Dans le présent débat sur la Loi no. 21 sur la laïcité de l’État, on assiste à une reprise de plusieurs des arguments mis de l’avant lors de la présentation de la Charte des valeurs du Parti Québécois.
Mais l’impression de « déjà vu » peut aussi renvoyer au débat lors de l’adoption de la Loi 101 en 1977. Voici un florilège de certaines de ces interventions répertoriées dans la biographie du Dr Laurin par Jean-Claude Picard, Camille Laurin, L’homme debout (Boréal, 2003). À vous de faire les concordances avec les auteurs de déclarations similaires aujourd’hui.
« La Chambre de commerce déplore que le gouvernement Lévesque s’occupe de la langue plutôt que de l’économie ». (NDLR. L’environnement n’était pas encore à la mode.)
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« Earle McLaughlin, le président de la Banque Royale, affirme que la Charte de la langue française brime les droits individuels et, se souvenant opportunément de ses cours d’histoire, demande aux Québécois de retrouver les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité héritées de leur mère patrie. »
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Pierre Elliott Trudeau : « La Charte québécoise de la langue française ramène le Québec des siècles en arrière, sinon à l’âge des ténèbres. C’est un projet étriqué et rétrograde qui mène à l’établissement d’une société ethnique ». (NDLR. Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre. Vive la société post-nationale.)
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The Montreal Star : « La Charte constitue un geste totalitaire. C’est une attaque du Parti québécois contre les libertés fondamentales ».
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The Gazette : « Cette politique linguistique représente la revanche de la défaite des Plaines d’Abraham et constitue un manifeste d’intolérance ».
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The Globe and Mail : « Le PQ a fait le pari d’attiser la haine et de polariser les Québécois en vue d’un éventuel référendum ».
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Le correspondant québécois du Globe and Mail, William Johnson, prédit la disparition de la communauté anglophone québécoise.
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Claude Beauchamp, le rédacteur en chef du Soleil de Québec : « Il apparaît illusoire et dangereux de croire qu’une loi de la langue pourrait renverser du jour au lendemain une situation de fait uniquement parce qu’on ignore les droits légitimes d’une minorité ».
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Claude Ryan, le rédacteur en chef du Devoir, se lance dans une lutte sans merci contre le projet de Camille Laurin. D’avril à août 1977, il ne signe pas moins de 24 éditoriaux, soit plus que tous ses collègues francophones réunis, où il pourfend sans aucun ménagement tous les aspects de la politique linguistique.
Ryan écrit : « Les passages du Livre blanc que nous avons évoqués traduisent une vision exagérément pessimiste du rapport actuel des forces linguistiques au Québec et une conception à la fois abusive et naïve du rôle qui incombe à l’État en cette matière. Le véritable intérêt du Québec ne saurait résider dans des politiques de cette nature ». (NDLR. Ah !... Le Devoir !...)
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« Au début de juin, 326 personnalités francophones reliées au milieu politique et au monde des affaires écrivent à René Lévesque pour qualifier d’intolérant le projet de loi 1 et affirmer qu’il nuira considérablement au développement économique du Québec. De Laurent Beaudoin, président de Bombardier, à Jean de Grandpré, président de Bell Canada, de l’ex-ministre libéral Claude Castonguay à Wilbrod Bhérer, un important homme d’affaires de Québec, les signataires invitent le gouvernement à adopter une approche davantage incitative que coercitive de façon, disent-ils, à se montrer plus respectueux des droits et libertés de chaque individu. »
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« L’ensemble des commissions scolaires anglophones préviennent qu’elles refuseront, lors de la prochaine rentrée, d’appliquer les critères d’admissibilité à l’école anglaise inscrits dans le projet de loi. Elles se raviseront cependant à la fin de l’été, après l’adoption de la loi. » (NDLR. Are you listening, English Montreal School Board?)
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Réjean Lachapelle, le président de l’Association des démographes, a soutenu dans un article publié par les journaux, que le projet de loi 1 pourrait entraîner la disparition de la communauté anglophone du Québec. Ce point de vue est évidemment repris pour tous les adversaires dudit projet, dont Claude Ryan. (NDLR. Réjean Lachapelle a occupé plusieurs postes à Statistique Canada, dont celui de directeur de la Division de la démographie de décembre 1994 à mai 2005.)