La semaine n'est pas terminée qu'elle s'annonce d'ores et déjà comme une des plus sanglantes dans l'histoire récente de l'Irak. En effet, à peine le leader religieux chiite Moqtada al-Sadr ordonnait-il la démission des ministres portant ses couleurs qu'une chaîne d'explosions retentissait. Son origine? Sunnite.
La chronologie du dernier épisode de la tragédie irakienne a débuté lorsque le populaire Sadr a indiqué qu'il n'était plus question de collaborer à l'administration des affaires. On s'en doute, il fragilisait du coup le gouvernement du premier ministre al-Maliki, qui doit par ailleurs craindre que cette politique de la chaise vide soit suivie d'un autre mot d'ordre. Lequel? Que les députés du camp Sadr s'abstiennent de voter au Parlement. Sans leur soutien, la survie de Maliki ne tiendra qu'à un fil.
Ce retrait des affaires courantes voulu par un leader dont on ne sait pas s'il est toujours en Irak ou réfugié en Iran découle essentiellement de la réorientation de la stratégie militaire commandée au début de l'année par le président Bush. À la faveur des négociations afférentes à l'augmentation du contingent américain basé en Irak, Maliki et la Maison-Blanche avaient obtenu que les membres de l'Armée du Mahdi que dirige Sadr adoptent un profil bas. Autrement dit, qu'ils laissent leurs fusils et autres armes dans les armoires.
Sur cette retenue, les milices sunnites ont capitalisé en employant des méthodes plus violentes que jamais. Constatant que leurs ennemis chiites s'étaient regroupés, si on peut dire, derrière ce frêle paravent qu'est l'armée officielle, ils ont multiplié les attentats suicide. Et ce, avec une ardeur d'autant plus marquée qu'ils savent, al-Qaïda au premier chef, que la constitution des forces officielles telle que décidée par le Pentagone est un gigantesque fiasco. On s'explique.
Selon une analyse signée par Andrew Exum, un officier américain, les bonzes du Pentagone ont commis l'erreur magistrale de mettre sur pied un système de défense reproduisant peu ou prou le modèle érigé aux États-Unis. Et alors? Ce système tourné vers l'extérieur a été conçu pour répondre à des menaces étrangères. Or ce dont l'Irak a actuellement besoin, c'est une infrastructure apte à faire face à des menaces intérieures.
Le manque de perspicacité dont le Pentagone a fait preuve s'est soldé notamment par cette énormité: on a interdit à tous les Irakiens qui se sont engagés dans les forces d'apporter leurs armes chez eux. N'ayant aucune confiance en eux, on craignait qu'ils approvisionnent en revolvers et autres armes les différents clans qui s'entretuent. À quelques reprises, cela a été constaté. Mais ce qu'on a surtout observé, c'est que des centaines d'entre eux ainsi que les membres de leurs familles se sont fait massacrer... sans armes à la main.
Résultat: cette tuerie à grande échelle d'Irakiens en uniforme a eu pour effet de ralentir énormément la refondation de la défense du pays. Et ce, pour une raison qu'on aura devinée: les files d'individus décidés à s'engager se sont clairsemées au fur et à mesure que les rumeurs d'assassinats de ceux qui étaient déjà sous les drapeaux étaient confirmées. Sur ce front, c'est le cas de le dire, la politique américaine s'est avérée un désastre.
On ne sera d'ailleurs pas étonné d'apprendre que pas plus tard qu'hier, le leader démocrate au Sénat, Harry Reid, a déclaré ceci: «La guerre est perdue.» Collant obstinément à sa politique, le président Bush a rétorqué en se moquant de ces remarques que même des républicains commencent pourtant à partager. Après avoir préparé une guerre sur des mensonges, voilà que le président Bush se ment à lui-même.
La guerre perdue
Après avoir préparé une guerre sur des mensonges, voilà que le président Bush se ment à lui-même.
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