Ceux qui ont vécu les débats référendaires en 1980 et 1995 s’en souviennent pour la vie. Les Québécois se sont alors déchirés jusqu’au sein des familles. Des fratries se sont affrontées et des amis ont eu du mal à se fréquenter durant les campagnes référendaires. Il en est resté des cicatrices pour les uns et les autres. Les fédéralistes se faisaient traiter de vendus, et les séparatistes de traîtres.
Le débat actuel sera d’une autre nature sur la question de l’interdiction des signes religieux. D’abord, contrairement aux débats passés où deux camps s’affrontaient, la question des signes religieux est au cœur d’une conception de la laïcité qui rallie une majorité de Québécois francophones. Ses adversaires se retrouvent d’abord et en grande majorité chez les allophones et les anglophones. Ce qui annonce une coloration ethnique particulière.
Certains appartiennent à des groupes religieux, racisés, pour qui le multiculturalisme canadien est la seule avenue pour le Canada, y inclus le Québec dont ils n’apprécient pas la distinction et encore moins le statut particulier.
Tous les groupes religieux, sauf les Canadiens français affranchis de l’emprise de l’Église, mais demeurés catholiques et défenseurs de la laïcité, s’opposent à la vision québécoise majoritaire.
Opposition
Les perturbations au sein de l’Alliance des professeurs de Montréal donnent aussi la mesure de l’opposition à ce projet de loi. On y découvre l’influence de Québec solidaire parmi les enseignants. Cette extrême gauche est à la fois organisée et idéologiquement réfractaire au compromis sur le port du voile, par exemple.
D’ici quelques semaines, les citoyens favorables au projet de loi du gouvernement Legault devront se blinder contre les attaques sans nuances dont ils feront l’objet. Ils seront accusés de toutes ces expressions qui, de nos jours, jettent l’anathème sur le Québec tout entier.
Nous serions des xénophobes, des islamophobes, des racistes voire des transphobes et homophobes. Rien ne nous sera épargné. Il faudra au premier ministre Legault beaucoup de dignité, de retenue, de doigté et d’ouverture pour calmer les esprits.
En particulier pour dénoncer les extrémistes de droite qui font déjà des ravages, et ceux de gauche, alliés dans les circonstances aux fondamentalistes musulmans et qui attisent les « braises de l’intolérance ».
Identité québécoise
Ce débat nous fera prendre la mesure de notre volonté d’affirmer l’identité à la québécoise, qu’on doit protéger afin d’être épargnés des étiquettes de ceux qui tentent de confondre les Québécois avec les partis anti-immigrants qui sévissent aux États-Unis et en Europe.
Si nous n’arrivons pas en tant que peuple à convaincre les adversaires de la laïcité à la québécoise, qui s’insurgent devant notre désir de perpétuer dans le contexte démocratique notre culture et ses valeurs modernes, les risques de cassures de ce qui nous réunit collectivement seront élevés.
En démocratie, l’avenir n’est pas d’abord dans la rue ou dans les officines des extrémismes. Il faudra que les perdants se rallient, comme on l’a fait en 1995.
Or, en 2019, sommes-nous sur la même planète ? Croyons-nous encore à la volonté exprimée par une majorité élue ?