Je ne sais pas si vous vous en souvenez mais le 29 aout 2005 l’ouragan Katrina dévastait la ville de Nouvelle-Orléans. Presque toute la ville – sauf le quartier français construit sur une butte! - avait été ruinée; il fallait reconstruire.
La même chose arrive à Lac-Mégantic en 2013 en quelque sorte; le centre de la ville est ruiné. Il n’a pas été inondé comme aux USA… il a brûlé! Hier le réseau radio PBS, que j’écoute souvent et qui a des antennes dans le Maine (j’ai un bon capteur radio) a dit que l’événement de Lac-Mégantic est « le nine-eleven of Québec » - le 9-11 du Québec! Ce n’est pas banal. Il faut donc reconstruire.
Dans le cas de la Nouvelle-Orléans, le gouvernement américain a donné de l’argent au maire, grosso modo, pour ses bonnes œuvres de reconstruction. Le résultat c’est que la Nouvelle-Orléans et les États-Unis n’ont pas saisi l’occasion de créer une nouvelle ville digne de ce nom. Ils n’ont pas relogé les citoyens dans une ville nouvelle intéressante – ce qu’ils auraient pu faire à Bâton-Rouge ou ailleurs! – pour montrer à l’univers qu’ils savent construire une ville. De sorte que les travaux de reconstruction se font à la va comme je te pousse, sans imagination, sans beauté.
Évidemment l’ouvrage de reconstruction était au-delà des forces d’un maire! Et Dieu sait si les Américains ont du travail à faire en aménagement urbain! La Ville de Détroit est par exemple une catastrophe d’envergure mondiale et l’État regarde le train (!) passer sans vraiment intervenir…
Le premier ministre du Québec, Mme Marois, elle, a eu assez de compassion pour se rendre sur les lieux de notre désastre à nous et elle a promis d’engager des fonds pour la reconstruction. Quelque 40 millions$ ont ainsi été engagés à diverses fins, dont le secours direct aux personnes. C’est bien.
Mais dans le domaine de la reconstruction du centre-ville les choses sont restées un peu vagues. Le chef de notre gouvernement (qui est souverain en affaires municipales, faut-il le rappeler?) a laissé entendre qu’une partie des subventions pourrait aller «à l’embauche d’un architecte», par la municipalité a-t-on pu comprendre. Or la reconstruction du centre-ville par la simple embauche d’un architecte municipal va donner le même résultat, en matière d’urbanisme, que la reconstruction de la Nouvelle-Orléans. Presque rien! Rien de nouveau et d’original ne pourra être réalisé là qui servira d’exemple aux autres villes et villages de chez nous sans un effort concerté de l’État.
Le Québec, je le rappelle souvent, n’a pas de ministère de l’architecture, de l’aménagement et de l’urbanisme (ou l’équivalent) bien que les responsabilités, en ces matières reposent sur ses épaules. Et cela a des conséquences négatives sur notre paysagisme.
Les maisons du Québec sont effectivement presque toutes enveloppées de plinthes en aluminium, conséquence des pressions des alumineries – comme s’il n’y avait pas de bois chez nous! Pauvreté esthétique! Le Québec est parsemé de quartiers posés sur les terres agricoles et il est décoré de lignes de transport des systèmes électriques et de téléphone… jusque dans le centre de Montréal! Pouvons-nous vraiment dire que nos villes et villages sont «beaux»? Or pour attirer les touristes, comme le veulent les maires, il n’y a qu’une chose à faire, c’est de s’intéresser au paysagisme en ville et autour des villes. Il n’y a pas 70 millions de touristes en France par année parce que le pays est laid.
Un ministère de la Ville, comme ceux qui existent en certains pays évolués, s’occuperait de ces choses-là : mettre les meubles urbains à leur place et créer de la beauté par le bon choix des formes et des matériaux; pas en remplaçant l’initiative de la base municipale, mais en guidant les travaux comme un chef d’orchestre saurait le faire. Dans le moment les ministères souverains sont des usinse à subventions, pas des guides offerts aux conseils municipaux de bonne volonté. Le planning est fait par les entrepreneurs, souvent incultes, qui posent leurs «monster houses» à Brossard et à Laval et ailleurs.
En attendant la création de notre ministère de la Ville, ne serait-il pas prudent pour le gouvernement de saisir l’occasion du sinistre de Lac-Mégantic, justement, pour créer un Groupe de travail (un «task force») en matière d’aménagement et d’architecture? Ceci pour mettre les travaux sur de bons rails (!) ? Ceci pour créer un centre-ville qui traduit la personnalité de notre nation, qui innove et qui va au-delà des idées reçues imposées par le commerce à la petite semaine.
Ce ne sont pas les experts en la matière qui manquent. Ils se trouvent notamment à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal où l’on forme à grands frais des architectes dont l’État ne se sert vraiment pas assez. C’est une faculté qui se trouve dans la ville où le ministre Jean-Francois Lisée a juridiction et qui nous dit parfois qu’il faut ramener les familles en ville. Ne pourrait-il pas commencer par faire un test à Lac-Mégantic?
Cet engagement nouveau de l’État de Québec, qui surgirait du mal qui nous a été fait par l’État fédéral (qui se désintéresse du rail et le privatise inconsidérément) donnerait espoir à notre peuple. La nouvelle équipe se rendrait bien compte qu’on ne construit pas un centre-ville autour d’un chemin de fer et elle pourrait aller jusqu’à proposer que celui-ci soit posé en périphérie.
Et si l’État fédéral, co-responsable en la matière, rechignait à cet égard, notre peuple pourrait bien trouver là une bonne raison de s’affranchir et de proclamer la République. .. En tout cas toute tentative de reconstruire Lac-Mégantic en fonction du bien commun de tout le Québec et dans l’harmonie urbaine pourrait bien donner des idées aux USA d’où est venu ce catastrophique pétrole. Ceux-ci pourraient commencer à se demander s’il est prudent de laisser le cœur des villes entre les mains des entrepreneurs privés et s’il est sage de privatiser le rail.