On a souvent essayé de distinguer les mots « confédération » et « fédération ». Cette distinction n’a jamais fait le bonheur des camps politiques. Les indépendantistes voyaient dans le mot « confédération » une duperie. D’abord parce que ce fut une fausse promesse qui incita les Québécois à adhérer au Canada. Et secondo parce le mot « confédération » risquait de devenir un blason pour tous ceux qui désiraient croire que le renouvellement du fédéralisme allait aboutir.
L’ennui c’est que le Québec n’aime pas creuser tout sujet touchant à caractère d’Etat inféodé dans un système global. Comme il ne signe pas la Constitution, on s’imagine qu’il est en désaccord. On s’imagine qu’il tient l’état du droit à son sujet pour une normalisation passagère du système qui sera dépassée un jour.
Pour les fédéralistes, le mot « confédération » avec une pointe d’indifférence quant à la sémantique. En disant que le fédéralisme est la formule « moderne » qui montre la voie à l’humanité, les fédéralistes clament que la formule canadienne demeure la plus fine de toutes les formes d’union interétatique. Encore aujourd’hui, les fédéralises canadiens refusent de considérer qu’il y ait une différence d’essence entre des unions d’Etats souverains et une union interprovinciale comme c’est le cas au Canada. La différence résiderait juste dans une degré d’intégration plus poussé et plus fonctionnel. Le monde entier en rêverait.
Les fédéralistes répondront aussi qu’il n’y a pas de différence fondamentale parce qu’une province canadienne est souvent bien plus puissante qu’un Etat souverain. Par conséquent, la différence entre une union de provinces canadiennes et une union d’Etats souverains tiendrait à des détails. Après tout, on pourrait dire que l’Alberta est bien plus puissante que le Mali. Un point passe sous silence dans cette démonstration, celui du droit des Etats. Le Mali avec son Etat est le représentant ultime et légitime de son peuple et il possède son territoire.
Il est beaucoup plus hasardeux de parler des droits d’un Etat provincial. Vous ne trouverez d’ailleurs nulle part une déclaration officielle des droits du Québec, quelque part inaliénable qui dépasse ses conditions d’appartenance au système canadien dans les textes. Les fédéralistes répondront que cela n’importe pas puisque l’absence de tel droit n’empêche pas le Québec de prétendre à une puissance économique plus grande que celle du Mali.
Il y a en effet des gouvernements, qualifiés d’intermédiaires ou de régionaux ou de provinciaux, qui, sous bien des aspects, sont de plus grande puissance que certains Etats nationaux. Aussi on se plaît à croire que « Ce n’est pas le statut qui compte, c’est la stature ». Il y a au moins un os là-dedans.
N’importe quelle personne en société sait qu’il est très important qu’on respecte toutes les clauses dévolues à son titre de personne morale. Elle sait qu’elle est la première représentante de sa personne. Elle sait distinguer entre posséder un domaine et n’en avoir que l’usufruit. Toute personne distincte et majeure sait que si quelqu’un signe pour elle, il faudrait que ce soit uniquement par la force d’une procuration ou par un mécanisme de consentement mutuel.
Une telle personne irait vite chez son avocat si ces conditions n’étaient pas respectées. On imagine le Québec chez un tel avocat. On a signé des papiers pour lui. Si on s’en tient à la formule : « Si le Canada est divisible le Québec l’est aussi » on peut conclure que le Québec ne possède pas son territoire et qu’il en a l’usufruit comme une simple municipalité. L’avocat préciserait : « Prends garde à cet usufruit. Cela signifie pour le collectif signataire qu’il prétend s’arroger un rang de tuteur et qu’il s’accorde un droit conditionnel d’occuper sa propriété. En fait, dans la pratique actuelle, dirait l’avocat, vous n’avez pas le statut de personne morale car un collectif dit avoir préséance sur vous pour vous représenter. Plus vous laisserez faire, plus ce sera un droit acquis ».
Une personne veule sortirait de chez l’avocat en se demandant si secouer la tutelle ne risque pas de s’avérer trop couteux. Et si tout à coup la tutelle réussissait à faire valoir ses droits de propriété sur tout…
Dans un cas de relation interpersonnelle, l’avocat pourrait faire valoir qu’il n’y a pas de document de renonciation aux droits qui tiennent sans le respect d’un processus balisé. Dans le cas du Québec, ce processus a été nié unilatéralement autant lors du rapatriement de la Constitution que lors de l’adoption de la loi sur la clarté. On énonça alors le principe qu’il n’y a pas de droit, pour quelque province canadienne, qui ne dépasse et qui ne devrait découler de l’appartenance des provinces, au système canadien.
Des Québécois se plaisent à croire qu’il n’y a pas lieu d’agir. Ils croient qu’il y a une contrepartie à tant d’unilatéralisme canadien face au Québec. Après tout, la cour suprême a évoqué le devoir de négocier plus comme une question de réalisme politique supra-légal. Et le Québec comme Etat, sur ses bons mots, préfère regarder ailleurs. Les questions de statut et de structure, si on se fie au premier ministre du Québec, n’est pas un vrai problème et il n’intéresse ni le gouvernement québécois, ni la population, ni rien.
On sait que le premier ministre assiste, au début de son mandat à une nomination d’un président de l’Assemblée Nationale. Cependant, personne ne sait d’où ce titre procède. Est-ce que cela procède du même supra-légalisme, une sorte de réserve de droits nationaux en suspens quelque part?
À quoi tient ce supra-légalisme qui est censé nous protéger et dont même la cour suprême tient compte par des allusions, des obligations potentielles et imprécises de négocier? Est-ce que cela tient à l’existence de la nation québécoise? Il y aurait donc des droits existentiels au-delà de la traduction légale?
On emploie les mots « contrat de mariage » pour désigner l’union du Québec au Canada. Vraisemblablement, la métaphore vaudrait plus pour un contrat de mariage dans certains pays musulmans ou dans certaines sectes mormones.
En effet, l’union qui associe le Québec au Canada actuellement, si on s’en tient au chapitre des droits, ressemble plus à un mariage polygame où la femme appartient au mari de même qu’à toutes les autres femmes du harem. La notion qu’elle puisse s’appartenir n’y figure pas, ni même l’idée que le statut de personne morale et distincte puisse être associé particulièrement à elle.
André Savard
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