L'étrange façon de procéder de M. Charest

JJC 1er...

Dans les circonstances, on peut comprendre M. Jean Charest d'avoir voulu faire volte-face en fin de semaine dans le dossier de la commission Charbonneau sur la construction. Cependant, sa façon de procéder et de l'annoncer est fortement sujette à caution. Comment M. Charest a-t-il pu, d'une part, présumer d'une nouvelle décision que le gouvernement n'a pas encore prise et, d'autre part, l'annoncer publiquement comme il l'a fait dans son discours d'ouverture du congrès du Parti libéral?
M. Charest a déclaré que le gouvernement accédera à la requête que ferait la juge France Charbonneau si, dans la progression des travaux de la commission qu'elle préside, elle en venait à la conclusion qu'un pouvoir de contrainte devenait nécessaire.
Ce qui est d'abord étonnant, c'est que cette ouverture du premier ministre à l'égard des pouvoirs de la commission Charbonneau ait été annoncée dans le cadre d'un forum partisan et non dans un cadre gouvernemental. C'est d'abord comme chef de parti que M. Charest a prononcé le discours d'ouverture du congrès du Parti libéral. Une telle façon de procéder n'aurait sans doute pas pu être avalisée par la récente commission d'enquête Bastarache, dont une part importante des travaux portait sur les rapports entre le monde politique et la magistrature.
Il est important de rappeler que, dans notre système politique, c'est le gouvernement, et non le premier ministre, qui est le titulaire du pouvoir exécutif. Les décisions du gouvernement sont prises par le Conseil des ministres, présidé par le premier ministre. Or plusieurs ministres, interrogés durant le congrès, ont avoué avoir appris cette nouvelle décision «gouvernementale» en même temps que tous les délégués présents au congrès. À peine deux jours plus tôt, le Conseil des ministres avait pourtant formellement statué sur la création de cette commission d'enquête sur la construction. Une telle façon de procéder ne peut que contribuer à miner un peu plus la crédibilité des institutions de l'État auprès de la population.
La commission Bastarache a mis en évidence qu'au sein du gouvernement, il devait être de la responsabilité unique du ministre de la Justice de pouvoir communiquer avec la magistrature. Dans le présent dossier, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a mentionné avoir été mis dans le secret de la décision prise par le premier ministre quelques heures avant l'ouverture du congrès. Si des ministres, qui sont membres du Conseil des ministres, ont appris la nouvelle en même temps que tous les délégués présents au congrès libéral, il y a lieu de se demander comment la magistrature a été informée de cette décision du premier ministre qui la concerne au premier chef.
Le ministre Fournier a-t-il contacté le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, pour le consulter ou l'informer, d'une part, sur le pouvoir de contrainte que le gouvernement serait disposé à octroyer à la commission et, d'autre part, sur le fait que c'est la juge France Charbonneau qui devra en faire la recommandation au gouvernement? Rappelons que c'est le juge Rolland qui avait désigné la juge Charbonneau pour diriger cette commission d'enquête sur la construction.
Il serait en effet étrange de constater que le juge en chef de la Cour supérieure et la commissaire Charbonneau puissent avoir été informés d'une décision gouvernementale qui les concerne au plus haut point en écoutant à la télévision un discours du chef d'un parti politique!
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Luciano Dorotea - Québec


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