Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

La loi 62, un minimum

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Or donc, le gouvernement Couillard a enfin réussi à faire voter son projet de loi 62 sur la dite «neutralité de l’État» (terme bien peu approprié, il faudrait y revenir, car ça fait longtemps que cette «neutralité» est formulée et adoptée), une loi centrée sur la prestation et la réception de services publics à visage découvert incluant, ô bonheur, les transports publics. Ma foi, c’était un minimum et, 10 ans après la Commission Bouchard-Taylor, c’est même un moins-que-minimum car les recommandations de cette Commission ne reviennent même pas dans cette loi 62. (Pour rappel : pas de port de signes religieux pour toute personne en position d’autorité). Sans doute faudra-t-il attendre encore 10 ans pour aller un peu plus loin que cela, c’est-à-dire que ce visage couvert soit interdit dans tout espace public. La loi ne vise pas seulement les voiles islamiques, mais aussi les cagoules et masques lors des manifestations, une bien bonne chose, entre vous et moi, pour faire cesser ou à tout le moins faire diminuer la casse. D’ailleurs, suite aux manifestations violentes qui ont eu lieu à Québec à la fin du mois d’août dernier, le maire Labeaume avait déclaré qu’il ne voulait plus de burqa, de niqab et de cagoule dans l’espace public, ce sur quoi le ministre Gaétan Barrette avait immédiatement déploré que Régis Labeaume ait effectué un lien entre les manifestants cagoulés et les femmes qui cachent leur visage avec un vêtement religieux»: désolée, mais la burka et le nikab, et même le tchador, ne SONT PAS des vêtements religieux mais culturels. C’est d’ailleurs pourquoi ils sont considérés par plusieurs comme un signe identitaire, voire même politique, sans compter qu’aussi bien dire que c’est de l’auto-exclusion sociale que de les porter.


Là où la faiblesse de la loi est la plus remarquable (et c’est ce qui explique l’unanimité des partis d’opposition qui ont tous voté contre), c’est qu’elle permet des accommodements raisonnables pour motifs religieux, en vertu de la Charte des droits et libertés. «Il est impossible d’empêcher quelqu’un de demander un accommodement, a affirmé le premier ministre. Ce qu’il faut faire, c’est déterminer les critères d’analyse et de prise de décision.» – Fort bien, mais redisons que la burka et le nikab ne sont pas des vêtements religieux mais culturels. La burka est d’origine  afghane, une tenue qui est devenue aux yeux du monde le symbole du régime des talibans en Afghanistan, qui l'ont rendue obligatoire. Dans les pays arabes, le nikab, qui ne laisse paraître que les yeux, s'est répandu sous l'influence de l'islam wahhabite. À noter que le tchador, d’origine iranienne, ressemble beaucoup aux anciens voiles des religieuses; il ne laisse paraître que l’ovale du visage, mais le laisse tout de même voir.


Quant à la question de déterminer «les critères d’analyse et de prise de décision», comme dit Couillard, il me semble que c’est déjà tout réfléchi, clairement posé et maintenant décidé: c’est le principe du vivre ensemble à visage découvert, point barre. Il ne s’agit pas, comme on le prétend au gouvernement fédéral et que le prétend Denis Coderre à Montréal, «d’imposer à des femmes une façon de s'habiller ou de ne pas s'habiller», ou de leur dire comment s’habiller. Il suffit tout simplement de leur dire qu’ici, on circule à visage découvert. Elles ne sont pas sottes au point de ne pas se plier à ce principe et à se condamner à rester enfermées chez elles. Saviez-vous qu’en France, il n’est pas permis d’aller travailler avec un voile, même le moins pire, le hidjab, qui ne couvre que les cheveux, et que celles qui le portent à l’extérieur l’enlèvent en mettant le pied sur leur lieu de travail, mais le remettent à la sortie? Double contrainte pour ces femmes, de la part de la société et, surtout, de leur milieu. N’est-ce pas cette deuxième contrainte qui devrait disparaître?


 


 



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé