L'année qui vient de se terminer aura été une année charnière dans le développement de l'énergie éolienne au Québec, tant à cause de l'importance des réalisations que des discussions et des décisions qui ont été prises et qui vont orienter cette filière pour de nombreuses années à venir.
L'année 2007 sera aussi très importante, considérant que les soumissions pour le deuxième appel d'offres d'Hydro-Québec Distribution doivent être déposées le 15 mai. Contrairement au premier appel d'offres, les parcs pourront être installés partout au Québec et, par conséquent, beaucoup de citoyens de toutes les régions auront un premier contact direct avec les éoliennes.
Il s'agit d'investissements privés très considérables, soit plus de 1,6 milliard de dollars pour le premier appel d'offres et au moins 3,2 milliards de dollars pour le second appel d'offres, le tout sans aucune subvention spéciale.
Un premier parc a été réalisé
D'autres parcs existaient déjà, mais le parc éolien de Baie-des-Sables est le premier à être réalisé à la suite du premier appel d'offres d'Hydro-Québec Distribution. Le parc de 109,5 MW (mégawatts), réalisé par Cartier Énergie éolienne, compte 73 éoliennes de 1,5 MW, dont 61 sont situées à Baie-des-Sables et 12 à Métis-sur-Mer. La mise en service commerciale a eu lieu le 22 novembre 2006, soit huit jours avant la date prévue au contrat de vente d'électricité.
Le parc est situé entièrement sur des terres privées; il n'aurait donc pas pu voir le jour sans l'accord de tous les propriétaires concernés. Il a aussi fait l'objet d'une entente avec les deux municipalités relativement aux contributions volontaires faites par l'entreprise et aux autres conditions pour la réalisation du parc. Il fallait aussi se conformer aux règlements de la MRC de Matane, obtenir l'approbation de la CPTAQ (Commission de protection du territoire agricole), un rapport favorable du BAPE (Bureau d'audiences publiques en environnement) et un décret du gouvernement. (Voir la liste de tous les parcs éoliens au Québec dans l'encadré ci-contre.)
Les usines de fabrication de pièces et d'assemblage d'éoliennes
Le programme de développement éolien mis en place par le gouvernement du Québec a une caractéristique unique en Amérique du Nord. Il exige des producteurs choisis en vertu de l'appel d'offres un contenu régional minimal, c'est-à-dire qu'un certain pourcentage des coûts de construction doit être dépensé dans la région (région administrative de la Gaspésie et des Îles et MRC de Matane). Pour les projets dont la date de mise en service commerciale est prévue pour 2006, le taux est de 40 %; pour ceux prévus pour 2007, le taux est de 50 %; pour ceux qui suivront, le taux est de 60 %.
C'est ainsi que LM Glassfiber du Danemark a construit à Gaspé une usine de fabrication de pales où travaillent 210 personnes. Marmen de Trois-Rivières a construit à Matane une usine de fabrication de tours et une usine d'assemblage de nacelles qui emploient au total 150 personnes. Composite VCI a construit à Matane une usine de fabrication de capots de nacelle où travaillent 70 personnes. Au total, ceci représente 430 emplois directs, sans parler des emplois indirects et des emplois induits.
Les autres emplois
Lors de la construction du parc de Baie-des-Sables, il y a eu en moyenne pendant une période de neuf mois 175 personnes sur le chantier de construction, avec une pointe à 300 employés. Cela ne tient pas compte des emplois chez les fournisseurs de matériaux et de services. Une fois le parc en exploitation, environ 10 emplois permanents seront maintenus. Pendant la construction, 83 % des employés étaient de la région.
Le deuxième appel d'offres d'Hydro-Québec Distribution
Les parcs pourront être situés partout en province, mais une partie des retombées économiques en matière de fabrication des turbines devra être en Gaspésie. Les soumissions doivent être déposées le 15 mai 2007. Pour être considéré, tout projet doit avoir des tours de mesure des vents en fonction sur le site depuis au moins les huit mois précédents.
En plus d'évaluer les vents, les promoteurs doivent maintenant mesurer l'acceptabilité sociale et environnementale de chaque projet. C'est pourquoi il y a tant d'assemblées publiques ou privées d'information, tant de projets de règlements de zonage. Le grand nombre de projets donne parfois l'impression qu'il y a confusion, mais chaque citoyen peut se rassurer: il n'y aura pas de parc éolien dans sa municipalité si les citoyens n'en veulent pas.
Comparaison avec l'Ontario
Certaines personnes prétendent que les producteurs d'énergie éolienne au Québec paient proportionnellement moins de taxes et de redevances que les producteurs ontariens. Ces personnes oublient souvent qu'il y a une taxe sur les services publics au Québec, et leurs comparaisons sont faussées parce que les prix de vente en Ontario sont beaucoup plus élevés qu'au Québec et que les éoliennes utilisées à titre d'exemple (parc de Wolfe Island) produisent 2,3 MW, comparativement à 1,5 MW pour celles de la Gaspésie.
En réalité, si l'on utilise la même base de comparaison, soit le revenu brut, et si l'on tient compte de toutes les taxes foncières, des contributions volontaires aux municipalités et des redevances aux propriétaires, les montants versés par les producteurs en Gaspésie représentent 3,6 % des revenus bruts, comparativement à 3,2 % en Ontario.
Hydro-Québec: le maître d'oeuvre
Même s'il y a plusieurs producteurs qui s'affairent à trouver des sites, développer des projets, construire et exploiter des parcs éoliens, Hydro-Québec demeure paisiblement le maître d'oeuvre qui établit les règles et bénéficie des efforts incroyables de tous ces investisseurs. Lors du premier appel d'offres, sans investir un sou, Hydro-Québec a bénéficié des milliers d'heures et des millions de dollars investis par les promoteurs pour découvrir les meilleurs sites, négocier les meilleures ententes, trouver le meilleur financement. Huit promoteurs différents lui ont présenté 32 sites possibles totalisant 4000 MW. Hydro-Québec Distribution a pu choisir le meilleur 990 MW, ce qui a donné le prix extrêmement intéressant de 6,5 ¢ le kilowatt/heure. De plus, elle sait exactement ce que l'énergie va coûter pendant 20 ans.
Hydro-Québec reste le seul acheteur de l'énergie éolienne au Québec et elle a le monopole sur son transport et sa distribution, permettant donc à ses clients de bénéficier du prix le plus bas qu'elle obtient par la concurrence entre plusieurs promoteurs. Respectant les orientations données par le gouvernement, elle établit: les quantités à produire et la date selon ses propres besoins, les régions où produire, les contraintes des lignes de transport, la proportion et la définition du contenu régional ou provincial.
Les risques du producteur d'énergie éolienne
S'il est choisi, le développeur sera alors soumis aux risques suivants: refus du projet par le BAPE ou demandes de changements importants; difficultés d'implanter le parc comme prévu et coûts additionnels; retard dans la mise en service commerciale (et les pénalités qui en découlent) dû aux délais d'approbation ou aux problèmes de construction; coûts de construction plus élevés que prévu; coûts d'exploitation plus élevés que budgétisés; et le pire, production d'énergie inférieure aux prévisions soit à cause d'équipement déficient ou par manque de vent.
Cela explique d'ailleurs les déclarations du président directeur-général d'Hydro-Québec en commission parlementaire à Québec le 20 septembre dernier, alors qu'il affirmait notamment:
«... le choix qui a été fait à ce moment-là, c'était qu'Hydro-Québec procède par appel d'offres... Avec le nombre de propositions reçues, avec la qualité, les prix qui étaient franchement concurrentiels... on a été capable d'aller chercher le meilleur que cette filière-là peut nous donner... Aller chercher ces prix-là et donner cet avantage directement à tous les clients du Québec, c'est une approche tout à fait souhaitable.»
«... vous regardez les rendements qu'ils acceptent, [...] ce sont des rendements qui sont des rendements bas [...], des rendements qui sont inférieurs à ce qu'on jugerait prudent de faire à Hydro-Québec.»
Le Québec a besoin d'énergie pour se développer et sur son territoire, l'énergie éolienne est assez abondante. C'est une énergie renouvelable qui ne produit aucun gaz à effet de serre. C'est une énergie qui s'intègre très bien à l'énergie produite par les centrales hydroélectriques ayant de grands réservoirs. Avec les progrès technologiques qui ont permis de réduire les coûts de production de l'énergie éolienne pendant que les coûts des prochaines grandes centrales hydroélectriques sont de plus en plus élevés, le prix de l'énergie éolienne est devenu concurrentiel et le développement de la filière éolienne est devenu inévitable.
Avec les nombreux règlements mis en place par les autorités locales, régionales et provinciales, avec les conditions très strictes imposées par le maître d'oeuvre Hydro-Québec, avec la concurrence entre plusieurs promoteurs, les consommateurs québécois bénéficieront d'une énergie produite au meilleur coût possible dans des conditions qui respectent l'environnement. De plus, aucun parc ne pourra être construit s'il n'obtient pas l'approbation de la collectivité locale.
Gilles Lefrançois : Président d'Innergex et porte-parole de la Coalition pour la promotion de l'énergie éolienne
L'énergie éolienne au Québec: bilan 2006 et perspectives
17. Actualité archives 2007
Gilles Lefrançois2 articles
Président d’Innergex et porte-parole de la Coalition pour la promotion de l’énergie éolienne
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