Le Canada passe de la parole aux actes et confirme l’imposition de sanctions commerciales de 16,6 milliards contre les États-Unis en représailles aux tarifs douaniers américains dans l’acier et l’aluminium. Disant adopter ces contre-mesures « à regret », Ottawa réitère son espoir d’en arriver finalement à une entente négociée avec Washington, mais avertit, du même souffle, qu’il sera encore prêt à répondre à une extension du conflit, notamment à l’industrie de l’automobile.
« Nous ne provoquerons pas d’escalade, mais nous ne reculerons pas non plus », a prévenu vendredi la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, lors de l’annonce, dans une aciérie ontarienne, des contre-mesures qui entreront en vigueur dimanche, 1er juillet, fête nationale du Canada. Le gouvernement fédéral a dévoilé, par la même occasion, une série de mesures d’aide aux entreprises et aux travailleurs canadiens touchés par le conflit totalisant 2 milliards.
Les représailles canadiennes font suite à la levée par le gouvernement Trump, le 1er juin, de l’exemption dont bénéficiaient jusque-là le Canada, le Mexique et l’Union européenne face à des droits d’importation de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium imposés par Washington au reste du monde depuis le mois de mars au nom de la défense de la sécurité nationale. Ottawa avait immédiatement dévoilé une liste de produits américains qui s’exposaient à des contre-mesures équivalentes. La liste définitive de plus de 200 produits importés des États-Unis dévoilée vendredi a été établie après consultation auprès des compagnies canadiennes directement concernées afin de s’assurer que ces dernières peuvent se tourner vers des solutions de remplacement produites au Canada ou importées d’autres pays.
Outre des produits d’acier et d’aluminium, frappés de tarifs semblables à ceux des États-Unis, les autres importations américaines qui se verront imposer des tarifs de 10 % ont notamment été choisies en raison de leur importance économique dans des régions où le Parti républicain du président Trump compte de nombreux électeurs, comme le Kentucky (bourbon et cartes à jouer), l’Ohio (machines à laver, papier de toilette et chandelles), la Floride (oranges et bateaux de plaisance) ou l’État de Washington (café). La Chine, l’Union européenne et le Mexique ont fait de même avec leurs propres représailles commerciales contre les États-Unis.
Ottawa assure, par ailleurs, avoir pris les dispositions nécessaires afin d’empêcher que les nouvelles barrières commerciales américaines provoquent un détournement des flux commerciaux et que le marché canadien soit victime d’un dumping des exportations d’autres pays.
Le chaud et le froid
Chrystia Freeland a cherché, vendredi, à garder dans cette affaire un ton à la fois conciliant et ferme. « C’est avec regret que nous prenons ces contre-mesures », a-t-elle assuré, soulignant que ces représailles sont une « réponse directe, mesurée et proportionnelle » aux tarifs américains. Et que face aux mesures « protectionnistes et illégales » du gouvernement américain, « le Canada n’a d’autre choix que de [se] défendre […] et nous le ferons avec fermeté. L’unique solution à ce différend malheureux et sans précédent est l’élimination des droits imposés par les États-Unis sur notre acier et notre aluminium ».
La ministre a réitéré sa conviction que le « bon sens » finira par prévaloir dans cette affaire. Elle a notamment dit compter sur une accélération de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) aussitôt passées les élections présidentielles mexicaines, ce week-end, et rapporté avoir eu une bonne demi-douzaine d’échanges avec le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, « cette semaine seulement ».
Prêt à une escalade
Elle a toutefois mis en garde la Maison-Blanche contre l’idée d’étendre la guerre commerciale au secteur de l’automobile, comme il en est question à Washington depuis quelques semaines. Une telle action contre le Canada serait encore plus « absurde » que les tarifs dans l’acier et l’aluminium compte tenu de l’intégration étroite de cette industrie en Amérique du Nord, a-t-elle fait valoir. Rappelant que sur les enjeux commerciaux la position de son gouvernement face à Donald Trump était « d’espérer pour le mieux et de se préparer pour le pire », elle a promis que, comme dans le dossier de l’acier et de l’aluminium, Ottawa ne resterait pas longtemps les bras croisés s’il venait à la Maison-Blanche l’envie d’élever des barrières commerciales dans l’automobile. « Nous sommes pas mal prêts à réagir à n’importe quelle situation. »
Interrogés par les journalistes sur l’impact que pourrait avoir le conflit actuel sur les travailleurs canadiens, les deux autres ministres fédéraux qui l’accompagnaient ont préféré éviter la question. La plupart des experts conviennent généralement que les tarifs annoncés jusqu’à présent auront un impact direct relativement marginal sur l’économie, mais que la menace d’escalade et l’incertitude ambiante infligent déjà des dommages beaucoup plus importants. Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a indiqué mercredi que l’affaire était devenue le principal facteur déterminant la prochaine décision de politique monétaire. Selon plusieurs économistes, la crise aurait même augmenté les risques de récession mondiale.
Le gouvernement du Québec est satisfait des mesures annoncées aujourd’hui par le gouvernement fédéral visant à appuyer les entreprises et les travailleurs des industries de l’aluminium et de l’acier. Ces mesures sont analogues aux actions du gouvernement du Québec en réponse aux charges protectionnistes du gouvernement américain. « Pour être pleinement efficaces, les mesures du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral se doivent d’être arrimées. Le gouvernement du Québec compte mettre à contribution sa connaissance approfondie des industries québécoises de l’aluminium et de l’acier pour fournir rapidement de l’aide aux entreprises et aux travailleurs qui en ont besoin », peut-on lire dans le communiqué. Le gouvernement du Québec parle d’une réponse nécessaire et proportionnée aux mesures protectionnistes américaines, qui sont une attaque frontale à l’économie du Québec. « Le Québec entend continuer à travailler de concert avec le gouvernement fédéral et les autres provinces et territoires, notamment dans le cadre des contestations devant les instances de l’Accord de libre-échange nord-américain et de l’Organisation mondiale du commerce. L’objectif est partagé par tous : obtenir l’élimination complète et permanente des tarifs sur l’aluminium et l’acier. » Pour sa part, Dominique Anglade, ministre de l’Économie, a rappelé que « nous avons rendu disponible une somme de 100 millions par l’entremise du programme ESSOR afin d’accompagner les transformateurs et de nous assurer qu’ils ont les liquidités disponibles pour continuer à exporter. Nous allons poursuivre la défense de nos industries de l’aluminium et de l’acier coûte que coûte, et ce, pour les plus de 30 000 travailleurs et leur famille qui en dépendent. »
EXEMPLES DE PRODUITS VISÉS
Des tarifs de 25 % seront imposés sur des produits industriels de fer ou d’acier, alors que des tarifs de 10 % seront imposés sur une liste plus vaste de produits de consommation.
Exemples de marchandises qui seront visées par cette surtaxe de 10 %
- Produits alimentaires (yogourt, café torréfié, certains plats cuisinés et des préparations en conserve)
- Produits du sucre et de sirop d’érable (caramel, chocolat en tablettes, en barres ou en bâtons)
- Autres produits alimentaires (pizza, quiche, concombres, confiture de fraises)
- Des condiments (comme la sauce de soja, le ketchup, les vinaigrettes, la mayonnaise et les sauces)
- Des préparations pour soupes, l’eau embouteillée et le whisky
- Des produits d’hygiène personnelle (laque pour cheveux, crème de rasage, savon et papier hygiénique)
- Des produits d’entretien ménager, comme ceux pour parfumer ou pour désodoriser et le détergent pour lave-vaisselle.
- Des électroménagers (cuisinière, laveuse, refrigérateur) et appareils d’entretien extérieur (tondeuses);
Une foule d’autres produits d’usage personnel ainsi que de nombreux objets fabriqués en aluminium figurent aussi sur la liste définitive.
QUÉBEC SATISFAIT
Le gouvernement du Québec est satisfait des mesures annoncées aujourd’hui par le gouvernement fédéral visant à appuyer les entreprises et les travailleurs des industries de l’aluminium et de l’acier. Ces mesures sont analogues aux actions du gouvernement du Québec en réponse aux charges protectionnistes du gouvernement américain.
« Pour être pleinement efficaces, les mesures du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral se doivent d’être arrimées. Le gouvernement du Québec compte mettre à contribution sa connaissance approfondie des industries québécoises de l’aluminium et de l’acier pour fournir rapidement de l’aide aux entreprises et aux travailleurs qui en ont besoin », peut-on lire dans le communiqué. Le gouvernement du Québec parle d’une réponse nécessaire et proportionnée aux mesures protectionnistes américaines, qui sont une attaque frontale à l’économie du Québec.