18 octobre 2012
Le nouveau terminus d'autocars avait coûté la somme de 53,3 millions de dollars au 31 janvier 2008, d'après le vérificateur général. Par la suite, des travaux de finition de 8,8 millions ont été assumés par la SIQ, faisant grimper la facture du terminus à plus de 62 millions.
André Dubuc
LA PRESSE
Le désastre de l'îlot Voyageur retient l'attention des enquêteurs de la commission Charbonneau, a appris La Presse Affaires. Beaucoup de questions restent en effet sans réponse à propos du quadrilatère qui a siphonné plus de 300 millions de dollars de fonds publics pour deux bâtiments squelettiques, un stationnement et une gare d'autocars.
Un informateur a confirmé à La Presse avoir rencontré en août Julie Paquin, analyste, et René Beauchemin, directeur adjoint des opérations et enquêtes à la commission Charbonneau, à propos de l'îlot Voyageur. Une seconde source nous a confirmé l'intérêt des employés de la Commission à l'égard de l'ancien projet immobilier de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) qui a tourné à la catastrophe financière.
À la commission Charbonneau, la consigne est de ne pas commenter les enquêtes.
Pour sa part, l'université a refusé de dire si les enquêteurs sont venus chez elle, «par respect pour le travail de la Commission», a dit Jenny Desrochers, directrice des relations de presse.
Du côté de la Société immobilière du Québec (SIQ), la société d'État qui est devenue propriétaire de l'îlot Voyageur en novembre 2010, le porte-parole, Martin Roy, assure que personne à la SIQ n'a été contacté par la commission Charbonneau.
Un stationnement à 80 000$ la case
La Commission fera oeuvre utile en expliquant comment plus de 300 millions de fonds publics ont pu être dépensés alors que ce qui a été construit est actuellement en vente par le gouvernement pour environ 60 millions.
On se rappellera qu'un rapport du vérificateur général du Québec avait évalué à près de 220 millions les coûts engagés pour l'îlot Voyageur au 31 janvier 2008.
Selon ce rapport, daté du 4 juin 2008, le stationnement intérieur de 600 places a coûté pratiquement 48 millions, soit un coût exorbitant de 80 000$ par case. Une source de l'industrie établit sommairement le coût total d'une case intérieure entre 35 000 et 50 000$.
À titre de comparaison, la Caisse de dépôt avait payé 37,4 millions au début des années 2000 pour un stationnement souterrain de 1277 places situé en partie sous son bureau d'affaires montréalais. Le stationnement avait fait couler beaucoup d'encre en raison de son coût jugé excessif, à l'époque.
Un terminus de 62 millions
Si le stationnement est hors de prix, le tout nouveau terminus d'autocars ne paraît pas non plus avoir été construit à prix d'aubaine. Celui-ci avait coûté la somme de 53,3 millions au 31 janvier 2008, d'après le vérificateur général. Par la suite, des travaux de finition de 8,8 millions ont été assumés par la SIQ, faisant grimper la facture du terminus à plus de 62 millions.
De plus, le gouvernement provincial a allongé 25,5 millions pour acquérir la société de gestion du terminus. Depuis, la valeur de l'investissement a été revue à la baisse de 8,4 millions. Le transporteur Megabus, qui assure la liaison directe en autocar entre Montréal et Toronto, a quitté les lieux au début d'août et a ouvert un terminus de fortune rue Saint-Antoine, à la hauteur du 1000, De La Gauchetière, au centre-ville.
60 millions pour rien du tout
Pire, les contribuables québécois ont payé en pure perte 60 millions pour la construction d'un pavillon universitaire et d'un immeuble de bureaux, qui ne sont jamais sortis de terre. Toujours dans son rapport, le vérificateur indique des coûts de 30 millions pour le pavillon, et de 29,4 millions pour l'immeuble de bureaux, deux édifices qui n'existent que sur papier, rappelons-le.
Le ministère de l'Éducation a confirmé à La Presse Affaires qu'une somme de 126 millions d'argent public a servi à payer les dépenses afférentes au terminus, au pavillon et à l'immeuble de bureaux.
Plus de 300 millions de fonds publics
De fait, une bonne partie des coûts identifiés par le vérificateur ont été payés par les 200 millions placés en fiducie par le gouvernement pour aider l'UQAM à se sortir de ce bourbier financier. L'argent qui était en fiducie a été dépensé en entier, nous confirme-t-on.
En plus des millions identifiés par le vérificateur au 31 janvier 2008, le gouvernement du Québec s'est engagé depuis à payer 137 millions additionnels. On arrive donc à une facture de 337 millions de fonds publics pour l'îlot Voyageur jusqu'à présent.
Les 137 millions additionnels se détaillent de la façon suivante: une somme de 45,5 millions a servi à acheter la propriété de l'îlot Voyageur et de la société exploitant le terminus d'autobus; des frais de transaction totalisant 2,1 millions ont aussi été pris en charge par la SIQ. Celle-ci a dépensé 8,8 millions pour finir des travaux.
Qui plus est, le gouvernement a payé en août dernier 5,4 millions à l'UQAM «en vue de régler le dossier à la suite de l'analyse finale du dossier», a dit Esther Chouinard, responsable des relations avec la presse au ministère de l'Éducation. Québec s'est enfin engagé à verser 2,5 millions par année pendant 30 ans pour payer les intérêts sur un emprunt de 42,3 millions que l'UQAM avait contracté pour construire le stationnement et les résidences étudiantes, toujours inachevées. Il est prévu que l'université rembourse le prêt en 2043-2044 grâce au rendement tiré d'un placement de 17 millions. Le gouvernement s'est engagé à combler le manque à gagner, le cas échéant.
Selon plusieurs sources, la vente de la partie nord de l'îlot Voyageur, ainsi que de la société exploitant le terminus d'autobus pourrait rapporter 60 millions. La partie sud de l'îlot a été réservée pour la future École de santé publique de l'Université de Montréal, un projet évalué à 90 millions.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé