La justesse d’une cause

Désobéissance civile - Printemps québécois



Angleterre, le 29 janvier 1996 : aux petites heures du matin, trois femmes entaillent nerveusement la clôture qui entoure une usine de la British Aerospace, à Warton dans le Lancashire. Évitant d’abord un garde qui fait sa ronde, elles s’approchent d’un hangar et en forcent la porte, sous la lentille des caméras de sécurité. Elles y trouvent l’appareil qu’elles cherchent : un chasseur-bombardier Hawk ZH955, peint aux couleurs de l’Indonésie.
Elles sortent leurs marteaux et se mettent à frapper méthodiquement sur les composantes militaires : arrimages pour les bombes, systèmes de guidage et autres instruments du cockpit. La tâche accomplie, elles décorent l’habitacle de photos de victimes d’une invasion meurtrière menée quelques années plus tôt par l’armée indonésienne au Timor oriental, une petite île au nord de l’Australie où plus du tiers de la population a été massacrée. Elles laissent également une cassette vidéo sur le siège de pilotage.
Elles s’attaquent ensuite au fuselage, qu’elles se surprennent de voir si facilement s’éventrer sous les coups. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, la nervosité est disparue et l’appareil est en piteux état. De toute évidence, les agents de sécurité ne les ont pas repérées. Elles téléphonent donc aux médias et demandent à ce qu’on alerte l’entreprise… sachant bien ce qu’elles risquent : au moins dix ans derrière les barreaux.
Arrêtées, détenues, puis accusées de conspiration criminelle ayant causé des millions de dollars de dommages, elles seront plus tard acquittées. La décision historique du jury sera motivée en partie par divers témoignages importants, dont celui de José Ramos-Horta, aujourd’hui Nobel de la paix et président du Timor oriental devenu indépendant, ainsi que par la vidéo laissée dans le cockpit. Celle-ci montrait entre autres des images du massacre de 272 personnes, perpétré en 1991 par l’armée indonésienne au Timor oriental.

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Philippe Duhamel2 articles

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Militant, formateur et organisateur

L’auteur, militant, formateur et organisateur spécialiste de l’action non-violente et de la désobéissance civile, est membre fondateur de nombreux groupes dont SalAMI et collabore au projet « Nouvelles tactiques pour les droits humains »





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