Je lis les articles et chroniques, de même que les tribunes libres de Vigile. Après analyse, je me dois de vous inviter à relire un texte de Armand Vaillancourt publié lors de son scandale sur les ondes de Radio-Canada.
Bonne lecture.
Renaud Guénette, 28 mai 2009
***
Manifeste de Armand Vaillancourt
Il n’y a plus grandes paroles à dire.
Il ne nous reste que l’action consentie, réfléchie, ordonnée.
La veille de l’émission «Appelez-moi Lise»,
On me demande de ne pas y parler de politique.
En d’autres mots de ne pas y parler de la vie.
Mais de passer à l’émission et d’y faire le niaiseux.
Non merci, pas pour moi
La liberté de penser, c’est tout ce qui nous reste au Québec
Et même pas
Alors, cette pensée, gare à vous si vous osez la
Définir en parole, ou pire encore, en action
La vraie liberté n’est celle que l’on quémande
La seule vraie est celle que l’on arrache et c’est
De celle-là dont j’ai voulu parler
Voilà toute la signification de mon geste
Ce n’est pas moi qui me suis déshabillé
Ce geste, ce sont eux qui l’ont provoqué
Eux, les maquignonneux, les maniganceux de la droite réactionnaire
Ils m’ont provoqué
Par l’avalanche de leurs bêtises
Par la surcharge mensongère des jeux du système
Par leurs gestes exaspérants et répétés, leurs gestes calculés, rusés et coordonnés
C’est là toute la violence de la droite
Chez Lise Payette, cette violence est mondaine et séduisante
Violence qui force le peuple, les ouvriers à se révolter
Je pense aux gars de la United Air Craft, de Firestone, de la Canadian Gypsum et de Shellcast
Je pense à tous les camarades travailleurs qui nous montrent le chemin
Dans le jeu du système, on nous interdit de parler de la vie.
De la politique. On endort le bon peuple avec des émissions de ce genre.
On nous garde bien sous la main de fer fasciste.
Nous, les colonisés, les bafoués, les déshérités, les crottés,
Les porteurs d’eau.
Heureusement, ce système n’est pas parfait. Il s’y produit des failles.
Ces failles provoqueront d’autres failles plus grandes qui en creuseront de plus grandes encore
jusqu’à ce qu’enfin les barrages gigantesques éclatent.
Et alors plus rien au monde ne pourra contenir la débâcle.
Les eaux si calmes d’autrefois deviendront un enfer tumultueux.
Ces eaux reprendront leur liberté, la nature reprendra son élan initial, son équilibre.
Mais avant que cela n’arrive, il faudra que chacun de nous provoque sa petite faille.
Je ne suis pas donné en spectacle.
C’est la vie encore une fois qui a voulu revivre en moi.
Jaillir en un geste libérateur.
Ceux qu’encore une fois ils ont été leurrés.
Et pollués par l’entourage.
Il n’y a rien de plus pur qu’un geste pur et simple.
C’est ce que j’ai fait un vendredi soir
à Appelez-moi Lise.
La ruse, l’intimidation, la violence, l’hypocrisie, l’illusion
et le mensonge sont à la source des maux du 20e siècle.
La société exploite les masses.
Il faut alors voir la programmation malsaine de notre télévision.
Il faut alors voir la publicité crapuleuse et crasseuse qui rapporte de l’argent
à l’état et à l’entreprise privée.
Il faut nommer ces agressions.
Et savoir qu’elles nous abrutissent.
Si Radio-Canada m’a censuré, ce n’est surtout pas
à cause de mon geste spontané et vrai.
Tous les gens de la salle, du monde de notre cru, ne s’en sont
point scandalisé. Au contraire, certains ont loué mon geste.
C’est la contestation, l’action lucide, ma conscience
politique qui a décidé la haute direction, représentante
de la mafia Nixon, Trudeau, Bourassa, Desrochers, Drapeau et
leurs valets,
à rayer ma nudité sur les ondes, à censurer mes paroles.
Eux qui se dévouent à notre beau Québec, notre cher Québec,
notre foyer natal, notre terre promise qu’ils polluent grossièrement. Eux, les
responsables de cette émission merdeuse de Radio-Canada
comme la plupart des missions merdeuses de la société d’État
aussi merdeuses que toute la programmation merdeuse des autres stations du Québec.
Ça, c’est notre télévision à nous. Allez-y voir.
Le jour de l’ouverture du nouvel édifice de la rue Dorchester présidé par Trudeau,
aucun travailleur de cette radio et de cette télévision n’était à la grande fête.
Pas un machiniste. Pas un réalisateur. Personne. On a célébré entre boss et entre
grosses vedettes.
La liberté des pays capitalistes ?
Mensonge vulgaire et crapuleux de chiens
qui sont les résidus de la race humaine : capitalistes pourris,
désincarnés, grossiers, vulgaires, rats, mécréants d’un
système maudit et meurtrier.
Je vous dis que j’aime mieux poser un geste entier, sublime
plutôt que de flirter avec votre répugnante machine.
Je veux qu’ensemble, debout, nu de cœur, de corps,
d’esprit et d’âme,
sans crainte, sans haine, sans détour,
avec amour, compréhension, volupté, sincérité,
on puisse créer dans la joie,
se regarder sans flécher,
s’aimer sans se craindre,
se toucher sans pêcher,
s’embrasser sans se salir,
se parler les uns aux autres sans se mentir.
La nudité n’est vulgaire que dans les esprits médiocres
et impurs. Que dans les corps malsains et impotents.
Non, je ne suis pas gêné d’être nu.
Mon esprit à sang vif,
mon corps comme un bel instrument
ne se gênent pas du regard que l’on porte sur eux.
Que la liberté remplace la haine.
Que la justice remplace à jamais l’injustice.
Que le geste total, le don de soi, replacent le geste
calculé et raisonné.
Que le désintéressement confirme notre volonté de grandir, d’améliorer, de transformer.
Ce n’est pas le geste de m’être mis à nu devant tous que l’on a révoqué.
Ce sont les paroles qui ont accompagné ce geste, confirmant ma volonté
de justice sociale, de libération du Québec par la libération de la classe ouvrière.
Maudite censure du geste libre !
Il nous faudra continuer à lutter pour qu’ensemble on se libère du joug du
capitalisme privé et du capitalisme d’État.
Pour implanter chez nous une structure basée sur la justice,
l’égalité, la fraternité.
Pour retrouver, ressaisir nos richesses naturelles :
Pour repousser chez eux les maudits chiens d’Américains et leurs semblables.
La seule chance de nous en sortir
est de nommer «en québécois» nos besoins essentiels.
De redéfinir l’éducation.
De participer massivement à une économie autonome.
De développer la conscience des travailleurs.
De répartir équitablement les tâches et biens de production.
D’offrir à la population des services sociaux adéquats.
D’organiser des comités pour la défense de la révolution.
Mon geste va aussi contre l’hypocrisie américaine qui
par la voie de Kissinger
offre l’hospitalité à l’écrivain russe, prix Nobel de
la littérature, Alexandre Soljenitsyne.
Ce, alors qu’en Amérique seulement, il y a plus de
quatre cents prisons : camps de concentration sophistiqués (modern
style) où la majeure partie des prisonniers sont des défavorisés,
des noirs, des indiens, des Chicanos, des Québécois,
tous des révolutionnaires, des contestataires du système.
Cette mise à nu, je l’ai faite aussi contre notre sainte
mère la sainte Église et toutes les religions qui ont
bafoué nos connaissances avec la complicité du système.
J’ai une vie à vivre. Je veux la vivre debout.
Sans crainte et sans bavure.
Dans une émission comme «Appelez-moi Lise», on retrouve
tous les fins eux du système qui asservit le vedettariat.
Comme des marionnettes, les participants doivent se laisser impressionner
Se laisser manipuler pour avoir le droit d’être vus et entendus à
cette «prestigieuse» émission présentée coast to coast.
Ce geste spontané ce n’est pas moi qui l’ai provoqué.
Il me vint comme un vomissement qu’il fallait transcender,
après avoir vu cet apparat déployé.
Moi je ne marche pas.
Assez de la répression systématique que chacun de nous
doit subir.
Je fais le serment qu’ensemble, nous allons nous relever
et consacrer toute notre volonté, notre énergie, notre effort individuel
et collectif à la juste cause, la noble cause, l’inévitable cause
qui est notre libération à nous tous les Québécois.
Il faut nous aimer d’un amour sincère, vigoureux et passionné.
Il nous faut de façon inconditionnelle, nous atteler, nous appliquer
à la tâche.
Que chaque respiration, chaque geste, chaque pensée nous rapprochent
de la reconstruction de notre nation.
Que le Québec s’harmonise avec tous les pays en voie de libération.
En nous entraidant par un véritable pacte d’amitié profonde
basée non plus sur des paroles vides de sens,
mais bien sur des actions fécondes, franches et déterminantes. En partageant.
En ayant comme principe que le plus fort aide le plus faible.
En nous compromettant. En nous impliquant chacun pour le bien des autres.
En osant affirmer tout haut ce que l’on pense tout bas.
En dénonçant la bêtise. Le mensonge. La violence. L’hypocrisie.
En nous opposant ouvertement à toutes les occasions.
En les créant même.
En redéfinissant chacune de nos tâches à accomplir pour le bien de notre
peuple.
En nous inscrivant comme solidaires de cette grande armée des peuples
sous-développés où la misère, le désarroi, les guerres, les maladies,
la famine règnent.
Situations meurtrières créées par les usuriers, les vendus, les assasins
que sont les Rockfeller, les Kennedy, les Onassis, les Ford, les Bronffman,
les Desmarais, les Power Corporation, les Simard, les O’Connell, etc…
Ce ne sont sûrement pas nos politiciens qui
pourront se mettre à nu devant nous,
eux, ces baiseurs du peuple.
Mon geste proteste contre la médiocrité, la fine manipulation,
le coulage et le gaspillage de nos énergies
présentés dans une image polie, contrôlée, raffinée
et sophistiquée jusqu’à l’écoeurement.
Cette émission, pour ne parler que de celle-là,
en est une aliénante, aberrante dont les coûts
sont exorbitants.
Des millions de dollars dépensés à même l’argent du peuple.
À même nos deniers.
Il lui en faut de la médiocrité à notre bonne Lise Payette
pour se plier au jeu du système.
Il y eut ce vendredi-là un exemple d’entrevue stérile
avec le plus bel homme du Canada, modèle 73.
Il y eut ce jeu de la cravate de fourrure entre Fauteux
et Payette dans un scénario décadent impliquant un
début de strip-tease.
Et que dire de ces multiples commerciaux dédiés aux
spaghettis, aux sports organisés, aux loteries et à ces
sauces à la viande.
De ces commerciaux que personne ne veut voir
mais que tout le monde subit.
Pour voir notre héroïne nationale.
Lise et commerçants, vous êtes les usuriers du peuple.
Vos jours sont comptés.
Ces produits infects que vous nous offrez,
Vos nourritures malsaines, nous les rejetons.
Toute votre société de consommation doit sa survie au mensonge.
Pour vendre votre fromage, vous utilisez un slogan
Indépendantiste : «Le P’tit Québec, aux Québécois».
Que vous mesquins, profiteurs et assimilateurs !
Moi je dis le grand Québec aux Québécois.
La mémoire oubliée
un texte de Armand Vaillancourt publié lors de son scandale sur les ondes de Radio-Canada
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