L'Arabie saoudite convoite la présidence du Conseil des droits de l'homme

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Ayoye!

Cela a d’abord commencé par une rumeur qui a enflé et gagné les couloirs du Palais des Nations. L’Arabie saoudite convoiterait la présidence du Conseil des droits de l’homme… Impossible, inimaginable. Pourtant, cette rumeur n’en est plus une. Faisal bin Hassan Trad, le représentant permanent de l’Arabie saoudite auprès de l’ONU, arrivé à Genève en janvier 2014, est bel et bien en train de faire campagne au sein du groupe Asie pour être son candidat lors du renouvellement qui doit intervenir en fin d’année.
Actuellement, le Conseil est présidé par l’Allemand Joachim Ruecker dont les qualités et l’engagement font l’unanimité. Avant lui, c’était un Africain, le Gabonais Baudelaire Nganella, qui n’a pas laissé un très bon souvenir au dire des ONG, sorties frustrées de son année de présidence. La règle des rotations veut que le prochain président du Conseil des droits de l’homme soit issu du groupe Asie qui regroupe treize pays (Arabie saoudite, Bangladesh, Chine, Émirats arabes unis, Inde, Indonésie, Japon, Kazakhstan, Maldives, Pakistan, République de Corée, Qatar et Vietnam). Faisal bin Hassan Trad a toutes ses chances. La bataille promet d’être serrée. Les Européens vont tous essayer de dissuader les membres du groupe Asie de faire ce choix, considéré par avance comme désastreux pour l’image du Conseil des droits de l’homme.
Le forcing des Saoudiens
«L’Arabie saoudite est en train de faire le forcing auprès de ces autres pays pour être désignée. Si jamais elle y parvient, ce sera une catastrophe pour le Conseil des droits de l’homme. Cela risque de nous renvoyer aux pires heures de l’ancienne commission qui avait sombré dans le discrédit», confie un diplomate occidental sous couvert d’anonymat.
Sur le papier, rien ne s’oppose en effet à ce que l’Arabie saoudite puisse présider un jour le Conseil des droits de l’homme. Elle en est membre à part entière, élue pour trois ans renouvelables par l’Assemblée générale de l’ONU. Mais cette perspective suscite d’ores et déjà embarras et malaise au sein du Conseil et un début de colère parmi les défenseurs des droits de l’homme.
L’Arabie saoudite était l’un des huit pays à ne pas signer la Déclaration universelle des droits de l’homme lors de son adoption en 1948. Aujourd’hui, la monarchie saoudienne continue à pratiquer une justice expéditive très éloignée des standards démocratiques occidentaux. L’égalité entre hommes et femmes n’existe pas, les homosexuels sont condamnés à mort, aucune autre religion que l’islam n’a sa place, la liberté d’expression relève du fantasme.
Les ONG n’ont cessé d’alerter ces dernières années sur la dureté et l’inhumanité de ce régime. «La fonction de président est importante. Si elle est élue, l’Arabie saoudite devra montrer une plus grande vigueur à soutenir le mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU)», avertit Jean-Claude Vignoli, le directeur des programmes de l’ONG UPR Info. Ce mécanisme qui associe la société civile au passage en revue de chaque pays n’a jamais été la tasse de thé de l’Arabie saoudite.
Pression sur le groupe Asie

A Genève, la porte-parole d’Amnesty International Nadia Boehlen tombe de sa chaise. «C’est impensable!» soupire-t-elle. Pour cette militante des droits de l’homme, il est «totalement ironique de voir un pays qui bafoue aussi allègrement les droits de l’homme en pratiquant des exécutions cruelles» convoiter la direction de l’organe qui a la responsabilité «de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme autour du globe».
«Il est essentiel que le groupe Asie propose un candidat crédible pour le représenter», réagit John Fisher, directeur du bureau genevois de Human Rights Watch, qui se raccroche à l’espoir de voir émerger des candidatures qui pourraient balayer la tentative saoudienne de mettre la main sur le Conseil. En attendant, il rappelle que «le président du Conseil des droits de l’homme joue un rôle essentiel» en ce qui concerne «la promotion et la protection des droits humains pour tous». Une pression énorme pèse désormais sur les épaules des membres du groupe Asie. Certains diplomates auraient préféré que la démarche engagée par l’Arabie saoudite demeure cachée.


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