La grande réingéniaiserie...

Tribune libre


À peine à quelques mois d'une importante campagne électorale québécoise,
n'est-il pas légitime de se demander si la province se trouve en meilleure
condition maintenant qu'elle ne l'était au début du mandat libéral? Il
s'agissait, je me souviens, d'augmenter le niveau de vie des Québécois par
la grande réingéniaiserie. Mais ce qui a augmenté ce sont les frais de
garde, les taxes scolaires, le permis de conduire et surtout l'électricité.
Hausses de tarifs et budgets de poignées de change que Jean Charest justifie
par un discours défaitiste sur l'état des finances publiques et sur la
capacité limitée de payer de l'État Québécois.
Pourtant, parallèlement, le gouvernement tient absolument à aller de
l'avant avec la construction de deux méga-hôpitaux universitaires à
Montréal. Il s'agirait de 3,6 milliards partagé à 50-50 entre McGill
(institution anglophone) et l'Université de Montréal (institution
francophone) mais comme l'histoire le démontre systématiquement, il y aura
inévitablement des dépassements de coûts, et donc on parle réellement de
plusieurs milliards de dollars.
Les anglophones forment 8% de la population du Québec et 12% de la
population de Montréal, alors pourquoi alors accorder 50% des budgets des
méga-hôpitaux aux anglo-montréalais? Cela cadre mal avec les propos
généralement alarmistes des libéraux sur les capacités limitées de nos
finances. Sans remettre en question les droits de la minorité anglophone, on
peut se poser des questions sur la nécessité réelle des deux méga-hôpitaux à
Montréal et de l'apartheid linguistique qui en résulte.
Surtout que la moitié des diplômés de médecine de McGill vont pratiquer
ailleurs, à l'extérieur du Québec, contrairement à l'université de Montréal
dont les diplômés, en majorité, demeurent au Québec. Sommes-nous si riche
qu'on puisse se permettre d'exporter en Ontario et aux États-Unis des
médecins formés avec nos taxes et impôts? Le respect du contribuable
ferait-il défaut à ce point aux Charest, Audet et Couillard? Les médecins du
Québec sont les moins bien payés au Canada et le Québec est l'une des
provinces canadiennes qui perd le plus de médecins. Considérant le
vieillissement de la population, il semblerait plus logique de cesser
d'investir dans la formation de médecins qui abandonnent le Québec et
d'augmenter le salaire de ceux qui restent afin de freiner l'hémorragie
intellectuelle. Au contraire, les libéraux poussent l'audace jusqu'à
l'adoption d'une loi spéciale pour imposer la rémunération des médecins
spécialistes. Les médecins généralistes n'ont pas tort lorsqu'ils parlent
d'un climat malsain lors de leur négociation avec ce gouvernement. Un
gouvernement cohérent peut-il tenir d'un côté un discours de dépenses
superflus pour faire de Montréal à coût de milliards de dollars une
soi-disant technopole de la santé, et de l'autre un discours de restriction
budgétaire devant ses médecins pour mieux les menacer d'adopter
unilatéralement leurs conditions de travail?
Quel beau travail M. Charest!
Mathieu Taillefer, Les Cèdres


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