Six mois de crise étudiante, des centaines de manifestations de rue, des arrestations massives et abusives ainsi que le déferlement de véritables raz-de-marée humains n’auront pas suffi à amener la gratuité scolaire dans le débat électoral.
Les fédérations étudiantes ont eu beau s’insurger et les grèves sévir sans discontinuer, nos politiciens font la sourde oreille. Les universités, quant à elles, n’ont eu qu’à réclamer cette hausse en prétextant que les droits de scolarité n’ont pas augmenté au même rythme que le coût de la vie, elles ont eu immédiatement satisfaction. Peu leur importe l’avis des étudiants ou la nécessité invoquée de démocratiser l’enseignement supérieur dans une société où l’égalité fait gravement défaut.
Certains ne manquent d’ailleurs pas de souligner que les universités ne sont pas sous-financées, mais que l’argent y est simplement mal distribué. À leur avis, non seulement ces dernières pourraient couper en matière d’administration et de salaires des dirigeants, mais les ressources gagneraient à être transférées davantage vers l’enseignement que vers la recherche, laquelle, en plus d’être largement surfinancée, cannibalise les ressources humaines et matérielles des institutions universitaires.
Une chose demeure certaine : les libéraux disent vouloir faire de l’université un moteur de croissance économique. Mais derrière leurs décisions, il y a une tendance à la marchandisation de l’éducation qui subordonne le rôle des universités à l’économie, au détriment du patrimoine social, culturel et scientifique de l’humanité. Ainsi apparaît-il que la véritable mission de l’enseignement supérieur a été jetée aux oubliettes, alors qu’il importe de la ramener sans plus tarder à l’avant-scène.
L’éveil progressif d’un peuple
Il y a cinquante ans, après des siècles d’obscurantisme et d’ignorance, la réforme de l’éducation s’est érigée au rang de valeur inestimable aux yeux de nombreux Québécois. Le rapport Parent avait fait de la gratuité scolaire une condition nécessaire pour sortir le Québec de l’illettrisme. Une commission d’enquête, qui devait produire un rapport en cinq tomes, fut menée sur l’état de l’éducation au Québec, avec l’intention de démocratiser le savoir, de même que d’éliminer toute barrière psychologique et financière à l’accessibilité aux études. Progressivement, le Québec s’éveillait. Quelques années plus tard entrait en vigueur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l’Organisation des Nations unies (ONU), dont l’article 13 valorise l’instauration graduelle de la gratuité scolaire. Il est du reste intéressant de souligner que le Canada a adhéré à ce pacte et qu’il en fait toujours partie. Depuis, le principe même de la gratuité a fini par sombrer dans l’oubli.
Pour la justice et l’équité en éducation
Aujourd’hui, on nous ressort que le principe de gratuité scolaire est une « utopie ». Ce qui était valorisé et réclamé hier, même par les plus hautes instances internationales, est devenu une lubie de rêveurs. Même si dans de nombreux pays la gratuité scolaire a fait des merveilles et propulsé des populations entières dans la modernité et la prospérité. Plusieurs États de l’OCDE, les pays scandinaves, en particulier, ont vu leur niveau de vie et d’éducation dépasser ceux du Canada. La Norvège en est le parfait exemple. La gratuité scolaire n’y a jamais été remise en question depuis son instauration, en 1947. Chaque étudiant norvégien reçoit un montant lui permettant d’étudier à temps plein, libéré de tout travail extérieur susceptible de nuire à ses études. L’accessibilité est également assurée par un système de prêts et bourses accordés à tous, peu importe leur situation sociale et financière.
Ainsi donc, il s’agit d’un choix de société qui s’accorde avec un idéal de justice et d’équité. La gratuité scolaire permettrait en effet au Québec de s’enrichir culturellement, humainement et plus encore. N’oublions pas que l’éducation représente la clé de l’épanouissement des individus d’une société, considérant qu’elle permet le plein développement des talents et des connaissances, le partage du savoir au bénéfice de la collectivité et de l’humanité.
Il est désolant de constater que le dernier débat électoral a exclu cette importante question. Tout comme il est incompréhensible qu’ait été écarté des médias l’un des rares partis politiques québécois à promouvoir la gratuité scolaire, en l’occurrence Option nationale.
À l’échelle internationale, le Québec n’est-il pas déjà reconnu pour sa créativité foisonnante ? Pourquoi devrions-nous nous inspirer d’un modèle éducatif venant du sud, les États-Unis, dont le système d’éducation, en plein marasme, connaît aussi les droits scolaires les plus faramineux ? Ne devrions-nous pas plutôt nous tourner vers des modèles éducatifs qui marchent et qui correspondent davantage à nos valeurs profondes ?
Élections 2012
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