Le gouvernement Charest sera attaqué durement à l'Assemblée nationale à compter d'aujourd'hui pour son inaction dans la crise de l'industrie forestière mais au-delà de ce secteur spécifique d'activités, c'est l'absence de stratégie économique de ce gouvernement depuis trois ans qui ressort.
Autant les gouvernements formés par le Parti québécois sont interventionnistes à tout crin, directement ou par l'intermédiaire de la Société générale de financement, d'Investissements-Québec et même, de façon inavouée, de la Caisse de dépôt et de placement, autant le présent gouvernement libéral laisse jouer les lois du marché, en se défendant d'être doctrinaire comme l'était son prédécesseur. Les dossiers seraient traités au cas par cas, prétexte-t-on. Bernard Landry misait sur un plan de développement économique axé sur le ciblage de créneaux dans lesquels les acteurs gouvernementaux devaient d'une part intensifier les efforts de prospection et d'autre part prévoir la mise en place de programmes de soutien. Le meilleur exemple est celui des nouvelles technologies.
S'ajoutaient à cette planification d'ensemble diverses opérations de sauvetage, parfois aussi coûteuses que désastreuses dans leur déroulement, comme celle de la Gaspésia.
Le pendule est passé d'un extrême à l'autre. Le gouvernement Charest s'est retiré, en début de mandat, comme acteur majeur de l'économie, sous la férule du ministre Michel Audet, alors affecté au Développement économique. Lorsqu'il a été remplacé par son jeune collègue Claude Béchard, les milieux d'affaires se sont contentés de sourciller, puis de sourire. L'arrivée de Raymond Bachand, ex-président du Fonds de solidarité de la FTQ, a redonné du sérieux et de la crédibilité à ce ministère, mais ce transfuge péquiste semble vraiment partager maintenant la pensée libérale, ou sinon avoir les mains liées. Des dizaines de milliers d'emplois sont disparus dans la crise forestière mais aussi dans le textile, dans le meuble, et le gouvernement Charest est resté impassible. Nous pouvions nous attendre à cela des conservateurs de Stephen Harper mais pas des libéraux québécois.
Ces secteurs traditionnels ne sont plus concurrentiels et l'État ne peut servir de béquille permanente. La prospection d'investissements en vue de la mutation d'économies régionales, la formation et le recyclage de la main-d'oeuvre, doivent alors être canalisés dans des plans d'action intégrés. Cela fait partie du rôle de l'État.
Les entreprises québécoises qui dépendent de leurs exportations, ont par ailleurs écopé à la suite de la hausse de la valeur du dollar. Nos produits deviennent moins alléchants. Mais, en plus, les fous soubresauts dans le prix du pétrole ont fait exploser les coûts de transport. Ceux pour le chauffage grimperont également cet hiver. Le gouvernement du Québec maintient sa part de pression sur les entreprises et les consommateurs par ses taxes élevées sur le pétrole.
Bref, les Québécois sont privés des avantages à court terme d'un gouvernement interventionniste mais ils ne retirent pas non plus ceux que devraient théoriquement procurer une philosophie non-interventionniste, puisque le gouvernement dirigé par Jean Charest prélève des impôts et des taxes aussi élevés sinon plus que son prédécesseur. Se vouloir non-interventionniste dans le quotidien n'oblige pourtant pas à se soustraire à toute responsabilité d'État dans le déroulement à moyen et long terme de la vie économique.
La crise dans l'industrie du bois est dramatique. Les Québécois en prennent tout à coup conscience mais elle a débuté il y a plus de deux ans et toutes les pertes d'emplois compilées avaient été prévues. La pression politique fera enfin accoucher d'un programme gouvernemental a posteriori. Plus que jamais, l'expression «l'arbre cache la forêt» risque de s'appliquer: nous oublierons qu'indépendamment de cette crise sectorielle, le gouvernement Charest a aussi oublié le développement économique depuis trois ans, alors que cela a été traditionnellement la marque de commerce des libéraux. Les libéraux au Québec ont été aussi interventionnistes depuis 1960 que les péquistes depuis 1976. À quelques heures de la commémoration de la pensée et de l'oeuvre de Robert Bourassa, cela apparaît comme une trahison.
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