La Ville échoue à faire fermer une mosquée

Ed89f16d40620d1a2867c7057191f3ea

La ville aurait-elle pu parvenir à ses fins en s'y prenant autrement ?

La Ville de Montréal vient d'échouer à faire fermer une importante mosquée de Saint-Léonard pour des motifs de zonage, la justice dénonçant plutôt le «comportement répréhensible» et la «mauvaise foi» des responsables municipaux envers le lieu de culte, ainsi que la réglementation «discriminatoire» en vigueur dans l'arrondissement.
Le Centre islamique Badr pourra donc continuer à accueillir des fidèles sur le boulevard Langelier, au grand dam des commerçants locaux qui se plaignent des problèmes de stationnement aux heures de prière.
Montréal tentait de convaincre la Cour supérieure que le Centre violait le zonage du secteur : une modification votée tout juste avant l'achat du bâtiment par la communauté - mais après son installation comme locataire - y interdisait les assemblées et les cérémonies religieuses.
Mais le Centre islamique Badr jouissait déjà d'un «droit acquis» par son déménagement dans son local, a déterminé le juge Jean-Yves Lalonde. «La Ville a tort de vouloir faire cesser ces activités.»
En outre, ce nouveau zonage «brime la liberté de religion» des fidèles en interdisant d'y tenir des prières, selon la décision datée du 12 janvier.
Dures critiques
Le magistrat en a profité pour critiquer vertement les mesures prises au fil des ans par les autorités municipales pour pousser la mosquée à plier bagage.
En 2010, un règlement a été voté par l'arrondissement pour désigner de nouvelles zones où l'installation de lieux de culte est permise, parce qu'il y avait une pénurie de tels espaces à Saint-Léonard. Mais les secteurs choisis se trouvaient «principalement en zone industrielle», ce qui favorise la «ghettoïsation» des musulmans et «s'avère en quelque sorte discriminatoire par rapport aux églises catholiques», selon le juge Lalonde.
De plus, un formulaire déposé par la mosquée afin d'obtenir un permis municipal aurait été modifié unilatéralement par des fonctionnaires après son dépôt pour y ajouter la mention d'un usage des lieux «sans cérémonie» religieuse en 2004 : un acte de «mauvaise foi», tranche la Cour. Et «la Ville a fait preuve de négligence grossière» en répondant à cette demande avec un délai de presque quatre ans, précise la décision.
«Le comportement répréhensible de la Ville constitue une circonstance exceptionnelle et rarissime.»
- Le juge Jean-Yves Lalonde

En face, la mosquée «a fait preuve de bonne foi et de diligence» dans ses démarches.
L'avocat de l'établissement, Me Mario St-Pierre, a indiqué que ses clients étaient «satisfaits» de la décision. La communauté continue à tenter de se relocaliser dans un lieu mieux adapté à ses besoins, mais sans succès pour le moment, a-t-il ajouté.
«En collaboration avec l'arrondissement Saint-Leonard, le contentieux analyse jugement et des suites à lui donner ultérieurement», a indiqué le porte-parole municipal Gonzalo Nunez.
Jeunes radicalisés
Le centre islamique a déjà fait les manchettes pour ses liens avec certains jeunes Montréalais radicalisés au cours des dernières années.
L'endroit a notamment été fréquenté par au moins un membre de la première vague de djihadistes québécois, partis en 2012 vers la Turquie et, selon ce que croient les autorités canadiennes, la Syrie. Le jeune originaire de la Rive-Sud de Montréal, qui est de retour au Canada, a souvent participé aux activités de la mosquée dans l'année précédant son départ, selon une source proche de l'enquête.
Un des anciens administrateurs de l'endroit est le père d'un Montréalais qui est lui soupçonné d'avoir joué un rôle dans la radicalisation du terroriste Martin Couture-Rouleau. Mohamed Derouiche, 28 ans à l'époque, avait été arrêté le soir du 20 octobre 2014, soit huit heures après l'attaque meurtrière contre des soldats canadiens à Saint-Jean-sur-Richelieu.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé