment l'en blâmer ? Après tout, ce sont les souverainistes eux-mêmes qui ont réduit la question nationale à un problème financier, comme l'a déploré Michel Tremblay. On ne peut quand même pas exiger plus d'idéal de Jean Charest !
Le grand mérite de Stephen Harper est d'avoir immédiatement saisi, comme Brian Mulroney avant lui, ce que les libéraux fédéraux n'ont jamais réussi à comprendre : il n'est pas nécessaire de donner la lune au Québec, il suffit de lui chanter la pomme.
Quand il a promis de nous faire entrer à l'UNESCO, il devait bien savoir que, contrairement au Sommet de la Francophonie, les organismes de l'ONU n'accueillent que des États souverains. Il faudra maintenant se contenter d'un strapontin au sein de la délégation canadienne, mais le monsieur est quand même gentil : il nous a dit qu'on méritait mieux.
Connaissant le ROC, le premier ministre a averti qu'il n'était pas question que le Québec devienne le chouchou du Canada nouveau. Là-dessus, on peut lui faire confiance. Il est bien placé pour se souvenir du tollé qu'avait soulevé la décision du gouvernement Mulroney de confier l'entretien des F-18 à Canadair plutôt qu'à Bristol Aerospace, de Winnipeg. Cette décision avait provoqué une véritable rupture au sein du Parti conservateur, qui a conduit à la formation du Reform Party et à l'ascension de Stephen Harper. Dans l'Ouest, on ne se satisfait pas de se faire chanter la pomme.
mdavid@ledevoir.com
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