Le Bloc québécois a donc un nouveau chef en la personne de Yves-François Blanchet, seul candidat en lice après le désistement d’un candidat putatif, Jean-Jacques Nantel. Le parti a ainsi évité une course à la chefferie qu’il n’avait pas les moyens de tenir, qui aurait été aussi futile que néfaste et qui n’aurait rien changé au résultat.
Comme cela s’est vu dans le passé, mais sans doute avec plus d’acuité que jamais, la question de la pertinence du Bloc se pose. Le parti, fondé par Lucien Bouchard sur les cendres de l’accord du lac Meech, dans le but de contribuer à l’accession du Québec à sa souveraineté et d’appuyer le camp du Oui lors d’un référendum, n’a-t-il pas perdu sa raison d’être dans un contexte politique où un tel référendum est renvoyé aux calendes grecques ? Nous croyons que non.
Si l’appui à l’indépendance a décliné ces dernières années, il reste que les deux partis souverainistes, le Parti québécois et Québec solidaire, ont récolté ensemble 33 % des votes lors des dernières élections. Si certains, comme l’ex-premier ministre libéral Philippe Couillard, se sont empressés de célébrer avec jubilation l’enterrement de l’option, il n’en demeure pas moins qu’un mouvement politique qui rassemble toujours le tiers de l’électorat ne peut être ignoré. Et si on apprécie les comparaisons, rappelons que la Coalition avenir Québec et son fédéralisme résigné n’ont obtenu, avec 37 % des voix, que 4 % de plus des suffrages.
Certes, le temps n’est pas à la préparation d’un référendum et l’obstination rageuse d’une Martine Ouellet n’y aurait rien pu changer. Mais les Québécois collectivement, du moins les souverainistes ou ceux, nombreux, qui ont renoncé à leur idéal parce qu’ils le croient hors de portée et qui se retrouvent à la CAQ, auraient tort de se priver de cet instrument politique. Les raisons qui fondent le projet indépendantiste n’ont pas disparu et l’évolution politique au Canada pourrait contribuer à les illustrer concrètement. Bref, on ne sait de quoi l’avenir sera fait et cette voix québécoise, qu’incarne le Bloc à Ottawa, pourrait s’avérer utile, voire essentielle.
Le Bloc québécois a également un rôle à jouer dans la défense des intérêts du seul État à majorité francophone en Amérique du Nord alors que le poids politique du Québec au sein de la fédération, en raison de facteurs démographiques, mais pas seulement, ne cesse de diminuer.
Après l’apathie complaisante du gouvernement Couillard, le gouvernement Legault monte aujourd’hui au créneau pour réclamer d’Ottawa des pouvoirs en matière d’immigration ainsi qu’une déclaration de revenus unique administrée par Québec. Le Bloc peut relayer ces revendications, tout en se portant à la défense de l’interculturalisme et de l’exception culturelle.
D’évidence, rien n’est gagné pour le Bloc. Yves-François Blanchet soutient que le parti a refait son unité, condition essentielle pour qu’il évite la disparition. D’ici à l’élection, il devra se remettre en marche. Le mot de la fin — ou du renouveau — reviendra aux électeurs québécois.