En Nouvelle France le drapeau du Roi de France s’était répandu sur toute l’Amérique du Nord au fur et à mesure de l’avancée des explorateurs français, plantant des croix au nom du Roi aux quatre coins de cet immense pays.
L’année 1665 verra l’arrivée des régiments de Carignan Salière au « Pavillon de France » à la croix blanche. Cette croix blanche de Saint Michel représentant la monarchie avait été érigée en drapeau militaire durant la guerre de Cent ans pour s’opposer à la croix rouge des Anglais.
Tous les régiments des troupes de ligne et les compagnies Franches de la Marine l’arboraient.
Au moment de la cession de la Nouvelle France, le drapeau du Roi a suivi le même chemin que celui des soldats français, du gouverneur et de toute sa maison civile, mais aussi des personnages haut placés, il a retraversé l’Atlantique laissant seule, face à l’adversaire, la petite population canadienne.
Elle sera forcée de voir le drapeau britannique hissé sur les remparts de Québec !
Bien avant la confédération canadienne, les Canadiens qui avaient pris alors le nom de Canadiens français, désiraient vraiment avoir un drapeau bien distinct de celui de l’Union Jack qu’on leur imposait !
Entre temps, en France, la Révolution de 1789 ayant aboli la monarchie, le drapeau tricolore avait remplacé celui du Roi : Aux couleurs bleu et rouge de Paris avait été rajouté le blanc de la monarchie afin de ne jamais oublier ce qui avait fait l’Histoire de ce pays de France, depuis tant de siècles.
On assistera par moment au Canada à la reprise de ce tricolore français par les descendants français, quant à eux les Acadiens le garderont pour toujours en rajoutant seulement dans le haut de la partie bleue du drapeau, l’étoile de Maria Stella, une étoile à la couleur or du Vatican, afin de rappeler non seulement leurs origines françaises mais également leurs origines catholiques*.
Au moment de la révolte des patriotes de 1837-1838 les Canadiens français se rassembleront sous un drapeau composé de trois bandes horizontales verte, blanche et rouge. Ces couleurs voulaient représenter chaque partie qui apportait un soutien à leur libération. Le vert aux Irlandais, le blanc aux Canadiens français et le rouge aux Britanniques. Mais après la défaite, puis la pendaison des Patriotes et la publication du terrible rapport de Lord Durham, les Canadiens français se retrouvent encore à la recherche d'un nouveau drapeau national qui leur soit propre, ne désirant pas le caractère révolutionnaire du drapeau tricolore français.
Quelques années plus tard, lors du défilé du 24 juin 1848 à Québec, la Société Saint-Jean-Baptiste présente à la foule une bannière portée par la milice canadienne lors de la Bataille de Fort Carillon (Ticonderoga), qui aurait participé à la victoire de Montcalm sur l'armée britannique en 1758. Cette bannière, en rappelant le passé, soulèvera l’émotion de tout un peuple qui, lui vouera un tel culte au point d'influencer le choix définitif du drapeau québécois.
Le 26 mai 1868, la reine Victoria accorda un Ensign au Québec qui, dès ce moment, put être utilisé comme le drapeau officiel du Québec. Il s'agissait d'un Blue Ensign avec l'Union Jack dans le coin supérieur gauche et les armoiries du Québec à la droite. Il semblerait cependant qu'il fut utilisé très rarement : plusieurs sources, y compris le site du gouvernement du Québec, mentionnent que ce fut pourtant l'Union Jack qui flotta au-dessus du Parlement jusqu'au 21 janvier 1948, et non le Blue Ensign.
L’abbé Elphège Filiatrault, prêtre de Saint-Jude, dans le diocèse de Saint-Hyacinthe s’inspira de la bannière de Carillon, aux fleurs de lys dorées, placées aux quatre coins et pointant vers l'intérieur, en constatant l'émotion générale provoquée par chacun des déploiements de cette bannière, aux défilés de la Saint-Jean-Baptiste. Le Carillon de Filiatrault fut élevé pour la première fois le 26 septembre 1902 il est préservé aux archives de Saint-Hyacinthe.
Cependant au cours de l’année 1947, un membre indépendant de l'Assemblée nationale, René Chaloult, déposa une motion demandant la création d'un drapeau québécois pour remplacer l'impopulaire Red Ensign canadien. Plusieurs idées furent développées entre Chaloult, Lionel Groulx et Maurice Duplessis.
Une de ces idées incorporait une feuille d'érable rouge (symbole qui fut par la suite utilisé pour le drapeau du Canada). Burroughs Pelletier fut aussi approché pour présenter quelques projets à Duplessis, dont aucun ne furent adoptés. Maurice Duplessis choisit plutôt d'adopter le Carillon, très populaire.
Une variante du drapeau de Carillon était frappée d'un Sacré-Cœur en son centre. On l'avait appelé le Carillon-Sacré-Cœur.
Le drapeau de Carillon est intrinsèquement liée au récit historique de la fin de la Nouvelle-France, Baillairgé et les nationalistes Canadiens-français en firent le symbole d’une nation à la recherche de sa nouvelle identité. D’autres utilisations en seront faites. En 1858, l’écrivain Octave Crémazie publiera un poème épique intitulé «Le drapeau de Carillon» qui contribuera à le faire vénérer. Le 21 juillet 1885, le drapeau est présenté lors du défilé marquant le retour du 9e bataillon qui a participé à la campagne du Nord-Ouest. Cinq ans plus tard, le recteur de l’Université Laval le déploie à l’occasion de la visite officielle du comte de Paris à Québec
En définitive ce sera peu après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, que le gouvernement de Maurice Duplessis demandera au Parlement Canadien de doter le pays d'un drapeau distinctif. Devant la décision du gouvernement fédéral d'adopter le Red Ensign, l'Assemblée législative forma un comité de douze personnes afin d'étudier toute la question. L’idée proposée du fleurdelisé, à partir de la bannière de Carillon, recueillera l'appui de nombreux groupes nationalistes. Burroughs Pelletier proposera que les fleurs de lys du Carillon soient dorénavant pointées vers le haut pour être conformes aux règles de l'art héraldique.
Le premier ministre Duplessis s’il demeura un peu hésitant à s’engager, l'enthousiasme pour ce projet l’emportera.
Au matin du 21 janvier, la motion proposée par Chaloult reçut l'approbation unanime du Conseil des ministres et le fleurdelisé devint par arrêté ministériel le drapeau du Québec. Le 21 janvier 1948, le nouveau drapeau fut adopté, il fut immédiatement élevé dans le courant de l'après-midi même, vers 15 heures, en haut de la Tour du Parlement où chacun put le voir flotter désormais.
Le premier ministre avait annoncé la nouvelle aux députés en déclarant : «...nous nous rendons avec une grande joie au désir de la population (...) Ce drapeau, ce sera le Fleurdelisé avec une légère modification. Nous avons en effet décidé, conformément aux principes de l'héraldique, de faire redresser les fleurs de lis qui apparaissent aux quatre coins du drapeau.»
Adélard Godbour, chef de l'Opposition libérale, approuva immédiatement, tout comme André Laurenteau le chef du Bloc populaire.
Le député indépendant René Chaloult, rendit alors hommage au premier ministre en ces termes :
«Ce drapeau est un geste autonomiste d'un gouvernement qui défend l'autonomie. Je remercie le gouvernement et je le félicite; le premier ministre vient de poser là un geste digne de Honoré Mercier. Désormais, lorsque nous arriverons au Parlement et que flottera sur la tour notre drapeau, nous nous sentirons plus chez nous.»
C'est donc à l'unanimité que l'Assemblée législative approuva la «motion Chaloult» demandant «de doter cette province, d'un drapeau véritablement québécois.»
La sanction d'une loi sur le drapeau fut par la suite officiellement adoptée par la législature le 9 mars 1950. Une version plus récente de celle-ci fut adoptée en 2002.
Le drapeau d’un peuple l’identifie, il l’émotionne par l’Histoire qui l'a porté, il est aimé pour tout ce qu’il signifie aujourd’hui et à jamais.
*adopté le 15 aout 1884 lors d’une convention à Miscouche
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1 commentaire
Michel Beaumont Répondre
20 janvier 2016Les amis, ce drapeau est exposé au Musée de la Civilisation de Québec dans le Vieux-Port de Québec.
Michel Beaumont