Trois événements récents sont venus perturber le fragile équilibre que l'Europe avait réussi à établir. L'instabilité politique en Grèce dans l'attente des élections du week-end prochain dont l'enjeu est les politiques d'austérité pour remettre le pays sur pied; le second tour des législatives françaises dimanche où le président socialiste François Hollande obtiendra probablement une majorité parlementaire, ce qui mettra encore plus de pression sur l'entente franco-allemande négociée par son prédécesseur qui avait procuré une certaine stabilité à la zone euro; et l'appel à l'aide de l'Espagne pour soutenir son système bancaire. Ces facteurs perturbants augmentent le risque d'une crise plus profonde en Europe et même d'un effondrement de sa monnaie. Il est clair qu'une telle crise pourrait entraîner la planète dans une autre récession. Ce risque existe. Mais est-il grand? J'ai noté que les spécialistes, financiers, banquiers centraux réunis à la Conférence de Montréal ne cédaient pas à la panique et exprimaient plutôt un optimisme modéré. Je partage cet optimisme prudent. Les craintes sur la capacité de survie de l'union monétaire européenne reposent souvent sur une incompréhension de l'Europe. Elle vient surtout des pays anglo-saxons, pour qui les moeurs politiques du continent sont indéchiffrables. Et des places financières largement dominées par la culture anglo-saxonne, Wall Street et la City londonienne, qui se sont opposées, depuis le début, à la création de l'euro et qui annoncent sa disparition avec régularité. Ce que cette incompréhension de l'Europe empêche de voir, c'est d'abord la détermination des leaders des pays de la zone euro de construire l'Europe, de tout faire pour que ce projet ambitieux soit un succès. Ce travail de construction, d'une grande complexité, est loin d'être terminé. On a vu, depuis la crise, la fragilité d'une union monétaire qui n'était pas appuyée par une union bancaire et par des politiques fiscales communes. On n'y arrivera pas, comme l'a suggéré Stephen Harper, avec un simplisme anglo-saxon, en appliquant à l'Europe le modèle canadien! Mais on peut voir aussi que le processus est amorcé. D'un choc à l'autre, l'Europe apprend. Elle met des outils en place. On se souvient du désarroi de ses leaders quand la crise grecque a éclaté. On a pu voir, la semaine dernière, la rapidité avec laquelle les institutions européennes sont venues à la rescousse des banques espagnoles. C'est un bon signe. L'incompréhension de l'Europe mène aussi aux préjugés. Notamment l'amalgame que les marchés font des pays du sud de l'Europe, l'association fréquente entre la Grèce et les autres états en difficulté. Une comparaison regrettable, parce que la Grèce, au plan de ses politiques économiques, était un pays hors-la-loi, aux chiffres trafiqués, aux politiques fiscales lamentables. Rien de tel en Italie, un pays maintenant dirigé par un technocrate résolu à restaurer la santé financière. Ni au Portugal, dont les citoyens ont élu un gouvernement de centre droit qui proposait un programme d'austérité qu'ils acceptent. Quant à l'Espagne, c'était, avant l'éclatement de la crise, un pays prospère, qui n'avait pas de déficit, mais qui a eu le malheur d'avoir une croissance reposant sur un boom immobilier. Là aussi, les citoyens ont élu un gouvernement plus conservateur, résolu à atteindre ses objectifs de rétablissement de la santé financière. Mais ces efforts sont plombés par un double cercle vicieux, les taux élevés qui compromettent de retour à la santé financière et la sévérité des politiques d'austérité qui maintient le pays dans la récession. Mais la situation difficile de ces pays ne doit pas nous faire oublier les efforts héroïques qu'ils déploient pour s'en sortir, des progrès considérables que la zone euro a déployés pour se doter des institutions dont elle a besoin, ni des énormes ressources - intellectuelles, politiques, financières et économiques - sur lesquelles peut compter ce continent.
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