Entretien avec Rémi Tremblay, auteur avec Jean-Claude Rolinat du livre Le Canada français, de Jacques Cartier au génocide tranquille, éditions Dualpha, préface de Richard Le Hir, ancien ministre.
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Quels sont les événements marquants du nationalisme au Québec ?
Le nationalisme moderne québécois débute évidemment après la Confédération en 1867. Avant, il y eut certes des mouvements qu’on pourrait qualifier de nationalistes canadiens-français comme les Métis de Louis Riel et même dans une certaine mesure les Patriotes, mais c’est avec la fondation du Canada que le nationalisme québécois prend réellement son sens. Depuis cette date, le nationalisme canadien-français s’oriente sur la survivance de notre peuple au sein du Canada (comme Lionel Groulx le préconisait) ou carrément en en sortant comme Paul Bouchard, les frères O’Leary, Raymond Barbeau et autres le préconisèrent dès les années trente du siècle dernier.
La sortie de la confédération, le souverainisme en d’autres mots, fut une idée relativement marginale, l’autonomie comme Maurice Duplessis, qui est en quelque sorte le Salazar québécois, le préconisa.
Dans les années soixante, elle revint par contre à l’avant-plan et devint plus acceptée par la population. Seulement, cela se fit en même temps que la Révolution Tranquille qui est, si on veut, un mai 1968 généralisé. Les Canadiens français devinrent des Québécois, la société fut laïcisée et le mouvement nationaliste qui était de droite jusqu’alors, vint à se transformer en mouvement de gauche faisant la promotion d’un souverainisme épuré de toute référence ethnique et religieuse. René Lévesque fut l’incarnation même de cette transformation en néonationalisme.
Depuis, avec le Parti Québécois membre de l’internationale socialiste, l’idée souverainiste est quasiment devenue un monopole de la gauche, bien que de nombreux hommes et femmes de la droite de conviction l’appuient silencieusement, considérant la souveraineté comme un objectif méritant de compromettre le reste.
Nous avons eu un référendum perdu en 1980 et ensuite en 1995. Seulement, ce dernier fut une défaite crève-cœur ; la majorité des Québécois de souche (Canadiens français) ayant voté en faveur de la souveraineté. Depuis, le Parti Québécois a été relégué au second plan et la domination libérale à Québec semble inébranlable.
Qu’en est-il de la sphère politique actuelle au Québec, le nationalisme y occupe-t-il toujours une place ?
Actuellement, le seul nationalisme encore promu est le nationalisme civique parfois teinté de nationalisme linguistique. Le Parti Québécois parle de souveraineté, mais pour eux, quiconque réside au Québec est Québécois et on adopte une certaine forme de multiculturalisme. On met des gants blancs pour parler de langue, on tente d’avancer l’idée de laïcité à la française pour enrayer la montée de l’Islam, mais dans les faits, le Parti Québécois partage la même vision de la nation que le Parti Libéral, à la seule différence qu’il souhaite l’indépendance de la province. Les arguments amenés sont surtout économiques et politiques, sur le poids du Québec notamment, mais cela devient un non-sens, puisque toutes les provinces pourraient parler d’indépendance en se basant sur ces deux critères. Ce qui donne un sens réel au combat souverainiste c’est bien que le Québec soit peuplé majoritairement d’un peuple, d’une nation à part entière qui est différente du reste du Canada.
Quelle est la réalité de l’immigration au Québec ?
De nombreux penseurs souverainistes ont eu par le passé la clairvoyance de voir dans l’immigration un moyen de faire des Québécois un peuple parmi tant d’autres au Canada et même de nous noyer dans notre propre province. La naturalisation de milliers d’étrangers à la veille du référendum nous prouve que l’immigration a été instrumentalisée pour mettre fin aux aspirations du Canada français.
Au Québec, le Parti libéral est maintenant capable de régner malgré la quasi-absence de soutien chez la majorité canadienne française. En étant supportée en bloc par les minorités ethniques et linguistiques, il réussit à se maintenir au pouvoir, les Québécois de souche divisant leur vote entre la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois. Le Parti libéral se doit donc, s’il veut survivre, de continuer à ouvrir les portes de l’immigration de masse. Logiquement les autres partis devraient s’y opposer, mais la chape du politiquement correct est telle que personne n’ose remettre en question ce paradigme, ce qui fait qu’il y a consensus en faveur de l’immigration auprès des élites politiques, bien que les sondages démontrent que les Québécois n’en veulent plus.
Montréal est devenue une ville cosmopolite, avec une minorité d’élèves canadiens français dans les écoles. C’est un fait, c’est tangible. C’est le Grand Remplacement prophétisé par Renaud Camus, ou le Génocide tranquille si on veut.
Le Québec a récemment eu la visite de Marine Le Pen et les médias ont rapporté un accueil plutôt froid chez vous…
Comme je l’ai écrit dans un article pour le quotidien Présent, la désinformation en France sur le voyage de Marine Le Pen au Québec était grotesque. L’accueil fut froid de la part des élites, c’est un fait, mais ce fut l’événement de l’hiver. Elle eut une couverture médiatique incroyable, inégalée même. Ses moindres paroles étaient rapportées dans les médias, ce qui fait que, pendant une semaine, on eut droit à un véritable débat sur l’immigration, ce que la journaliste de la chaîne gouvernementale Anne-Marie Dussault n’a certes pas apprécié !
Pour l’impact sur les groupes nationalistes, un événement tangible découlant de cette visite est la création du groupe Horizon Québec Actuel qui veut se faire le porte-parole des idées frontistes au Québec. Ce genre de groupe peut susciter le débat et nous espérons qu’il parviendra à se faire une place et remettra en cause l’immigration de masse, ce que la Fédération des Québécois de souche était seule à faire par le passé.
Le Canada français, de Jacques Cartier au génocide tranquille de Jean-Claude Rolinat et Rémi Tremblay, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 260 pages, 25 euros.
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