Je regarde, j’écoute, je désespère pas mal, je souris un peu et, pour tout dire, je m’ennuie devant cette campagne électorale terriblement provinciale, tandis que je me trouve encore dans la mienne à pelleter pour dégager la voiture supposée m’aider à me déplacer jusqu’à la ville.
Il apparaît que le Parti québécois se plaît beaucoup à lui-même en baignant une fois de plus dans l’illusion de son pouvoir à titre de gouvernement de province. Je regarde madame Marois se battre bec et ongles pour convaincre qu’elle sait gouverner dans cet esprit-là. Il est pourtant clair qu’elle sait le faire aussi mal que les autres.
Bien qu’au pouvoir depuis 2012, la première ministre ne portait pas l’indépendance au rang de ses préoccupations quotidiennes. Elle ne s’y retrouve pas plus maintenant. Pierre Karl Péladeau n’en aura parlé qu’à son entrée en piste, porté par un effet de nouveauté aussitôt jugulé au nom de l’impérieuse nécessité de ne proposer aux électeurs qu’un bon gouvernement provincial.
Qui peut seulement croire que soudain, s’il est réélu, le PQ se mettra à faire autre chose que d’agiter encore quelques potions populistes susceptibles de maintenir les illusions dont il se flatte ? Il ressemble beaucoup en cela aux hommes forts d’autrefois qui criaient de les retenir pour que leur colère ne se déchaîne pas. En fait, on sait qu’ils se retenaient très bien eux-mêmes, sachant trop bien que l’illusion de la force s’évanouit hors du théâtre.
Avant, pendant et après les élections, le PQ n’a vraiment été indépendantiste que sous Jacques Parizeau, soit durant une très courte période de son histoire. C’était il y a longtemps déjà.
Madame Marois le répète : sa priorité à elle est de gouverner. Les Québécois ne sont pas prêts à un référendum, dit-elle, s’excusant du coup de ne pas l’être davantage. Depuis le temps, on comprend qu’il ne faut pas trop compter sur elle pour les y préparer.
La mission première de ce parti n’était pourtant pas de gouverner mieux ou moins bien que les autres, mais plutôt de proposer de sortir de ce carcan provincial. À défaut de quoi le PQ se retrouve sous la protection de la loi de l’inertie pour ne proposer que l’alternance sans espérance.
Au soi-disant débat des chefs, Françoise David avait presque l’air d’une indépendantiste décidée devant Pauline Marois. Quand on sait à quel point Québec solidaire n’a jamais fait de l’indépendance une priorité, c’est dire !
Il s’en trouve tout de même encore pour croire et faire croire que cette administration très provinciale, dont l’analyse révèle qu’elle est fort semblable aux autres, se dirige tout droit vers un référendum !
Toujours est-il que monsieur Couillard m’apparaît bien malhonnête d’affirmer que madame Marois se tient prête à déclencher un référendum. Voyons donc ! Madame veut avant tout être première ministre d’une province. Elle ne se voit pas vraiment en chef d’État. Et elle a raison.
Pendant ce temps, Stephen Harper se prosterne à qui mieux mieux devant la reine Élisabeth. En Espagne, dans le cadre d’une conférence, Stéphane Dion explique, comme si de rien n’était, que le Canada fédéral a trop donné à sa minorité du Québec. Nous, dressés en bons provinciaux, ces affaires-là ne nous touchent pas ! On préfère ne pas trop en parler. Que nous sommes brillants !
Comment expliquer qu’une aussi forte proportion de Québécois en soit arrivée à avoir plus peur de débattre de leur avenir que de perpétuer des régimes qui s’engraissent à nos dépens ?
Je suis injuste. Je le sais bien. Car vous remarquez comme moi que le PQ n’est pas seul à faire du surplace provincialiste.
Après s’être écrasé à répétition à la suite de ses sauts périlleux dans le vide du fédéralisme canadien, le Parti libéral du Québec se contente désormais de croire que ses multiples fractures lui ont appris à se tenir bien droit. Loin de lui désormais l’idée d’assainir les relations du Québec avec le Canada. Il a pris acte de la suite de ses déconvenues et propose comme solution de les oublier tout en poursuivant son oeuvre, commission Charbonneau ou pas.
Tant pour les libéraux que les souverainistes, le projet inachevé des années 1960 conduit désormais à tourner en rond. Arpenter année après année pareil sentier battu n’ouvre pas de nouvelles avenues.
Péquistes et libéraux se retrouvent donc dos à dos, dans un espace clos où ils nous invitent à les rejoindre, encore une fois. L’un et l’autre piétinent au nom du marché, de la mondialisation et d’une gouvernance à la petite semaine.
Dans l’éventail d’idées que les partis sont censés représenter, rien d’étonnant à ce qu’on sente désormais beaucoup d’air.
À défaut de pouvoir profiter d’une politique vivante, faut-il s’habituer de vivre avec pareils fantômes ?
Tout ce vent aura emporté au loin les revendications très sonores du printemps 2012. Pourtant s’exprimait là, notamment dans l’immense manifestation du Jour de la Terre, quelque chose qui en appelait à un pays nouveau, dans toute la densité de son être réel. Faut-il désespérer à jamais de connaître quelque chose de plus riche que tous les pauvres spectres des peurs de l’Autre élevés sur les grands autels du commerce mondialisé et de la nation ?
Faute d’avoir vu ce vaste mouvement populaire du printemps 2012 traduire ses visions en termes électoraux raisonnés, on retourne donc à la case départ, soit les vieilles insignifiances du provincialisme le plus crasse.
Reste qu’à long terme, « ça ne pourra pas toujours ne pas arriver », disait Gaston Miron.
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