L’annonce de la baisse du taux directeur par la Banque du Canada n’a pas surpris grand monde, hier. Même si le gouverneur n’a pas voulu prononcer le mot « récession », c’est bien de cela dont il s’agit. La chute des prix du pétrole a plongé le Canada en récession et a entraîné avec lui le dollar canadien, qui ne pèse plus que 77 cents par rapport au dollar US. Tant pis pour les vacances dans le Maine!
Le dollar canadien, comme un yoyo
Le dollar canadien joue au yoyo depuis des années, suivant en cela le prix du pétrole, qui est le vrai déterminant de la valeur de la monnaie canadienne. Cette instabilité nuit considérablement à l’économie québécoise. Il y a du bon quand le dollar est fort, ce qui permet d’acheter à meilleur prix des biens importés et surtout, des biens de productions (des machines) qui permettent d’augmenter la productivité de nos entreprises. Il y a aussi du bon dans un dollar faible, ce qui permet de vendre nos produits à meilleur prix sur le marché américain.
Une monnaie décrochée de l’économie québécoise
Mais il n’y a aucun avantage pour nos entreprises et notre économie à gérer la forte instabilité du dollar canadien. Quand il est élevé, les entreprises tentent de s’adapter et ça prend du temps. Au moment où elles y arrivent, plouf! Le dollar replonge. Elles repartent alors à l’assaut des parts de marchés étrangers qu’elles avaient perdues et juste quand elles y arrivent, hop! Le prix du pétrole remonte et le huard avec.
Dans un pays normal, les fluctuations de la monnaie sont le reflet de l’économie. Or, pour le Québec qui ne produit pas de pétrole, les soubresauts du dollar canadien n’ont aucun lien avec son économie. Le secteur de l’extraction minière et de pétrole ne compte que pour 1 % de l’économie. Et pourtant, c’est bel et bien ce secteur qui détermine en bonne partie le comportement de notre monnaie.
Le véritable risque économique pour le Québec
Depuis des décennies, nous entendons les fédéralistes répéter que l’indépendance du Québec est synonyme d’incertitude et d’instabilité pour l’économie. Le projet de faire du Québec un pays est ainsi présenté comme un risque, d’autant qu’en demeurant dans le Canada, le Québec peut continuer de toucher la fameuse péréquation.
Il me semble que c’est plutôt le contraire. Le véritable risque économique pour le Québec, c’est demeurer une province du Canada, soumise aux décisions économiques et à la politique industrielle du gouvernement canadien et à l’instabilité systémique de sa monnaie.
Les secteurs de la finance et du transport concentrés à Toronto. Les chevauchements administratifs qui nous coûtent des milliards. L’aide à l’industrie de l’auto en Ontario. L’aide fiscale pour le pétrole de l’ouest. L’absence de politique manufacturière fédérale. Des contrats de construction navale payés (en partie) par le Québec, mais qui enrichissent la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse. La construction d’un pipeline sur le territoire québécois pour exporter du pétrole bitumineux, ce qui ne va qu’accentuer le poids du pétrole dans l’économie canadienne.
Tout cela nous coûte bien plus cher que ce que rapporte la péréquation, qui n’est finalement qu’un marché de dupe. Quant à l’instabilité économique, la prochaine fois que vous entendrez un fédéraliste affirmer que l’indépendance est synonyme d’instabilité, pensez au yoyo monétaire canadien.
La piastre à Harper
Comme province, le Québec n’a pas le choix. Il doit vivre avec une monnaie arrimée au prix du pétrole, complètement déconnectée de sa propre économie, qui nous fait perdre des milliers d’emplois et beaucoup de richesse. Comme pays indépendant, le Québec aura le choix. Au moment de la transition, il pourra conserver la monnaie canadienne, le temps de mettre sur pieds un institut monétaire, embryon de la future Banque du Québec.
Cet institut pourra étudier les meilleures options pour l’économie québécoise à l’aide simulations et faire des recommandations. Une monnaie québécoise. Une monnaie québécoise arrimée à un panier de devises ou encore au dollar américain, notre principal partenaire économique. Parions que le pire scénario serait de conserver le yoyo canadien.
Dans les années 70, quand fut évoquée la création d’une monnaie québécoise, les fédéralistes s’étaient moqués en parlant de la « piastre à Lévesque », qui ne vaudrait que 75 cents américains. Il me semble qu’aujourd’hui, nous pourrions leur envoyer la pareille, en parlant de la « piastre à Harper ». Et si le gouvernement fédéral change de couleur, ça n’y changera rien, puisque Mulcair et Trudeau sont eux aussi déterminés à soutenir l’industrie du pétrole bitumineux en Alberta. La piastre à Mulcair, ça sonne bien. La piastre à Trudeau, ça sonne encore mieux, comme une douce revanche posthume de René Lévesque et Jacques Parizeau.
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