Le gouvernement Trudeau a rejeté du revers de la main un rapport du Comité permanent du patrimoine canadien suggérant de venir en aide aux médias. Une attitude désinvolte qui contraste avec le sentiment d’urgence dans l’industrie.
Coup sur coup cette semaine, le Comité du patrimoine et une coalition de plus de 800 éditeurs du Canada (incluant Le Devoir) ont réclamé des mesures de soutien pour favoriser l’exercice du journalisme. Parmi les propositions qui font consensus, on retrouve l’élargissement du Fonds du Canada pour les périodiques afin d’inclure les quotidiens et les journaux communautaires.
Le rapport du Comité, tout comme la démarche des éditeurs, repose sur deux socles fondateurs. D’une part, le journalisme est essentiel au fonctionnement d’une saine démocratie, car il incite les institutions et les décideurs à observer des principes de transparence et de reddition de comptes dans les affaires publiques. D’autre part, l’industrie des médias subit une concurrence accrue et impitoyable de la part des colosses de la Silicon Valley désignés par l’acronyme GAFA (pour Google, Apple, Facebook et Amazon).
« Le partage des nouvelles est devenu gratuit, mais le journalisme ne l’est pas », a résumé Bob Cox, président du conseil de Médias d’info Canada. Pour le commun des mortels, il suffira que les médias s’adaptent aux changements technologiques et qu’ils développent de nouvelles plateformes pour récolter leur juste part de publicité numérique dans la nouvelle économie.
Voilà justement le problème. Hormis quelques rares exceptions, tous les médias dits « traditionnels » déclinent déjà leurs contenus sur des plateformes numériques… C’est pour mieux voir Google et Facebook empocher les revenus. Selon Médias d’info Canada, ce duopole a avalé deux tiers de tous les revenus en ligne au Canada en 2015, pour un montant de 3,06 milliards. À Québec et à Ottawa, les gouvernements participent joyeusement au carnage, en augmentant les budgets de placement publicitaire sur Google et Facebook, au détriment des médias locaux et nationaux.
Comme si ce n’était pas suffisant, l’industrie des médias et celle de la culture sont soumises à un régime à deux vitesses. Il existe une économie régulée pour les entreprises québécoises et canadiennes, et une économie libertarienne pour le GAFA. À ce chapitre, le cas de Netflix est proprement ahurissant. Puisque l’entreprise n’a pas de présence physique au Canada, elle n’a pas à collecter les taxes. Le Comité du patrimoine observe qu’en pareille circonstance, chaque consommateur doit payer les taxes sur son abonnement en envoyant un formulaire à cet effet à l’Agence du revenu du Canada. Pour vrai. Selon les estimations de Marwah Rizqy, professeure de droit fiscal à l’Université de Sherbrooke, ce vide à l’avantage de Netflix a privé Ottawa de 31 millions et les provinces de 56 millions en 2016. Cette injustice fiscale profite à toutes les entreprises du GAFA, en leur donnant un avantage concurrentiel indu sur les entreprises d’ici qui s’acquittent de leurs obligations fiscales.
« Il est franchement risible qu’on parle de taxer une plateforme et pas l’autre, et de suggérer que la situation reste inchangée », a dit le député libéral Seamus O’Regan, qui a participé à l’élaboration du rapport du Comité du patrimoine, intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation.
L’industrie des médias partage entièrement son constat et souscrit à la recommandation 1 du rapport, afin d’élaborer un nouveau modèle de financement qui s’appliquerait à toutes les plateformes et qui soutiendrait le contenu journalistique.
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