"L'autre nation" ne me préoccupe pas

Tribune libre




"L'autre nation" ne me préoccupe pas.

Géographe, l'essentiel pour moi, ce n'est pas la nation: c'est l'État.

Une nation sans État est une société sans pouvoirs, une simple société territoriale à peine plus étendue qu'une tribu ou un clan, deux autres sociétés territoriales sans pouvoirs réels.

Un État, c'est autre chose.

Le Canada, parole de géographe, est un CONTINENT, donc, il se prête naturellement à la formation de plusieurs États. S'il a été colonisé et mis en valeur sur le tard, par rapport aux autres continents, y compris l'Amérique du nord des Américains et des Mexicains, dont le Canada est un prolongement, c'est parce qu'il est massivement recouvert d'obstacles gigantesques qui en limitent l'accès et imposent des contraintes sévères aux communications, aussi parce qu'il est entouré de mers glaciales et qu'il manque d'oekoumène.

L'espace idéalement oekoumène au Canada représente moins de 1% de la superficie totale, cette dernière étant équivalente à celle de l'Europe.

Les grandes plaines de l'Ouest ne sont ni basses ni réellement plates, mais inclinées, gauchies d'est en ouest, la partie basse à l'est et les parties élevées à l'ouest. Elles manquent d'eau et n'ont qu'une saison végétative courte ne permettant qu'une seule récolte par année, soit 120 jours environ.

La Colombie Britannique peut obtenir deux et trois récoltes par année mais manque d'espaces plats.

L'Ontario méridional peut obtenir deux et trois récoltes par année mais ses terres sont ruinées par l'urbanisation galopante des dernières décennies.

Le Québec ne peut obtenir qu'une seule récolte par année, avec 170 jours de saison végétative mais manque de bons sols. La majorité des surfaces cultivables du Québec se compose de sols morainiques, de sables, d'argiles post-glaciaires et de marais. Comme les Hollandais, il faudra des siècles au Québec pour bonifier assez d'espaces agricoles pour atteindre l'autarcie alimentaire.
Vous n'êtes pas sans savoir que le dernier glacier a reculé hors du Québec il y a 7000 ans à peine.
C'était un inlandsis gigantesque, que ce glacier appelé Wisconsin, du nom de l'état américain où ses moraines ont été correctement identifiées par rapport aux glaciations précédentes.

Résultat: les sols du Québec se comparent à ceux de la Finlande sauf que les Finlandais sont installés sur place depuis environ 700-800 ans et ont eu plus de temps que les Québécois pour bonifier leurs terres.

Au Québec, la colonisation venue majoritairement de Normandie et de Bretagne n'a que quatre siècles d'investissements. Les colons devaient travailler dans des conditions impossibles et de plus, ils devaient prendre les armes et prêter main forte à l'armée française contre les Anglais et leurs alliés.

Au Québec, l'espace oekoumène ne représente que 45,000 kilomètres carrés de superficie sur un total de 1,600,000 kilomètres carrés pour l'ensemble du territoire, dont les 9/10e sont constitués d'un bouclier Précambrien composé de roches cristallines et métamorphiques, entouré de mers glaciales.

Le Saint Laurent est une des mers intérieures les plus dangereuses du monde à la navigation. La preuve: les fonds du Golfe sont jonchés de plus de 4000 épaves. Le Golfe est parsemé de récifs de granits durs capables de briser la coque des navires modernes et bien davantage les anciennes embarcations de bois. Deux flottes de guerre anglaises ont fini dans les eaux glaciales du Golfe.
Pauvres marins anglais. Mais tous ces obstacles ont été pour nous notre Providence, puisque nous avons survécu malgré la présence et l'hostilité anglaise, orangiste et loyaliste.

Les provinces d'empire avaient dès les débuts de l'occupation anglaise les assises qui leur permettent de construire leur propre État, le développement économique et politique aidant. Ces provinces sont arrivées à maturité maintenant.
Le Québec y est arrivé avant, parce qu'il a de l'oekoumène et de l'histoire, en fait 400 ans d'histoire, ou période formative dans le langage de la géopolitique et de la stratégie d'État.

Voilà ce qui compte. L'État du Québec, un État naturel et optimal, opposé à l'État centralisateur, unitaire et arbitraire d'Ottawa, État artificiel, post-impérial, sans assise territoriale autre que les chemins de fer autour desquels il a fondé son pouvoir arbitraire. Cet État n'a pas d'avenir.

Le problème pour le Québec est simple et complexe: Saborder Ottawa, l'éliminer comme capitale, se soustraire à son pouvoir et inciter les autres provinces à en faire autant.

Voilà la perspective de la géopolitique et de la stratégie d'État. Il n'y a pas à en sortir ni à y revenir. Il faut agir.


J. René Marcel Sauvé, géographe, auteur de
Géopolitique et avenir du Québec

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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