La croissance d'Hydro-Québec passe par l'international

Ef3e8588c4cdea700d6f726711f6e462

Dérive: Hydro-Québec est de plus en plus à l'international avec les libéraux aux commandes

Découvrez au fil des prochaines pages l'état de la situation des différentes filières énergétiques du Québec, leurs projets de développement et leurs principaux acteurs.
En juin, Éric Martel était à Boston pour discuter des avantages de l'hydroélectricité québécoise avec des intervenants du milieu des affaires et du gouvernement américain. Fin août, le pdg d'Hydro-Québec y retournait pour faire la promotion de son énergie propre et renouvelable, cette fois à l'occasion de la Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada.
Depuis un an, son équipe s'est rendue une cinquantaine de fois dans les États de la Nouvelle-Angleterre, qui ont l'intention d'acheter d'importants volumes d'énergie renouvelable au cours des prochaines années. Ces démarches montrent la volonté d'Hydro-Québec d'accroître sa présence à l'étranger.
«Il faut absolument aller à l'extérieur de nos frontières», dit M. Martel, pdg de la société d'État depuis juillet 2015. La rentabilité même de la société d'État serait en jeu, alors que la consommation d'électricité au Québec diminue depuis 2007 et que les prévisions de la demande n'annoncent pas de jours meilleurs. «Hydro-Québec est à risque, d'ici 10 à 15 ans, de voir ses bénéfices fondre si les ventes n'augmentent pas», précise-t-il.
Cap sur la Nouvelle-Angleterre
Malgré une demande intérieure qui est à maturité, Hydro-Québec entend doubler à environ 27 milliards de dollars ses revenus annuels en 2030, année où ses bénéfices atteindraient 5,2 G$, par rapport à 3,1 G$ en 2015. Le bénéfice de 2015 était en légère baisse comparativement aux 3,3 G$ engrangés en 2014.
Pour y arriver, Hydro-Québec compte entre autres sur l'augmentation de ses exportations qui ont généré près du tiers (902 M$) de ses bénéfices en 2015, tandis qu'elles représentent 15 % des ventes totales. «Il y a un grand momentum, surtout depuis la tenue de la COP21 à Paris, pour assurer une transition énergétique vers les énergies renouvelables, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Ça nous place en excellente posture», dit M. Martel.
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal, fait écho à ses propos. «Hydro-Québec a de grandes occasions de vendre de l'énergie dans les États de la Nouvelle-Angleterre et de New York, qui cherchent à diminuer leurs émissions de GES.»
Hydro-Québec n'a d'ailleurs pas manqué de faire valoir à nos voisins du Sud que ses exportations d'électricité ont à elles seules évité l'émission de 7,4 millions de tonnes de GES en 2015, soit l'équivalent de 25 % des émissions totales des centrales thermiques de la Nouvelle-Angleterre. Ou encore des émissions annuelles de 1,85 million d'automobiles. De plus, l'entreprise québécoise a bien pris note de l'adoption d'une loi par le gouvernement du Massachusetts, en juin, qui autorise l'achat de quantités substantielles d'énergie hydroélectrique et la mise en place des infrastructures de transport nécessaires pour alimenter ses abonnés. «On pourrait leur proposer un portefeuille d'approvisionnement qui comprendrait aussi de l'éolien», indique M. Martel.
Une interconnexion additionnelle augmenterait la capacité d'échange entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre qui génère environ la moitié des exportations d'électricité d'Hydro-Québec. «On peut exporter davantage, mais on a besoin de construire des "autoroutes" pour s'y rendre.»
Le projet de la ligne Northern Pass Transmission, une ligne de près de 400 km, dont la mise en service est prévue en 2019, permettrait justement de relier les réseaux électriques du Québec et du New Hampshire. Et à Hydro-Québec de décrocher l'un des plus importants contrats d'exportation de son histoire avec des revenus annuels supplémentaires de 400 M$.
Mais il y a encore certaines résistances de nature environnementale «qui se sont estompées», affirme M. Martel, qui prévoit obtenir les approbations nécessaires d'ici un an. Entre-temps, Hydro-Québec a répondu à un appel d'offres de 1 100 mégawatts des États du Massachusetts, du Connecticut et du Rhode Island. La société d'État lorgne aussi des contrats avec l'État de New York et l'Ontario.
Acquisitions et partenariats
L'essor des activités d'Hydro-Québec sur la scène internationale passera aussi par des acquisitions ou des ententes de partenariat hors Québec. Elle entend cibler «des actifs ou des projets qui mettront à profit nos compétences en matière de production d'hydroélectricité ou de transport à haute tension», indique M. Martel en citant l'exemple d'Électricité de France, devenue un géant mondial de l'électricité après avoir pris de l'expansion à l'étranger à partir des années 1990.
Hydro-Québec avait aussi entrepris un tel mouvement à l'époque. Au Chili, l'acquisition de Transelec, la société nationale de transport d'électricité, lui permettait d'exploiter un réseau qui s'étendait sur environ 10 000 km. Au total, de 1996 à 2005, Hydro-Québec a investi 1 G$ dans des éléments d'actif de transport et de production d'électricité à l'étranger, qu'elle a revendus il y a 10 ans en réalisant un gain de près de 1 G$. «On doit retourner à l'international. On a l'expertise nécessaire pour y faire notre marque et générer des revenus importants», dit le pdg. Hydro-Québec entend d'abord faire des acquisitions pour se familiariser avec ces nouveaux marchés, puis y construire de nouveaux actifs, comme des barrages ou des lignes de transmission.
Le géant n'entend pas pour autant y aller tous azimuts et s'implanter «dans 25 pays en 5 ans. On risquerait de trop s'éparpiller». Outre les États-Unis, elle cible quatre ou cinq pays d'Amérique latine et d'Europe où il y a un potentiel de croissance, sans révéler lesquels. Et qu'en est-il de l'Asie, où la croissance économique est plus robuste qu'en Occident ? «La Chine a déjà ses propres infrastructures et essaie aussi de se positionner à l'international», répond Éric Martel.
La commercialisation des innovations est aussi au menu. L'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ) regroupe «d'éminents chercheurs dont les travaux et les inventions se reflètent dans nos performances». Le pdg dit qu'Hydro-Québec doit commercialiser davantage le fruit de ses travaux.
Par exemple, le développement de systèmes de stockage d'énergie de grande capacité, destinés aux réseaux électriques, a mené il y a deux ans au lancement de Technologies Esstalion, une coentreprise créée par Hydro-Québec et Sony. Ou encore le LineScout, un robot qui facilite l'inspection des lignes de transport sous tension. Sans oublier les systèmes de motorisation électrique, développés par sa filiale TM4.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé