La colère gronde à Québec. Dans trois jours, le vénérable zoo, fondé en 1931, fermera définitivement ses portes. Dans le Journal de Québec, mon collègue J. Jacques Samson a stigmatisé le ministre des Transports, Michel Després, responsable de la région, qu'il a présenté comme le «bras vengeur du gouvernement contre ses commettants».
Heureusement pour le PQ, on semble avoir oublié que le premier responsable des malheurs du zoo est Bernard Landry, qui avait refusé une subvention fédérale de 17 millions, il y a cinq ans, parce qu'il ne pouvait pas supporter l'idée d'y voir flotter un «bout de chiffon rouge» orné d'une feuille d'érable.
Depuis les élections d'avril 2003, Québec a perdu deux «gros» ministres, Marc Bellemare et Sam Hamad, le premier parti sans gloire, le second expulsé du cabinet pour incompétence. Margaret Delisle fait sans doute du bon travail pour la réforme de la protection de la jeunesse, mais il n'y a pas de véritable leader gouvernemental dans la capitale.
Aux dernières élections fédérales, le Bloc québécois a appris à ses dépens que personne ne pouvait la tenir pour acquise. Au niveau provincial, Jean-Talon est la seule circonscription qui n'ait jamais fait défaut au PLQ depuis plus de quarante ans. Au moment où le gouvernement Charest s'apprête à entrer dans la quatrième année de son mandat, Québec est une véritable «ville ouverte».
Aussi bien au PQ qu'au Bloc, on s'interroge sur la façon de fidéliser une région où le camp du oui a connu sa plus grande déception lors du référendum de 1995 et dont pourrait encore dépendre l'issue du prochain. Deux siècles et demi après la Conquête, le destin du Québec et du Canada semble toujours indissociable des Plaines d'Abraham.
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Les travaux des sociologues Gilles Gagné et Simon Langlois, de l'Université Laval, ont de quoi préoccuper les souverainistes. Dans un article publié dans L'Annuaire du Québec 2006, ils ont mesuré le déclin considérable du oui dans la région de la capitale depuis 1995. Quelle que soit l'explication de «l'énigme de Québec», il demeure que le «berceau de l'Amérique française» est en voie de devenir la région où les francophones sont les moins souverainistes.
Depuis dix ans, tous les efforts ont été dirigés vers la région de Montréal, plus précisément vers les communautés culturelles. Il fallait se faire pardonner la malheureuse phase de Jacques Parizeau et faire en sorte que les Québécois issus de l'immigration cessent d'être la chasse gardée des partis fédéralistes.
Malgré des signes encourageants, il est difficile de voir s'il y a réellement une percée souverainiste dans les communautés culturelles. Les quelques victoires électorales dont le Bloc ou le PQ se sont enorgueillis semblent résulter davantage de l'abstention d'électeurs traditionnellement fédéralistes que d'une adhésion au projet souverainiste.
Une chose est cependant certaine: sur l'île de Montréal, le PQ peut difficilement espérer arracher des circonscriptions aux libéraux. Il s'agit plutôt de conserver ses acquis, tandis que le retour au pouvoir passe par une véritable reconquête de Québec.
À Montréal, on ne mesure pas à quel point la capitale est jalouse de ses prérogatives ou alors on se moque de ses prétentions. Il suffit qu'un dignitaire étranger soit reçu dans la métropole pour déclencher un drame. Pour calmer les esprits, l'attaché de presse du premier ministre Charest doit faire le décompte des jours où il couche dans son appartement de fonction et dans sa résidence de Westmount.
Malgré les gorges chaudes qu'on avait faites quand le couple Parizeau avait emménagé au 1080, avenue des Braves, Québec a la nostalgie de l'Élysette. Le président de la Chambre de commerce voudrait maintenant acheter une nouvelle maison qui ferait office de résidence officielle, mais M. Charest refuse à l'avance de s'y installer.
À l'époque, M. Parizeau avait misé sur l'effet d'entraînement de sa présence permanente dans la capitale pour donner un aperçu de ce qu'elle pourrait devenir si le Québec devenait un État souverain, mais l'expérience avait été de trop courte durée pour avoir l'effet pédagogique souhaité.
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Ce qui est vrai du chef du gouvernement l'est aussi du chef de l'opposition. À plus forte raison s'il n'est pas membre de l'Assemblée nationale. Les seuls bureaux dont dispose présentement André Boisclair sont situés à la Place Ville-Marie.
N'ayant pas les mêmes contraintes familiales que Jean Charest ou Lucien Bouchard, il lui serait plus facile de s'installer à Québec, s'il devenait premier ministre. Certains le voient même candidat dans Louis-Hébert, mais le chef du PQ s'est engagé à faire sa rentrée à l'Assemblée nationale dès l'automne prochain, et M. Hamad n'a pas encore signifié son intention de partir.
Pour modifier l'image de parti montréalais qui, à tort ou à raison, demeure accolée au PQ, on évoque aussi la possibilité de déménager la permanence du parti à Québec. Les locaux de la rue Papineau où elle est installée depuis des années sont d'ailleurs aussi chaleureux qu'un igloo.
Cela comporterait sans doute quelques inconvénients sur le plan de la logistique, mais le message serait clair. Des trois partis représentés à l'Assemblée nationale, le PQ deviendrait le seul à avoir son quartier général dans la capitale. Le dernier a avoir eu pignon sur la Grande-Allée était la défunte Union nationale.
Dans un texte publié dans Le Soleil, la semaine dernière, le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, écrivait: «Se doter d'une vraie capitale pour un vrai pays insufflera davantage de vitalité à la région que recréer une Élysette provinciale...» Peut-être, mais il faut bien commencer quelque part.
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