L’Europe écartelée

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Le supplice de la roue

L’Union européenne tangue. De tous bords et de tous côtés — l’économique, l’humanitaire, les nationalités —, le navire prend l’eau.

Au printemps et au début de l’été, ce fut la crise de la Grèce, et plus généralement celle d’une monnaie commune difficilement soutenable au vu des disparités économiques du continent.

La spectaculaire capitulation de « l’ex-gauchiste » Alexis Tsipras — qui paraît aujourd’hui en difficulté devant l’élection anticipée du 20 septembre — n’était qu’un épisode. Ouverte en janvier dernier, la parenthèse Syriza pourrait bien se refermer dans une semaine… mais sans que cela signifie une solution à la crise.

Puis, une urgence chassant l’autre, il y a eu, au milieu de l’été, cet afflux sans précédent d’aspirants réfugiés au sud-est de l’Europe. Désarroi, hésitations, divisions, récriminations… puis, après le « choc des images », l’Allemagne a tenté d’assumer son leadership, avec cet appel à l’ouverture et à la générosité.

Un appel diversement entendu, qui voit aujourd’hui des pays comme la Pologne et les États baltes, pourtant bien alignés sur la « ligne dure » allemande dans l’affaire grecque, se rebiffer sur l’accueil aux migrants — et parler à leur tour de « diktat allemand ».

Même Berlin, ce week-end, a soudain semblé plus hésitant devant l’incroyable afflux, en décidant de rétablir des contrôles aux frontières. Au-delà de la solidarité humaine et de la beauté du geste persiste l’idée que l’Europe, dans cette crise, n’est pas au bout de ses peines et avance en terrain inconnu. Plus encore que « l’invasion » redoutée par certains… c’est le germe de la division qui, là aussi, fait son chemin. Une division est-ouest, division culturelle, économique…

Et que dire des dernières nouvelles en provenance de Londres et de Barcelone ? Elles ne font pas la « une » ces jours-ci, car on n’y trouve pas la même intensité dramatique, la même urgence humanitaire, qu’en mer Égée ou à la gare Keleti de Budapest…

En fait, l’atmosphère de la Diada, vendredi dans la capitale catalane, était plus bon enfant que dramatique. Pourtant, avec ce million de personnes qui, pour un quatrième 11 septembre consécutif, ont demandé en masse le droit à l’autodétermination pour la Catalogne, on a fait un pas de plus vers une grave crise institutionnelle qui pourrait déborder les seules frontières de l’Espagne.

Le 27 septembre prochain, les Catalans sont conviés à une élection régionale qui a été transformée par les dirigeants de Barcelone en un plébiscite pour ou contre l’indépendance. Les autorités de Madrid ayant fait de l’obstruction systématique et refusé par principe — avec l’appui, sinon la complicité de la Cour constitutionnelle — la tenue d’un référendum comme en Écosse et au Québec, le président Artur Mas s’est rabattu, en 2014, sur une élection référendaire, à tenir fin septembre 2015.

Selon les sondages, les « pro-oui » semblent capables d’aller chercher ensemble, dans deux semaines, une majorité de députés favorables à la sécession (entre 51 et 55 %), mais avec seulement une pluralité de voix (de l’ordre de 45 %).

Outre le débat sur la légitimité d’un geste aussi grave avec des appuis de cet ordre — au demeurant considérables, lorsqu’on pense qu’il y a cinq ou six ans, l’indépendantisme en Catalogne ne faisait que 15 % —, il y a le problème du dogmatisme de Madrid, qui bloque tout compromis de type « fédéralisme décentralisé ».

Enfin, du côté britannique, le débat préréférendaire autour de la consultation (probablement au printemps 2016) sur le maintien ou la rupture face à l’Union européenne, vient de prendre un tour plus dramatique avec la mise en minorité, au Parlement, de David Cameron sur une série de sujets qui ont rapport : formulation de la question, capacité pour le gouvernement d’agir pendant la campagne référendaire, etc.

Les anti-Europe en mènent de plus en plus large dans son propre parti ; les travaillistes viennent d’élire à leur tête un leader eurosceptique (le gauchiste Jeremy Corbyn) ; et puis un sondage donne en tête, pour la première fois depuis longtemps, l’option de la rupture avec l’UE.

En temps normal, avec une Europe en relative bonne santé, on pourrait parfaitement soutenir que des éventualités comme la sécession de la Catalogne, ou le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, restent hautement improbables. Mais le Vieux Continent ne vit pas des temps normaux.

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François Brousseau92 articles

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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