La frégate Hermione

Vogue à nouveau vers les Amériques

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Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir

Cette magnifique frégate porte le nom de la fille d’Hélène et de Ménélas dans la mythologie grecque, elle avait été construite lorsque Gilbert du Motier, mieux connu sous le nom de marquis de la Fayette, était venu confier au Roi Louis XVI en 1778, les énormes besoins d’aide, attendus de l’autre côté de l’Atlantique.

Ces frégates étaient de fins voiliers très légers, ayant une grande maniabilité, pouvant atteindre une vitesse conséquente. Elles étaient envoyées en avant des convois afin de rapporter des renseignements sur les positions de l’ennemi.

Une de ces frégates, la frégate l’Aréthuse, participa en 1758 à la défense de Louisbourg, faisant de sérieux dégâts aux hommes de Wolf, elle était arrivée à forcer le blocus anglais, et ainsi à rentrer dans la ville. Le 15 juillet suivant, son hardi capitaine dieppois Jean Vauquelin força à nouveau le dispositif aux commandes de sa frégate afin de repartir en France où il arriva à Bayonne sain et sauf pour apporter au roi les derniers courriers des défenseurs de la forteresse française.

Ce jeune homme décidé, Gilbert du Motier, Marquis de la Fayette, avait ses entrées à la cour parce qu’il était non seulement d’une noble famille mais aussi parce qu’il avait épousé Marie-Adrienne de Noailles.

Il avait rencontré Benjamin Franklin lorsqu’il était venu voir le roi de France, il s’était immédiatement pris de passion dès qu’il avait appris la situation des Insurgés des colonies de Nouvelle Angleterre et adhéré très vite à leur désir d’indépendance.

Il était parti malgré l’avis de sa famille, car il n’était pas encore majeur à cette époque-là. Il avait donc été obligé d’appareiller depuis l’Espagne, échappant de justesse aux lettres de cachet envoyées par sa famille, pour l’arrêter dans son projet. Ne pouvant par conséquent se servir de sa fortune personnelle, il avait été aidé par le comte de Brooglie qui avait acheté et armé un navire, baptisé aussitôt "la Victoire" par le jeune enthousiaste. Il avait donc mis à la voile le 26 avril 1776....

Son arrivée au Congrès de Philadelphie fut accueillie avec enthousiasme lorsqu’il déclara : » C’est à l’heure du danger que je veux partager votre fortune. Je ne veux obtenir de vous qu’une faveur celle de me battre à vos côtés comme un simple soldat volontaire et sans solde. «
Il fut nommé major général, puis après l’avoir observé au combat George Washington lui confia par la suite l’armée de Virginie.

La bataille de Saratoga où John Burgoyne, enfermé dans la ville dut se rendre le 17 octobre 1777 permit aux Insurgés de capturer une grande partie des forces anglaises avec d’ailleurs l’aide précieuse des Canadiens venus avec James Livington.
Un tournant important allait être franchi car la France à la suite de cette victoire des Insurgés s’engagea officiellement durant l’hiver 1777 à leurs côtés en envoyant des fournitures et des matériels.

La France enverra quelques premiers secours avec l’amiral Henri comte d’Estaing, arrivé des Antilles, il avait apporté son aide au moment de la bataille de Savannah en septembre 1779, mais la ville se défendit âprement et elle resta anglaise, l’amiral français blessé remonta sur ses navires, et dût poursuivre sa route aux ordres du Roi.

Il y eut des secours vraiment conséquents cette fois avec l’escadre française particulièrement importante de l’amiral de Ternay qui était arrivé à conduire en Amérique du Nord, jusqu’à Rhode Island le 10 juillet 1780, le corps expéditionnaire de six mille hommes du général Jean-Baptiste de Vimeur, comte de Rochambeau, en passant avec adresse à travers la surveillance anglaise.

Cependant devant le dénuement terrible de tous ces insurgés - appelés Insurgents par les Anglais- ces derniers manquaient de tout y compris de chaussures, malgré quelques batailles gagnées mais bien d’autres batailles difficiles perdues, devant une armée anglaise nombreuse et bien organisée et des renforts envoyés depuis Londres, La Fayette, dès qu’il a eu atteint sa majorité, prit la décision de rentrer en France, pour demander l’aide du roi.

Il était ainsi revenu, tout exprès, d’Amérique du Nord, où depuis déjà deux ans, il aidait les insurgés Anglos saxons des colonies britanniques, révoltés contre le gouvernement de Londres.

Certes, les insurgés avaient déclaré unilatéralement leur indépendance le 4 juillet 1776, indépendance que la France avait reconnue, mais il leur était impossible de la gagner sans une réelle aide extérieure. La Fayette exposera au roi les énormes problèmes logistiques en hommes et en matériels qui se posent aux Insurgés, et bien sûr, toute l’aide dont ils ont un cruel besoin.

C’est ainsi que le 21 mai 1780 La Fayette peut retourner en Amérique, il s’embarque sur l’Hermione, flambant neuve, sortant tout juste de l’arsenal du Roi, à Rochefort.
Il emmène avec lui trois cents vingt-six marins et soldats mais aussi quatre mille uniformes et chaussures car les troupes de Washington étaient principalement composées de simples miliciens mal chaussés et mal vêtus qui luttaient pied à pied, dans la neige et le froid de l’hiver, pour leur indépendance.

L’amiral de Grasse, commandant la flotte française, arriva lui aussi à la rescousse, en remontant vivement depuis les Antilles jusqu’à la baie de la Chesapeake afin de bloquer tous les secours qu’auraient pu apporter les navires anglais à Lord Cornwallis, enfermé dans Yorktown avec toute l’armée anglaise de Virginie, permettant ainsi aux forces conjuguées de Washington, de Rochambeau descendant du nord et de La Fayette avec l’armée des insurgés de Virginie d’avoir le temps de converger vers Yorktown et de remporter une victoire décisive, c’était le 19 octobre 1781..

Cette capitulation de l’armée anglaise à Yorktown, avait été précédée de la défaite navale anglaise devant la baie de la Chesapeake par la flotte française de l’amiral de Grasse le 9 septembre 1781. Cela retentit comme une bombe en Angleterre : un mythe s’écroulait, celui de la puissance de la flotte anglaise !

L’Anglais Callender écrira plus tard avec une amertume non feinte :
"Ce n’est pas la déclaration d’indépendance qui a donné le jour aux Etats-Unis, ce fut la bataille de la Chesapeake qui décida l’issue finale de la guerre, réduisant en cendres notre ambition grandiose de conserver l’Amérique du Nord sous l’obédience de la couronne d’Angleterre."

Les états-uniens ne sont pas moins catégoriques : " Sans l’aide des Français, sans la victoire navale de l’amiral De Grasse, ce n’est pas la capitulation de Cornwallis mais bien celle de Georges Washington que l’Histoire aurait enregistrée à Yoktown !"

L’aide de la France s’est avérée si totalement déterminante que des remerciements officiels furent votés au congrès de ces jeunes états d’Amérique, des remerciements à la France, à sa Majesté très chrétienne, à l’amiral de Grasse, au général de Rochambeau, et bien entendu à La Fayette..

"Aussi longtemps que la gratitude sera une vertu, vos noms et celui de la France seront chers au peuple de nos Etats Unis d’Amérique .."

Quant à Thomas Jefferson convenant sans restriction aucune, que sans l’aide de la France, il n’y aurait pas eu d’indépendance, il rendit un vibrant hommage sincère aux Français et déclara avec enthousiasme : " Chaque homme a deux patries, son pays et la France !"

Toute cette extraordinaire aventure de solidarité et d’amitié, sans doute trop oubliée, semble à nouveau prendre vie grâce à l’enthousiasme de tous ceux qui ont participé à la construction de cette nouvelle frégate Hermione, en la voyant fendre les eaux et repartir en Amérique en ce mois d’avril 2015

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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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8 commentaires

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    27 juin 2015

    Merci infiniment, Monsieur Vallée, de votre message du 23 juin trouvé à peine ce jour.. Vraiment cette nouvelle me fait terriblement plaisir, si heureuse de savoir que vous organisez ce voyage à Boston à la rencontre de notre belle Hermione.
    Nous attendrons avec impatience vos photos et vos impressions à votre retour.. croyez que nous serons avec vous tous, en pensée... Est-ce que vous avez décidé Denis Julien à partir avec vous ?..
    Très cordialement à vous,
    Marie-Hélène M-S

  • Jean-François Vallée Répondre

    23 juin 2015

    Bonjour madame Morot-Sir,
    Je suis à organiser un voyage partant de Québec le 10 juillet à la rencontre de l'Hermione lors de son escale à Boston le 11.
    https://www.facebook.com/events/1666695080216674/
    Nous brandirons alors fleurdelisés, drapeaux des patriotes et drapeau de la France.
    Jean-François Vallée

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    22 avril 2015

    Des nouvelles du voyage de la Frégate Hermione,
    Le soleil brille, la mer est belle. La journée a commencé en beauté avec la présence aux côtés de l’Hermione, lors du lever de soleil, d'un des navires les plus modernes au monde:
    La frégate Provence, tout juste sortie de son chantier, avait en effet décidé de se détourner quelques minutes de sa route pour une séance photo hautement symbolique puisqu’en effet, La Provence porte le même nom qu'un vaisseau de 64 canons qui a combattu aux côtés de L'Hermione lors de la bataille de Chesapeake en 1780. L’Hermione a salué la frégate lorsqu’elle a repris sa route, en baissant et relevant trois fois son pavillon français mais également avec 3 coups de canons.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    20 avril 2015

    Géopolitique 101 :
    Entre l'indépendance et la souveraineté.
    Il ne suffit pas de déclarer son indépendance (1776) ; il faut surtout rendre effective cette décision sur son territoire.
    Cette effectivité résulte d'abord et avant tout d'un rapport de force favorable (Yorktown ,1781).
    C'est cette condition première qui mène au changement de statut reconnu (Traité de Paris, 1783) :
    « Le traité de Paris de 1783, signé le 3 septembre, met un terme à la guerre d'indépendance des États-Unis. Il est signé entre les représentants des treize colonies américaines et les représentants britanniques. La Grande-Bretagne reconnaît l'indépendance des États-Unis d'Amérique. Le traité de Versailles fut signé en 1783 entre la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne et complète le Traité de Paris. Le Canada est maintenu en possession britannique.»
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Paris_%281783%29
    ...
    Une leçon de l'histoire sur ce que suppose un changement de statut d'un État : un rapport de force favorable.
    Rappelons que Nelson a déclaré notre indépendance en 1838, ce changement de statut n'a pas eu lieu parce que le rapport de force n'était pas favorable.
    Une leçon toujours actuelle pour ceux qui pensent qu'il suffit de prendre une décision (Référendum) pour qu'elle devienne automatiquement effective.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2015

    Voici un complément d'images et de vidéos entre autres d'un jeune matelot qui raconte son expérience à bord de l'Hermione en pleine tempête. Vous verrez la rencontre de l'Hermione avec une frégate de la marine française. Sur ce site, vous pourrez aussi, suivre sur une carte, le déplacement de l'Hermione. Tout ça est tout simplement renversant; l'ancien superbement recréé et le moderne.
    http://www.hermione.com/blog-de-l-hermione/1164-l-hermione-et-le-latouche-treville.html

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    20 avril 2015


    Voici le lien du blog de la frégate Hermione où vous pourrez regarder chaque jour ce qui se passe à bord , et même vérifier sur la carte sa position..
    http://www.hermione.com/blog-de-l-hermione/1164-l-hermione-et-le-latouche-treville.html
    Il y a aussi des quantités de vidéos superbes à visionner...
    Ce matin la frégate “la Touche Tréville” du nom même du commandant, qui avait amené La Fayette le 21 mars 1780, est venu saluer l’Hermione qui a répondu en baissant trois fois son pavillon français.. au son de la flûte.. .. Superbe !

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    20 avril 2015

    Merci beaucoup de ce lien magnifique Monsieur Parent.
    C’est terriblement émouvant de voir repartir l’Hermione 235 ans après.. et quelle association extraordinaire qui est arrivée à reconstruire la frégate et à mener jusqu’au bout ce rêve!
    Un rêve aussi pour tous les jeunes volontaires devenus gabiers, le temps de ce voyage vers les côtes d'Amériques. Nous sommes allés plusieurs fois visiter le chantier de l’Hermione nous avons pu voir sa fabrication tout à fait extraordinaire... Quel merveilleux enthousiasme réuni aujourd'hui tant de personnes des deux côtés de l’Atlantique en la voyant re-traverser les mers...
    La Fayette a certes été un jeune homme plein d'audace et de fougue, mais il ne faut pas oublier non plus le comte de Rochambeau et son armée de six mille hommes envoyés par la France, ni l’amiral de Grasse avec toute la flotte française..
    D’ailleurs Jefferson ne s’y est pas trompé... mais par la suite, les années et les siècles passant, cela a été sans doute plus facile pour les états-uniens de n’avoir à mettre en avant et à ne remercier qu’un seul homme, Lafayette, plutôt que la France !
    La même chose s’était produite avec Louis Joliet et le père Marquette, les découvreurs du Mississipi en 1673 ( écrit avec un seul “p” Metsi Sipi : père des grandes eaux), ils n’ont jamais reconnu la part prise par les Français de la Nouvelle France pour cette découverte, mais par contre ont élevé des statues à ces deux hommes !..

  • Archives de Vigile Répondre

    19 avril 2015

    Si vous me le permettez, pour compléter votre excellent article, je vais inclure une adresse, celle où l'on voit, en pleine mer, l'Hermione voguant vers les USA. Se rend on compte que l'on peut observer, en vrai, en réel, un bateau tel que l’on se les imaginait traversant l'Atlantique. Cette fois-ci, c'est du tangible. C'est un projet totalement fou mais aussi tellement extraordinaire. Regardez l'Hermione voguer vers l'horizon, à voile, comme à l'époque. Regardez ces scènes sur grand écran, si possible, ça vaut le coup.
    http://www.dailymotion.com/video/x2mr1wl_hermione-la-fayette-essai-en-mer-avant-la-grande-traversee-de-l-atlantique_news?from_related=related.page.int.no-related.3c74cd07eb941b72562bbd27233674ca142949646