La bâtonnière du Québec victime de «populisme judiciaire», dit Julius Grey

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À la défense des principes élémentaires de justice naturelle

(Québec) Dénonçant «une société inexorable» qui cherche à se faire justice «à tout prix», l'avocat Julius H. Grey se porte à la défense de la bâtonnière du Québec, Me Lu Chan Khuong, suspendue de ses fonctions «sur un simple soupçon», après la divulgation de la déjudiciarisation d'une plainte policière pour vol à l'étalage à son endroit.
«C'est injuste d'affecter la carrière de quelqu'un d'une façon aussi drastique, sans qu'il y ait eu admission ou procès. C'est le signe d'un populisme judiciaire inquiétant», dénonce Me Grey, en entrevue au Soleil.
«C'est une question de société importante, ajoute-t-il. Nous vivons une époque où les gens sont accusés trop facilement. On tient pour acquis leur culpabilité. Il faut revoir notre attitude.»
Pour le réputé avocat montréalais, la fuite de ces informations dans le dossier de Me Khuong, élue à la tête du Barreau du Québec avec 63% de voix, le mois dernier, «jette un doute sur l'efficacité du système de déjudiciarisation», un programme qui offre plusieurs bénéfices, à son avis.
«Qui accepterait de renoncer à ses chances d'obtenir un acquittement si l'incident en cause risquait de devenir un accroc à sa carrière et de ternir irrémédiablement sa réputation?» demande-t-il, précisant qu'une société gagne en empruntant la voie de la déjudiciarisation, puisqu'elle économise les coûts associés à la tenue d'un procès, tout en évitant «des injustices potentielles à des citoyens innocents».
«L'individu qui, entre parenthèse n'admet rien, épargne aussi le coûts et les incertitudes du processus juridique. Ce n'est pas déconsidérer la justice que d'énumérer les bénéfices qui découlent d'un tel programme.»
Selon l'avocat, le Canada et le Québec subissent avec quelques années de retard le vent de «law and order» en vigueur aux Etats-Unis. «Nous vivons de plus en plus dans une société où tout penche du côté de l'accusation, et non de la défense. On présume de la culpabilité des gens et on agit en conséquence. Mais ce n'est pas vrai que toute infraction vaut une punition. On tient pour acquis la culpabilité des gens, avec la conséquence qu'on assiste à de plus en plus de dérapages.»
Me Grey espère que l'«épisode malheureux» de la suspension de la bâtonnière, avocate chez Bellemare Avocats, à Québec, et conjointe de l'ex-ministre libéral de la Justice, Marc Bellemare, entraînera «une réflexion et un changement d'attitude», plaidant du même souffle pour la réintégration «sans délai» de cette dernière dans ses fonctions.
Cet appui de Me Grey survient alors qu'un mouvement demandant également la réintégration de Me Khuong a été lancé sur le site Pétitions citoyennes Avaaz.org. En début de soirée, lundi, 534 personnes avaient exprimé leur soutien à l'avocate.


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