Peut-être, comme on l'a répété depuis quelques jours, la culture semble-t-elle le dernier des soucis des leaders politiques actuellement en campagne électorale en vue des élections du 26 mars.
Mais rarement en a-t-on autant parlé dans les médias, conscrits au cours des derniers jours par les grands syndicats d'artistes et de travailleurs culturels. Parlé aussi dans les forums organisés par l'Institut du Nouveau Monde (dont une session avait lieu, vendredi et hier), notamment consacrés aux rapports entre culture et modernité. Parlé enfin dans un ouvrage majeur tout juste débarqué en librairie et recensant les réponses de 141 intellectuels à la question: La Culture québécoise est-elle en crise?
Peut-être faut-il partir de là pour comprendre pourquoi la culture semble toujours en crise, justement.
Évacuant les inévitables longues plaintes stridentes (cette détestable «mythologie crépusculaire», selon le mot du professeur Mathieu Bélisle) émaillant l'ouvrage de Gérard Bouchard et Alain Roy, on retiendra plutôt ceci: la «crise» est l'état normal de la culture, pour la raison qu'elle se nourrit de la création, toujours imprévisible et souvent déstabilisante.
Bref, c'est autour de la culture que, peut-être, la crise existe.
Cela étant, l'Union des artistes réclame la tenue d'un grand sommet afin d'établir une nouvelle stratégie globale. Pourquoi pas? Mais on accueillera avec beaucoup plus d'enthousiasme une autre idée de l'UdA: celle de mieux intégrer les arts au système éducatif, notamment en dépêchant dans les écoles des artistes agissant comme éducateurs. C'est ce qu'avait fait le président Franklin D. Roosevelt pour réagir aux durs effets de la crise de 1929, en enrôlant des milliers d'artistes dans les écoles américaines!
Car s'il y a crise de la culture, c'est bel et bien au niveau de l'éducation qu'elle se trouve. De sorte qu'il est impératif de présenter aux jeunes un panorama de la culture différent de celui, essentiel mais incomplet, que leur offrent les outils de diffusion de la culture populaire.
Cela dit, la culture est en crise financière perpétuelle également. D'où les revendications essentiellement chiffrables présentées aux grands partis. Par exemple: 80 millions de plus à la culture en général (UdA) et 18 millions de plus au Conseil des arts et des lettres en particulier (Mouvement pour les arts et les lettres).
Or, il n'existe pas de niveau de financement étatique dont on pourrait dire qu'il s'agit du plateau optimal pour qu'une société soit vue comme respectueuse de la culture.
Un, l'affaire est totalement subjective.
Deux, elle est partielle: les sources de richesse disponible pour la culture sont multiples, d'autres sociétés que la nôtre construisant leur budget culturel d'une tout autre façon.
Trois, la création artistique est un domaine où il n'y a pas de limite à l'offre, donc pas de limite à la demande de soutien à la création. On peut raisonnablement plaider que le «problème» du Québec est précisément que la culture y est pétante de santé, ce qui exerce une pression financière exceptionnelle. «Nous sommes dans une période de vitalité, d'expansion, d'abondance et d'épanouissement absolument remarquables», a écrit le regretté philosophe Laurent-Michel Vacher à l'invite de Bouchard et Roy.
Gérer ces «rançons de l'abondance» (Vacher, encore) consiste notamment pour les milieux culturels à négocier leur juste part de la richesse collective. Avec vigueur, bien entendu. Mais sans sombrer dans la mythologie crépusculaire, si faire se peut.
mroy@lapresse.ca
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