Le cannabis récréatif est maintenant légal au Canada. Mais quelles en seront les conséquences à l'extérieur du pays? Moscou pense que la légalisation pourrait renforcer le commerce de cette drogue à l'échelle internationale. Pour en savoir plus, Sputnik s'est entretenu avec un représentant de l'ambassade de Russie au Canada.
«Inacceptable» et «hypocrite». C'est ainsi que la Russie a qualifié la décision du Canada de légaliser la consommation de cannabis.
Un communiqué du 22 octobre dernier de l'ambassade russe au Canada explique la position de Moscou, qui juge que cette décision renforcera le commerce de cette drogue à l'échelle internationale, y compris sur son territoire. Car si la drogue est achetée légalement au Canada, elle pourrait être exportée illégalement vers d'autres pays, que ce soit par voie aérienne ou maritime. Justin Trudeau avait pourtant assuré que la légalisation visait d'abord et avant tout à combattre le crime organisé…
«En torpillant consciemment le régime international de contrôle des stupéfiants, le gouvernement canadien crée le plus grand marché de drogues du monde, qui malgré toutes les affirmations et les mesures envisagées visant à prévenir l'exportation de cannabis hors des frontières nationales, provoquera certainement une hausse considérable de son trafic vers d'autres États, y compris ceux qui respectent strictement l'esprit et la lettre des conventions», affirme le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans ce communiqué.
La Fédération russe considère aussi que le gouvernement libéral de Justin Trudeau viole trois grandes conventions internationales. Premièrement, il contreviendrait à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Deuxièmement, il violerait la Convention sur les substances psychotropes de 1971. Enfin, le gouvernement canadien enfreindrait la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants de 1988.
«Nous sommes convaincus que cet acte législatif va à l'encontre de la juridiction internationale en matière de contrôle des stupéfiants», écrit la diplomatie russe dans le communiqué diffusé par son ambassade d'Ottawa. Le gouvernement canadien «applique de manière sélective les textes juridiques multilatéraux et contraignants», expliquent les Russes.
Une violation de certaines conventions internationales
Le 22 juin dernier, le gouvernement russe avait déjà fait part de ses inquiétudes concernant la future légalisation cannabis au Canada. La Russie avait aussi appelé l'ONU à se pencher sur le dossier.
Un communiqué publié sur le site Internet du ministère russe des Affaires étrangères explique que le projet de Justin Trudeau deviendrait «un obstacle sérieux à la réalisation de l'objectif stratégique fixé par la communauté mondiale, à savoir la construction d'une société sans drogue.»
Contacté par l'Agence France Presse, le Ministère canadien des Affaires étrangères a réagi à la nouvelle. Ses représentants affirment que la légalisation ne changerait pas sa «détermination à respecter les objectifs des conventions des Nations unies sur les drogues et à protéger la santé et la sécurité» des Canadiens. Le Ministère assure que le Canada continuera à travailler avec les autres pays pour lutter contre le fléau de la drogue.
Pour obtenir des précisions sur cette affaire, Sputnik s'est entretenu avec un représentant de l'ambassade russe au Canada. La mission diplomatique se dit étonnée de voir comment le Canada interprète les Conventions internationales évoquées plus haut.
Pour le Canada, la légalisation ne change rien…
La position de l'ambassade est claire: la Russie respecte entièrement la souveraineté du Canada, mais elle ne peut ignorer les conséquences de ce projet de loi à l'échelle mondiale. La Russie se doit aussi d'étudier les aspects juridiques de la légalisation dans la perspective du droit international.
L'ambassade de Russie au Canada a réitéré que la légalisation du «pot» représentait un danger pour le contrôle du trafic de stupéfiants dans le monde. Un point de vue qui est celui de la Direction principale du contrôle des drogues du ministère des Affaires intérieures de la Russie. C'est également l'avis du Secrétaire du Conseil de sécurité russe, M. Nikolaï Patrouchev.
«En légalisant cette drogue au Canada, bien sûr que la possibilité de trafic de cannabis va augmenter vers d'autres pays, dont la Russie. Le marché libre du cannabis est un danger à l'international. Les services frontaliers russes vont travailler à implanter des mesures supplémentaires, notamment dans les aéroports», a affirmé le représentant de l'ambassade russe au Canada.
Pour contrer le trafic de drogues sur son territoire, la Russie s'appuiera sur ses services frontaliers. Le représentant de l'ambassade russe au Canada explique pourquoi ce serait nécessaire, selon Moscou:
«Il y a du trafic illicite de drogue qui transite ou qui arrive en Russie. Même s'il est interdit d'exporter les drogues légales, il y a un danger qui reste. Il y a des gens trop entreprenants. Des gens peuvent acheter des drogues légalement et les exporter ensuite malgré les interdictions. Il nous faut une digue.»
Le Canada et la Russie entretiennent des relations diplomatiques difficiles, surtout depuis le rattachement de la Crimée au territoire russe en 2014. Le dossier du cannabis ne devrait donc pas réchauffer l'atmosphère entre ces deux pays, parmi les plus froids au monde.