La position du missionnaire

Quand on n'y comprend rien, mais alors rien du tout... - L'Empire a tout intérêt à maîtriser le religieux, institutions et contenus, de façon à contrôler la loi "au-dessus du pouvoir"... devenue la loi morale inscrite dans nos coeurs... par nos maîtres... - Vigile


Chose promise, chose due: le gouvernement Harper va créer en ce début d'année un Bureau de la liberté des religions, annoncé en campagne électorale et défini lors de consultations tenues à huis clos en octobre. Le nouvel organisme, destiné à promouvoir ubi et orbi les droits religieux, relèvera du ministre des Affaires étrangères, John Baird.
Mais, en fait, l'idée vient d'ailleurs.
Il existe en effet aux États-Unis un tel Bureau (en plus d'une Commission) de la liberté religieuse dans le monde. De sorte que, l'expérience américaine aidant, on sait que c'est sur un véritable champ de mines que les conservateurs s'apprêtent à marcher.
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Plusieurs dangers menacent, en effet.
Le premier est que ce type d'organisme établisse une hiérarchie des droits promus à l'étranger, une échelle au haut de laquelle trônerait, aux dépens des autres, la liberté de religion.
C'est un avertissement qu'ont servi tout autant l'ex-secrétaire d'État des États-Unis, Madeleine Albright, qu'Amnistie internationale Canada. Cet écueil est d'autant plus «sensible» chez nous que tout le dossier des accommodements raisonnables ainsi que diverses décisions de la Cour suprême ont eu pour effet de hiérarchiser les droits exactement de cette façon - ce qu'on ne dénoncera jamais assez.
Deuxième danger: que, dans les faits, un tel Bureau adopte la... position du missionnaire. C'est-à-dire qu'il fasse du prosélytisme au profit des dénominations chrétiennes.
Chez nos voisins du Sud, au sein même du département d'État qui le chapeaute, on a souvent reproché une telle déviance au Bureau américain de la liberté religieuse. Ici, peu de citoyens apprécieraient que, cédant aux lobbies religieux qui grouillent autour de lui, le gouvernement Harper pervertisse ainsi l'action de l'État canadien à l'étranger.
Enfin, mêler État et religion dans les relations internationales est une entreprise à haut risque. Agir objectivement en cette matière est en effet pratiquement impossible: le pire ennemi de la religion est la religion elle-même.
Pour ne parler que des derniers jours de 2011, relevons ceci. Les islamistes ont tué une cinquantaine de chrétiens au Nigeria depuis la veille de Noël. En Irak, ils menacent tant et si bien les catholiques que ceux-ci ont dû célébrer Noël sous haute sécurité. En Égypte, ils s'en prennent aux coptes, le plus récent affrontement majeur s'étant produit il y a quatre jours. En Israël, la tension monte alors que des juifs orthodoxes se battent contre l'État et la société civile pour maintenir le statut inférieur de la femme dans l'espace public - belle illustration du duel des droits évoqué plus haut.
Enfin, si tant est qu'on puisse en rire, des prélats des Églises chrétiennes grecque et arménienne se sont battus à coups de balais (!) en pleine église de la Nativité, à Bethléem...
En somme, on ne voit pas au juste quels bienfaits pourrait apporter à l'humanité un Bureau canadien de la liberté des religions... à moins qu'il ne se consacre à promouvoir le respect des droits et libertés que le fait religieux heurte, blesse, détruit, à travers la planète.
Mais ce n'est évidemment pas la mission qu'on entend lui confier.


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