On l’a surnommé « Magnettix » et affublé du titre de président de la « Wallonix ». Ces charmants qualificatifs attribués depuis quelques jours au ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette, ont fait sourire les Européens. Mais c’était un sourire de satisfaction, tant les divers peuples qui composent l’Europe se sont reconnus dans l’image de ce courageux représentant du « dernier village gaulois ».
Jeudi, Bruxelles serait finalement venue à bout des réticences wallonnes à signer le traité de libre-échange Canada-Union européenne (AECG). Un accord serait donc à portée de main, même si celui-ci doit toujours être confirmé par les parlements régionaux belges et le Conseil européen. Mais peu importe la conclusion du bras de fer qui est toujours en cours. La semaine que nous venons de vivre aura montré combien le libre-échange n’a plus le vent en poupe en Europe. Si Bruxelles et Ottawa parviennent à faire accepter leur accord, ce sera donc de justesse et à l’encontre de l’opinion de la majorité des peuples européens.
Loin de prendre les peuples « en otage », comme a osé l’affirmer le négociateur québécois du traité Pierre Marc Johnson, la Wallonie a exprimé depuis une semaine l’opinion d’une majorité d’Européens. Paul Magnette avait le soutien non seulement de 72,6 % des Wallons, mais aussi d’une majorité de Français et d’Allemands. En France, les sondages montrent en effet que les traités avec le Canada et les États-Unis (TAFTA) suscitent l’opposition de 60 à 80 % de la population. En Allemagne, ils ont provoqué des manifestations monstres. Si bien que le ministre de l’Économie Sigmar Gabriel (SPD), pourtant favorable à l’AECG, a dû reconnaître que la Commission européenne avait « complètement ignoré les préoccupations de la population ». Dans ce pays, le traité avec le Canada est d’ailleurs l’objet de la plus importante action collective jamais déposée devant les tribunaux. Rappelons aussi que, le week-end dernier à Madrid, 1300 organisations syndicales et écologistes ont manifesté contre ces traités.
Sept ans après le début des négociations, les Européens découvrent sur le tard que l’AECG a d’abord été conçu comme un cheval de Troie en vue de la conclusion d’un traité semblable avec les États-Unis. Le Québec, qui a multiplié depuis une semaine les pressions sur la petite Wallonie, est d’ailleurs le plus mal placé pour prétendre le contraire. Dès 2008, en effet, le premier ministre Jean Charest s’était rendu à Bruxelles afin de convaincre le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, aujourd’hui employé de Goldman Sachs. Son argument massue était le suivant : la conclusion d’une entente avec le Canada serait une bonne façon pour les Européens de « mettre un pied en Amérique du Nord avant de conclure un jour une entente semblable avec les États-Unis ». Sans cet argument qui se retourne aujourd’hui contre l’AECG, jamais Jean Charest n’aurait pu convaincre l’Union européenne de s’engager dans ces longues négociations.
Sauf que, depuis cette époque, le vent a tourné. Et pas qu’un peu ! L’ère que l’on pourrait dire de la mondialisation heureuse est en effet terminée. Depuis ces temps paisibles où Jean Charest venait prêcher le libre-échange aux Européens, il y a eu les crises de l’euro, celle des migrants et le Brexit. Sans oublier le terrorisme islamiste. Bref, la mondialisation sauvage sous toutes ses formes ! Or, dans tous ces cas, l’Union européenne n’a jamais été du côté de la solution. Depuis quelques années, les peuples européens redécouvrent que, lorsque le monde va mal, que les horizons s’assombrissent et que la crise sévit, leur dernier recours ne se trouve pas à Bruxelles, mais dans leur propre nation et ses frontières nationales.
Quant à la Commission européenne, en essayant de faire passer l’AECG par la contrainte, elle tente surtout de sauver le peu d’autorité qu’il lui reste. Et cela, même si ce traité déplaît suprêmement aux peuples européens, tant à cause des pouvoirs qu’il donne aux multinationales de poursuivre les États que des quantités de viande qu’il déversera sur l’Europe et dont celle-ci n’a aucun besoin.
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