La rentrée littéraire a (aussi) été marquée par le retour de Laurent Obertone. Le tome 2 du roman d’anticipation Guérilla: le jour où tout s’embrasa était très attendu. Bien qu’excellente, l’ambitieuse suite du premier roman de l’essayiste de droite a du mal à tenir toutes ses promesses.
En septembre 2016, fort de ses essais politiques sur l’ensauvagement de la société (La France Orange Mécanique) et le conditionnement des masses (La France Big Brother), Laurent Obertone sortait un roman dont l’objectif était d’imaginer l’impact immédiat d’une France désétatisée et, par voie de conséquence, plongée dans le chaos et la guerre civile.
Fascinant, haletant et terriblement angoissant, il a connu un important succès. La fiabilité et la plausibilité de son fond y sont pour beaucoup : l’auteur s’est basé sur le travail des services de police et de renseignements (pour qui l’hypothèse d’une telle crise est loin d’être fictionnelle). Trois ans plus tard, avec Guérilla : le temps des barbares, Laurent Obertone nous raconte les événements suivant directement les trois jours décrits dans le premier livre. La perte de contrôle territorial, les désertions militaires en masse et la défaillance de tout semblant de service public, ont définitivement anéanti l’espoir des Français de retrouver un ersatz de civilisation, ils devront faire seuls dans les semaines à venir, et l’hiver – qui s’annonce particulièrement rude – arrive…
Une entame relativement frustrante…
Le premier roman Guérilla, intense et poignant, offrait une fin grave, pessimiste et une situation de détresse.
Ce caractère dramatique se perd à l’entame du second tome, il est quelque peu noyé dans le comique de certaines situations décrites (politiques bienpensantes exacerbées à l’extrême). C’est le premier écueil de cette suite malheureusement. Dans le premier roman, ces éléments existaient aussi mais restaient moins nombreux (par exemple, les émissions prônant très grossièrement et caricaturalement le vivre-ensemble). En abondance dans cette suite, l’action du récit y perd un peu au début.
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Second regret: l’ajout de composantes sociétales que l’on peut juger inopportunes. Le premier livre se déroulait dans un futur très proche et donc très réaliste pour le lecteur qui y retrouvait nombre de repères socio-politiques. On perd un peu ce réalisme à couper le souffle. Pourtant supposé se passer à la suite directe des événements du premier livre, le second tome semble alternativement recréer un monde à part entière ou faire un bond dans un avenir bien plus lointain.
Un réalisme social certain
Les relations entre individus et groupes d’individus, elles, sont bien ficelées. La logique du progressisme poussée à l’extrême – le très-bien-vivre-ensemble – débouche sur la soumission totale de ses adeptes qui n’ont plus une once d’esprit de révolte en eux.
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Laurent Obertone a bien travaillé la cohérence de son scénario au niveau macrosociétal mais aussi au niveau micro. Il va par exemple jusqu’à décrire les rivalités historiques entre certaines ethnies africaines pour justifier leur comportement. Toutefois une multitude de détails peuvent se révéler occasionnellement superflus et la société alternative qui s’est reconstituée semble déjà, par endroits, un brin trop structurée pour être totalement crédible (existence de califats, bandes particulièrement organisées…).
Une poursuite narrative réussie
Que les fans du premier volume se rassurent. Le récit redevient vite au moins aussi captivant et efficace que dans le premier opus. Cohérence d’ensemble, histoires personnelles bien écrites et dialogues intelligents offrent un roman d’anticipation saisissant. Les lecteurs frissonneront lors de l’échange entre le colonel et l’hôte chinois, subtilement surnommé « Pol Pot » par le premier. On croisera des personnages auxquels le lecteur peut s’attacher, voire s’identifier, et d’autres dont les actes le révulseront et chacun réagira en fonction de ses propres convictions et de sa propre morale. Mention spéciale tout de même pour Victor Escard, le cynique politicien qui comprend vite l’opportunité derrière la crise…
Guérilla : le temps des barbares est un roman d’anticipation plus romanesque qu’anticipatoire en somme. Le pari était très risqué de s’aventurer à imaginer une suite au désastre civilisationnel tel que décrit dans le premier volet. Il nous tarde toutefois de connaître la suite (et fin ?) imaginée par Laurent Obertone à ce proche et cataclysmique futur français…